Depuis plusieurs mois, TikTok est au centre d’un affrontement juridique et politique aux États-Unis. L’application, connue pour ses vidéos courtes et son énorme popularité, pourrait être bannie du territoire américain dès le 19 janvier prochain, à moins que sa maison mère chinoise, ByteDance, ne cède ses opérations américaines à une entreprise nationale. La situation est explosive et les jours du célèbre réseau social chinois sont dorénavant comptés aux USA.
Une pression croissante sur ByteDance
La loi Protecting Americans from Foreign Adversary Controlled Applications Act, adoptée en avril 2024 avec un large soutien bipartisan, impose à ByteDance de se séparer de TikTok aux États-Unis ou de faire face à un bannissement total. Cette législation résulte d’inquiétudes liées à la possibilité que le Parti communiste chinois utilise TikTok pour collecter des données sensibles ou influencer l’opinion publique américaine. En décembre 2024, TikTok a demandé à la Cour suprême de bloquer l’application de cette loi, soulignant qu’elle constitue une atteinte aux droits du Premier Amendement pour ses 170 millions d’utilisateurs américains.
Cependant, les juges se sont montrés réceptifs aux arguments du gouvernement concernant les préoccupations de sécurité nationale. Mais TikTok a fait un pas vers les Américains et a investi massivement pour rassurer les autorités, notamment en transférant la gestion de ses données américaines à Oracle. Malheureusement, des révélations ont montré que ByteDance avait précédemment accédé à ces données, nourrissant les soupçons d’espionnage.
Elon Musk, un potentiel acheteur
Selon Bloomberg, la Chine envisagerait une option inhabituelle : vendre les opérations américaines de TikTok à Elon Musk. Le milliardaire, qui a déjà racheté Twitter en 2022, pourrait ainsi ajouter TikTok à son empire technologique. Ce scénario reste cependant hypothétique, les discussions étant encore à un stade préliminaire. Musk n’a fait aucun commentaire à ce sujet, et ByteDance continue d’essayer de garder le contrôle de TikTok.
Si cette vente se réalisait, elle offrirait à Musk une opportunité unique de développer son entreprise X, anciennement Twitter. TikTok pourrait également être un atout pour son entreprise d’intelligence artificielle, xAI, en exploitant les immenses volumes de données générés par l’application. En plus de renforcer sa position dans le domaine des réseaux sociaux, Musk pourrait utiliser TikTok pour mieux intégrer les fonctionnalités de commerce électronique et de publicité ciblée sur ses plateformes.
Des alternatives à l’étude
D’autres acteurs envisagent également de racheter TikTok. Le consortium Project Liberty, dirigé par l’investisseur Frank McCourt, souhaite reconstruire la plateforme en accordant la priorité à la protection des données des utilisateurs américains. Kevin O’Leary, célèbre pour son rôle dans « Shark Tank« , participe à cette initiative, qui implique également des fonds de capital-investissement et des banques américaines. Ce projet exclut toutefois l’achat de l’algorithme de TikTok, un élément clé que la Chine refuse de céder.
Par ailleurs, des entreprises comme Amazon, Oracle et Microsoft ont aussi été mentionnées parmi les acheteurs potentiels. En 2020, Oracle et Walmart avaient déjà tenté d’acquérir TikTok, mais l’accord avait été annulé par l’administration Biden pour des raisons de sécurité. Aujourd’hui, le contexte est différent, et une telle acquisition pourrait être plus stratégique que jamais. Amazon, par exemple, pourrait intégrer TikTok dans son écosystème pour renforcer ses offres en matière de commerce en ligne et de divertissement.
Enjeux autour de la sécurité des données
Au cœur des préoccupations concernant TikTok se trouvent les questions liées à la sécurité des données. ByteDance affirme que toutes les données des utilisateurs américains sont stockées sur des serveurs aux États-Unis depuis 2022, mais des rapports ont révélé que l’entreprise avait accédé à ces informations par le passé, soulevant des doutes sur la fiabilité de ces déclarations. La mise en œuvre de nouvelles mesures de sécurité et la transparence sont donc devenues des priorités pour TikTok, qui cherche à regagner la confiance des utilisateurs.
Les inquiétudes sur la cybersécurité s’étendent également aux risques potentiels de manipulation de l’information. Des experts ont averti que TikTok pourrait être utilisé pour influencer les opinions politiques ou diffuser de fausses informations, ce qui exacerbe les tensions entre les gouvernements américain et chinois.
Les conséquences économiques et politiques
L’interdiction de TikTok aux États-Unis aurait de lourdes conséquences économiques. En avril 2024, l’application comptait environ 170 millions d’utilisateurs aux USA, un marché lucratif pour les annonceurs. La perte de cette énorme manne d’utilisateurs représenterait un coup dur pour ByteDance, mais également pour les créateurs de contenu qui dépendent de la plateforme pour leurs revenus.
Sur le plan politique, l’affaire TikTok exacerbe les tensions entre les États-Unis et la Chine. Alors que les deux puissances s’affrontent sur plusieurs fronts — économique, technologique et géopolitique —, TikTok est devenu un symbole des enjeux de souveraineté numérique et de protection des données personnelles. Le résultat des délibérations de la Cour suprême pourrait donc avoir des répercussions bien au-delà du seul marché des réseaux sociaux.
Les différents scénarios possibles
Plusieurs scénarios sont envisageables si TikTok est banni aux États-Unis. Dans le pire des cas, les données des utilisateurs américains pourraient être rapatriées en Chine, comme cela s’est produit lors de la fermeture de TikTok en Inde en 2020. Une autre possibilité serait que la plateforme disparaisse complètement du paysage numérique américain, laissant un vide que d’autres réseaux sociaux pourraient tenter de combler. Enfin, une vente à une entreprise américaine pourrait garantir la continuité des opérations tout en apaisant les tensions.
La nature a horreur du vide dit-on, et une interdiction de TikTok pourrait dégager la voie à des concurrents comme Instagram ou YouTube Shorts pour consolider leur domination. Toutefois, la question de savoir si ces plateformes pourraient combler l’attrait unique de TikTok reste ouverte.
Le contrôle du narratif : un enjeu mondial
La controverse autour de TikTok ne se limite pas aux États-Unis. En Inde, l’application a déjà été interdite en 2020 en raison de préoccupations similaires concernant la sécurité nationale. Cette interdiction inspire maintenant d’autres pays qui envisagent des mesures similaires. En Europe, les régulateurs scrutent également de près TikTok et ses pratiques de collecte de données avec de possibles violations des règles du RGPD.
Cette pression internationale autour des réseaux sociaux reflète la prise de conscience des enjeux liés à la souveraineté numérique. Les gouvernements sont de plus en plus préoccupés par l’influence des grandes entreprises technologiques, qu’elles soient basées en Chine ou aux États-Unis, et cherchent à mieux réguler ces plateformes pour essayer de contrôler le narratif de l’information.
En Europe, la censure gagne du terrain avec l’application du Digital Services Act (DSA), qui impose des obligations strictes aux plateformes en matière de modération des contenus. Ce cadre législatif remet en question la liberté d’expression et le rôle des plateformes dans la diffusion de l’information. Parallèlement, des discussions émergent actuellement sur une possible interdiction de X.com, anciennement Twitter, dirigé par Elon Musk, accusé par certains responsables politiques européens de ne pas assez modérer les contenus diffusés sur sa plateforme. L’UE souhaiterait en effet mieux réguler les géants du numérique pour mieux contrôler les flux d’information et restreindre ces espaces de débat public qui prennent progressivement le pas sur les médias traditionnels.
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