La BCE (Banque centrale européenne) l’a annoncé : elle souhaite promouvoir et inciter les ménages européens à s’endetter, à taux variable. L’objectif : stimuler le marché du prêt immobilier.
Pourtant, cette politique interpelle les acteurs du secteur bancaire en France, par le niveau de risque qu’elle impose aux particuliers. Comme si la BCE ne voulait pas que notre bien ?!
Nous faisons le point sur les taux immobiliers, l’histoire de leur évolution récente et l’impact de cette décision de la BCE sur l’épargnant français.
Rappels sur les taux immobiliers et l’histoire récente des taux variables
Commençons par définir les différents taux d’emprunt proposés par les banques, ainsi que rappeler l’origine historique de la méfiance française pour les taux variables.
Taux fixe, taux variable… et variable capé !
Lorsqu’on achète un bien immobilier, on passe en général par sa banque, afin de financer son achat par un emprunt bancaire.
Le taux de remboursement associé à cet emprunt revêt plusieurs formes possibles :
- le taux fixe : comme son nom l’indique, le taux appliqué reste le même, du début à la fin de l’emprunt. Le taux fixe offre une grande visibilité à l’emprunteur, qui sait combien il devra payer chaque mois, de manière précise.
- le taux variable : ce taux évolue au fil du temps, en fonction de l’Euribor. Il représente l’avantage d’un taux de base plus faible, mais avec un risque associé : celui que le taux évolue à la hausse, et entraîne un renchérissement des mensualités.
- le taux variable capé : il s’agit d’un taux variable, dont la variation est limitée à +1, +2, voire +3% du taux de base. Il offre une certaine sécurisation à l’emprunteur, tout en lui permettant de bénéficier d’un taux plus bas.
La crise des subprimes de 2008 : le déclencheur de la chute des taux variables
Dans les années qui mènent à la crise financière de 2008, les banques prêtent à tour de bras, à des millions de ménages américains… Nombre de ces emprunts ne sont pas viables, car les taux d’endettement sont trop élevés.
Lorsque la bulle éclate, des millions d’américains se retrouvent dans l’incapacité de rembourser et perdent leurs biens immobiliers, lors des fameuses “foreclosures” (saisies par un huissier).
Le pire dans cette histoire ? Ces emprunts sont à taux variable.
Aux USA et dans les pays anglo-saxons de manière générale, la population est davantage entrepreneuriale, et moins sensible aux prises de risques.
En France, au contraire, seuls un tiers des prêts entre 2000 et 2008 étaient à taux variable, et en 2022, 95% des emprunts immobiliers se font à taux fixe ! En effet, dans la période récente, avec des taux fixes très faibles, l’incitation à solliciter un taux variable avait quasiment disparu.
Mais aujourd’hui, les taux remontent progressivement… La BCE, bien qu’en retard sur la Federal Reserve américaine , augmente aussi son taux directeur, et souhaite anticiper une raréfaction des emprunts, en incitant les banques à proposer des taux variables à leur clientèle.
La FBF (Fédération bancaire française) ne le voit pas de cet œil et souhaite quant à elle continuer à promouvoir le modèle français, davantage protecteur, et unique en Europe, avec une quasi-généralisation du taux fixe.
La BCE : une banque qui roule pour les banques ?
La rédaction de ComparateurBanque.com s’est interrogée en apprenant cette nouvelle : la BCE a-t-elle pour objectif d’appauvrir les Français ?
Une interrogation légitime
La logique de la BCE semble raisonnable : il s’agit de mieux répartir la prise de risque entre les banques et les emprunteurs. En effet, lorsqu’une banque émet un emprunt à taux fixe, si les taux augmentent, elle doit “encaisser” cette hausse, sans pouvoir la répercuter sur son client.
Pourtant, et alors même que des médias et des institutions nous invitent à ne plus nous méfier du crédit à taux variable, le bon sens l’indique pourtant clairement : prendre un emprunt immobilier à taux variable est dangereux. Cependant chacun est libre de prendre ses propres décisions et d’en mesurer les risques. Mais quand on voit le poids de responsabilités qui pèse sur un conseiller financier, on peut s’interroger sur ce revirement de stratégie de la part d’un organisme si important dans notre économie.
Sur le long terme : le risque est lissé mais à court terme …
A grosses mailles, lorsqu’on étudie des statistiques nationales et à long terme, les choses finiront probablement par se lisser. Mais lors d’une remontée brutale des taux, comme celle observée actuellement au Royaume-Uni, suite aux décisions du gouvernement Truss, ce sont des vraies vies qui sont durement impactées.
Certains ménages anglais se retrouvent aujourd’hui avec des mensualités qui explosent (augmentant de 60% en quelques mois), et doivent soit se serrer la ceinture, soit revendre leur bien immobilier et quitter leur logement dans la précipitation, et sans forcément réaliser une bonne affaire lors de la revente ! Des situations qui peuvent devenir dramatiques.
Le spectre de la paupérisation n’est également pas loin. Le nombre de Britanniques vivant sous le seuil de pauvreté devrait prochainement passer de 11 à 14 millions de personnes.
Pour conclure, nous ne pouvons qu’inviter nos lecteurs à la plus grande prudence lors de la signature d’un emprunt bancaire à taux variable.
Un crédit vous engage et il doit être remboursé. Avant de vous engager, vérifiez votre capacité de remboursement.