Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Oui, la BCE !

Publié le - Auteur Par Olivier B. -
Y a-t-il un pilote dans l’avion ? Oui, la BCE !

28 juillet dernier : la Banque centrale européenne recommande aux banques de supprimer les versements des dividendes jusqu’au mois de janvier 2021. Le but : « préserver la capacité des banques d’absorber des pertes » en cette période de crise et d’incertitudes. Cette même BCE qui appelait mi-juillet à un ambitieux plan de relance sur le Vieux-Continent. De quoi piquer notre curiosité pour mieux comprendre le rôle de cette institution qui semble omnipotente…

Le rôle de la BCE en ces temps de crise

La Banque centrale européenne est désormais un acteur de poids dans la gestion des crises économiques, reléguant même les États au rang de faire-valoir dans la représentation des citoyens. Mais quelle est actuellement son action face à l’impact de la pandémie ?

Faire que l’argent circule coûte que coûte

L’une des fonctions de la BCE consiste à prêter de l’argent aux banques par le biais d’opérations de refinancement. Mais si auparavant l’instance prêtait à haute fréquence dans des temps courts (une semaine), désormais, elle allonge cette durée (de 3 mois à 3 ans).

Pourquoi ? La BCE souhaite sécuriser l’horizon des banques. Celles-ci n’ont plus à se soucier de leur capacité à se refinancer sur le marché interbancaire (quand une banque prête à une autre banque). Or, la liquidité (capacité à échanger de l’argent facilement) est nécessaire pour éviter un blocage désastreux du système comme en 2007.

Prêter à des banques qui…prêtent

La BCE incite les banques à faire circuler l’argent pour financer l’économie réelle (entreprises, ménages). Comment ? En prêtant à des taux préférentiels aux établissements financiers qui démontrent leur activisme en matière de crédit : jusqu’à 50% de l’encours des crédits ciblés.

Avec deux conséquences visées :

  • pousser les banques à ne pas garder l’argent dans leurs coffres et
  • préserver la rentabilité du système, en laissant des marges d’intérêts suffisantes aux banques sur le coût du crédit.

 

Achat massif de titres sur les marchés financiers

Autre action de la BCE, cette fois-ci moins conventionnelle : l’acquisition massive de titres de banques, d’entreprises et d’obligations d’Etat sur les marchés. D’où une augmentation très élevée des titres à son actif. Ainsi, le solde du bilan de la BCE grimpe à 52,8% du PIB contre 40% début 2020 (et 20% début 2015).

Ce robinet de liquidités empêche l’écart entre les taux d’intérêts des différents états de grandir comme en 2010. Car les pays très endettés du sud de l’Europe (France compris) ne supporteraient pas de voir leur taux d’emprunt remonter. Mais cette stratégie cadre également les taux longs et les prix des actifs (actions, immobilier…).

Inflation, inflation : BCE, ne vois-tu rien venir ?

En agissant de la sorte, la BCE flirte avec les limites réglementaires voire outrepasse son mandat comme l’exprimait un arrêt de la cour de Karlsruhe en mai dernier. D’autant que déverser massivement des liquidités pose aussi la question de la hausse des prix : l’inflation.

Les valeurs refuge au plus haut

La monnaie n’est qu’une question de confiance. Si les gens perdent cette confiance, alors la monnaie perd de sa valeur. Et si la monnaie perd de sa valeur, plus personne n’en veut. Donc les prix flambent, selon les théories monétaristes.

L’une des raisons d’être de la BCE est justement de surveiller l’inflation comme le lait sur le feu. Or, en activant la planche à billets pour lutter contre les conséquences économiques et sociales de la pandémie, la BCE prend ce risque. En théorie. Toutefois, le cours haussier des valeurs refuge comme l’or ou le Bitcoin est un signal. Autre indice : la thésaurisation.

 

Les fourmis françaises encore et toujours !

Les Français déposent leur argent sur leurs livrets d’épargne et leurs comptes courants. La collecte sur le Livret A atteint 20,41 milliards d’euros au premier semestre 2020. Le dernier baromètre BPCE-Audrep indique que le taux d’épargne des Français a doublé au premier semestre par rapport à d’habitude (30%).

Et, selon l’OFCE, sur les 75 milliards d’euros concernés depuis le début de la crise, près de 44% dort sur les comptes courants. Résultat : les banques disposent d’une manne de liquidités énorme, un atout pour financer les Prêts garantis par l’Etat (PGE). Une mesure qui va dans le sens de la volonté de la BCE d’inciter les banques à prêter de l’argent.

Alors, inflation ou pas ?

En France, l’Insee chiffre provisoirement à 0,8% la hausse des prix à la consommation en juillet 2020 sur une année glissante. Ce score était de 0,2% en juin. Les facteurs explicatifs sont :

  • une augmentation des prix des produits manufacturés,
  • une baisse moindre des prix de l’énergie,
  • et un ralentissement des prix de l’alimentation, des services et du tabac.

En zone euro, l’inflation est insensible, inférieure à 1%.

Une des explications à cette faible inflation est que la masse monétaire n’a finalement guère augmenté (9% en mai). Pourtant la BCE ne ménage pas sa peine…En fait, l’argent reste bloqué dans les banques qui, d’une part, ne croient pas à une reprise et, d’autre part, sont confrontées à une faible demande de la part des emprunteurs solvables. Et l’inflation qui pourrait décongestionner les tuyaux n’est pour l’heure pas un levier suffisant.

D’où les propos d’Andrea Enria, responsable de la surveillance du secteur bancaire à la BCE, qui résume la stratégie : « encourager les banques à utiliser leur capital pour se concentrer sur cette tâche principale de prêter ». La suppression du versement des dividendes et la réduction des bonus y contribuent. Des injonctions de la BCE qui tient fermement le manche de l’appareil UE dans l’actuel trou d’air que le monde traverse.

Par Olivier B.

Olivier est un rédacteur disposant d'une forte expérience dans l'univers banque et fintech.

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