Depuis plus d’un an, les signaux alarmants s’accumulent dans le secteur immobilier français. Les ventes s’effondrent, les faillites se multiplient, et les mises en chantier affichent un niveau historiquement faible. Les acteurs de la transaction, tels que les agents immobiliers et les promoteurs, se retrouvent durement touchés, tandis que les particuliers peinent à trouver un logement abordable. Pour beaucoup d’analystes, cette situation s’explique en partie par un cadre réglementaire devenu trop pesant et par des choix politiques inconsidérés, qui ont fini par engendrer un blocage d’ampleur inédite.
Désormais, le malaise s’étend bien au-delà du seul marché de l’immobilier, puisque la France se retrouve aussi confrontée à une crise du logement qui n’épargne aucune catégorie de population.
Des chiffres officiels alarmants
En examinant les chiffres officiels, on comprend mieux l’ampleur des difficultés. Les agents immobiliers ont dû faire face à 1232 faillites d’agences en 2024, soit une hausse de 225 % par rapport à l’année précédente. Le nombre de transactions a chuté pour atteindre tout juste 780 000 actes sur l’ensemble du territoire dont une baisse de 17 % dans l’ancien.
Chez les promoteurs, le constat est tout aussi préoccupant : 308 projets ont déposé le bilan au dernier trimestre, tandis que le volume de logements mis en chantier plafonne à 250 000, un seuil qu’on n’avait plus observé depuis 1950. Au total, plus de 17 500 entreprises du bâtiment se déclarent en grande difficulté financière, sous la pression combinée de la hausse des taux d’intérêt, de l’inflation et du coût des matières premières.
Immobilier : Retour sur l’origine du mal
Il y a évidemment des raisons à cet effondrement. D’abord, la politique monétaire plus restrictive menée par la Banque centrale européenne (BCE) a rendu l’accès au crédit immobilier plus complexe. Avec des taux en hausse, nombre d’emprunteurs potentiels renoncent à leur projet. Le renforcement des normes énergétiques et l’application stricte d’exigences en matière d’isolation ou d’accessibilité ont par ailleurs contribué à faire grimper les coûts de construction et de rénovation. Certains promoteurs, découragés par ces contraintes, préfèrent suspendre leurs opérations plutôt que de prendre le risque de mettre sur le marché des biens qu’ils ne pourraient pas vendre ou louer à un tarif compétitif.
La responsabilité de l’État est souvent pointée du doigt.
Plusieurs gouvernements successifs ont mis en place des réglementations qui, ajoutées les unes aux autres, ont fini par alourdir considérablement la charge pesant sur les professionnels. L’obligation d’aménager systématiquement certains espaces afin de pouvoir faire tourner un fauteuil roulant dans chaque pièce, la nécessité de respecter des standards énergétiques très exigeants pour tous types de logements ou encore l’adoption de formalités complexes pour obtenir les permis de construire sont autant de freins à la réalisation de projets immobiliers. Bien sûr, l’objectif officiel demeure louable : rendre les habitats plus confortables, plus écologiques et plus accessibles. Pourtant, à force de complexifier la législation, on se retrouve avec un marché qui devient peu flexible, un coût de construction prohibitif et un climat d’incertitude tant pour les constructeurs que pour les acheteurs et investisseurs.
Crise du logement en vue
Le blocage réglementaire se double d’un phénomène qui accentue encore la crise : la raréfaction du parc locatif. Sous l’effet d’une offre toujours plus restreinte, les loyers augmentent rapidement, surtout dans les grandes agglomérations. Le magazine Le Point rapportait récemment que le nombre de biens à louer avait chuté de près de 32 % en deux ans, alors même que la demande, elle, continuait de progresser. L’accès au logement se complique pour les étudiants, les jeunes actifs et même pour certaines familles ayant pourtant un revenu décent. Notons que les loyers dans les dix plus grandes villes de France ont progressé de plus de 4 % sur un an, soit un rythme supérieur à l’inflation.
Cette situation est aggravée par la décision des pouvoirs publics de rendre certains logements immédiatement inlouables pour cause d’inefficacité énergétique (les fameuses passoires énergétiques), ce qui concerne plus de 600 000 biens. Du jour au lendemain, des propriétaires ont constaté que leur bien ne respectait plus les critères exigés du nouveau DPE. Ces habitations, parfois accessibles à des revenus modestes, ont disparu du marché, contribuant à rendre la recherche d’un logement encore plus difficile. Les locataires, quant à eux, se retrouvent face à une offre réduite et à des prix qui montent en flèche.
En parallèle, on voit se multiplier dans la presse des exemples de collectivités cherchant des solutions de fortune, comme l’installation de tiny houses ou de mini-maisons sur des terrains publics. Les Echos ont dernièrement mis en avant le cas de Grand-Champ, dans le Morbihan, où un camping municipal a été réaménagé pour accueillir vingt-et-une mini-habitations. À La Roche-sur-Yon, en Vendée, un terrain inexploité a été choisi pour un programme expérimental similaire, censé répondre au manque de logements sociaux. Bien que ces initiatives puissent sembler originales, elles traduisent surtout l’incapacité du marché classique à loger décemment les habitants aux tarifs habituels. En réalité, une tiny house ressemble davantage à une caravane améliorée qu’à une véritable demeure, et son existence souligne la gravité de la crise actuelle.
On pourrait croire à une blague, mais non, la réalité en France prend des allures de cauchemar. Après les conseils de l’ancien ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, suggérant aux Français en difficulté pour se chauffer de porter un pull à col roulé, voici qu’on leur propose désormais des solutions de logement précaire comme seul recours.
La crise de l’immobilier se transforme ainsi en crise du logement. Les exemples concrets de pénurie se multiplient, comme à Lyon, à Lille ou encore à Toulouse, où les offres locatives sont devenues si rares que beaucoup de candidats peinent à trouver un appartement, même en ayant un dossier solide. La flambée du prix des loyers pénalise autant les ménages modestes que les classes moyennes. Les experts s’accordent à dire que plus on ralentit la construction et plus on retire de biens du marché locatif, plus la hausse des loyers et la pénurie deviendront inévitables, ce qui favorisera encore la spéculation dans les zones déjà tendues.
Des problèmes mais des solutions en perspectives
Nombre d’experts jugent que l’on ne pourra pas résoudre ce problème avec de simples aménagements de camping ou des solutions de courte durée. C’est tout l’équilibre du marché qu’il faut repenser et surtout appeler à un désengagement de l’Etat . Il s’agirait d’alléger certaines normes devenues trop rigides, de stabiliser les aides et les dispositifs d’encouragement à la construction ou à la rénovation, et de réformer la fiscalité immobilière afin de fluidifier les transactions. Les frais de mutation, par exemple, constituent un frein important pour les ménages souhaitant acheter ou vendre un bien. Les démarches d’obtention d’un permis de construire devraient être raccourcies et clarifiées.
Du côté de la transition écologique, même si la nécessité de rendre les bâtiments moins énergivores reste pressante, les mesures mises en place semblent parfois trop radicales et trop subites. Au lieu de planifier des rénovations progressives assorties d’incitations réalistes, la réglementation a imposé des calendriers serrés et irréalistes, créant la confusion chez les propriétaires et les professionnels. Résultat, de nombreux chantiers, pourtant nécessaires, se retrouvent bloqués par manque de financements ou d’accompagnement, et des biens sont brutalement exclus du marché locatif au nom de la performance énergétique.
Certains professionnels appellent donc de leurs vœux une véritable refonte. Cela passerait par une stabilisation durable des règles, afin que les promoteurs sachent à quoi s’en tenir sur le long terme, mais aussi par une concertation avec les banques pour permettre aux ménages d’emprunter dans des conditions plus tenables. Le principal objectif serait de réactiver l’engrenage du marché : permettre à ceux qui souhaitent vendre de le faire sans être accablés de taxes et de formalités, soutenir la rénovation de l’ancien avec un calendrier réaliste et rendre le neuf de nouveau attractif, tout en veillant à ce que les normes environnementales restent raisonnables et adaptées à la taille des projets.
La juste place de l’immobilier et du logement
Le logement, rappelons-le, n’est pas seulement un enjeu économique ou financier. C’est aussi un besoin social de premier ordre.
Une pénurie de logements abordables peut avoir des conséquences dramatiques : éloignement des zones d’emploi, augmentation du nombre de personnes en situation précaire, et tensions sur le marché de la location. Des étudiants se retrouvent à faire plusieurs dizaines de kilomètres pour suivre leurs cours, faute de pouvoir s’installer dans la ville universitaire. Les familles modestes doivent se résoudre à s’éloigner encore davantage des centres-villes, ce qui allonge la distance domicile-travail et ajoute de la fatigue au quotidien.
Sur le plan économique, les retombées pourraient être lourdes. Lorsque le secteur de la construction s’effondre, c’est toute une chaîne d’activités qui se grippe : fournisseurs de matériaux, artisans, bureaux d’études, agents et promoteurs immobiliers, puis l’ensemble des services liés au logement. Le ralentissement des transactions pèse aussi sur les recettes fiscales des collectivités locales. En outre, un parc immobilier en ruine ou inoccupé entraîne une dégradation de l’attractivité des territoires, ce qui peut freiner l’implantation d’entreprises et la création d’emplois.
Alors, l’année 2025 sera t-elle le prolongement du cauchemar vécu en 2024 ? La France peut-elle réellement se permettre de laisser son secteur immobilier s’effondrer et s’enfoncer ainsi dans la pénurie ?
Connexe : Caution ou hypothèque : quelle garantie choisir pour votre prêt immobilier ?
Un crédit vous engage et il doit être remboursé. Vérifiez votre capacité de remboursement avant de vous engager.