INTERVIEW. Depuis le début de l’année, la demande en or des banques centrales atteint des niveaux records. Comment expliquer cette frénésie d’achat ? Les particuliers ont-ils tout intérêt à faire de même ? Philippe Herlin, économiste, essayiste et rédacteur sur le site Or.fr nous donne des éléments de réponse.
“L’or est le souverain des souverains”, citait Antoine Rivaroli, dit de Rivarol. Cet écrivain, journaliste, essayiste et pamphlétaire disciple de Voltaire était-il un visionnaire ? En observant le comportement des Banques centrales en temps de crise, qui achètent de l’or en masse depuis 2010 au lieu d’en vendre, nous pourrions affirmer que oui. Si ce métal précieux n’est plus utilisé comme monnaie courante, cette valeur refuge demeure un outil d’échange commercial à l’international. Bien que l’or soit un instrument de réserve, comment expliquer que les banques centrales, garantes de la stabilité économique de leur pays, se ruent davantage sur ce dernier depuis le début de l’année ?
L’or, un actif performant en temps de crise
Tensions économiques, crises sanitaires, conflits géopolitiques, inflation… De tout temps, l’or a permis de se protéger des diverses crises.
L’or, un moyen de compensation et de diversification pour les banques centrales
Les raisons pouvant renverser les marchés sont multiples, mais grâce à la confiance que l’on accorde à l’or, son cours reste performant et ne se dégrade pas au fil du temps. Il peut même grimper. Surtout si le dollar, autre valeur refuge détenue en masse par les banques centrales, perd de sa valeur. Si, en général, « en temps de crise, nous revenons au dollar, cette année, nous constatons et mesurons un recul de ses réserves », nous indique Philippe Herlin, économiste et essayiste. « En pénalisant les exportations russes, autres activités, et en gelant les avoirs russes le 27 février dernier, les dirigeants américains ont provoqué un mouvement de retrait des banques centrales. Beaucoup de pays ont pensé que cela pouvait aussi leur arriver et ont donc compensé en se tournant vers un actif sûr, l’or. Elles auraient pu se pencher sur l’euro, ce qui aurait d’ailleurs jouait en sa faveur, mais l’Europe a suivi la politique américaine. Les banques centrales des pays émergents ont ainsi diminué de 5,8 % leurs avoirs en dollar placés dans les bons du Trésor des États-Unis, les Treasuries, au cours des neuf premiers mois 2022. Cela représente 450 milliards de dollars. D’un autre côté, elles ont augmenté leur réserve d’or afin de se protéger des tensions géopolitiques et de l’inflation sur la longue durée », assure l’auteur de « L’or, un placement d’avenir ». En 2021, les banques centrales du monde entier détenaient plus de 35 000 tonnes d’or, soit environ un cinquième de tout l’or extrait !
Selon World Gold Council, de janvier à septembre 2022, les banques centrales ont acheté un volume d’or dépassant toute année complète depuis 1967 (+ 399,3 tonnes au 3e trimestre).
Banques centrales : l’or encore bon marché
Contrairement à ce qu’on pouvait penser, « l’inflation n’a pas provoqué de bulle spéculative. Le cours de l’or n’a pas encore augmenté, il n’est donc pas surévalué. Cela incite ainsi les banques centrales à en acquérir. S’il avait bondi de 50 %, elles auraient réfléchi à deux fois. L’or étant encore bon marché et leur monnaie n’étant pas très stable, elle utilise ce métal précieux comme outil d’indépendance face au dollar et donc aux États-Unis. Car l’or garde sa devise, et sa valeur, ce qui leur donne une sécurité », explique l’expert. « Je considère qu’avec l’inflation actuelle qui va perdurer en Europe (crise énergétique, planche à billets), l’or est un bon investissement, et son cours va augmenter dans les prochains mois », estime-t-il.
Or : les épargnants doivent-ils investir ?
Les particuliers ont-ils tout intérêt à suivre cet engouement pour faire face à l’inflation et sécuriser leur épargne ?
« Il faut surpondérer sur l’or »
Selon Philippe Herlin, « il faut surpondérer sur l’or, mais aussi acheter un peu de bitcoin, si on aime le risque. Personnellement, j’ai investi dans les deux. Le bitcoin peut encore baisser, c’est donc intéressant. Quant au montant à investir, cela dépend de la situation de chacun. Si l’on est propriétaire et que l’on a un CDI et un peu d’épargne en cash, au lieu de placer 20 000 ou 30 000 euros sur une assurance vie, il vaut mieux s’en servir pour acheter de l’or. Si la situation est plus précaire, il est bien de conserver une épargne de précaution, et d’investir le reste en or. Car, en Europe, nous allons entrer en récession. Il n’est de ce fait pas vraiment conseillé d’acheter des actions. L’immobilier reste intéressant selon les villes, mais les prix vont continuer de grimper et le marché reste complexe. C’est pourquoi il ne faut pas investir à l’aveugle. Quant aux marchés de l’art et de la voiture d’occasion de collection, ils montent tous deux. S’ils permettent de se protéger aussi de l’inflation, ils réussissent généralement aux initiés, car complexes. Si l’on n’y connaît rien, s’y lancer peut être risqué. Le marché de l’or, lui, est simple et homogène », nous explique l’économiste.
Pièces d’or, lingotins… Dans quoi investir ?
« Tout dépend de la somme que l’on souhaite investir. Ceux ayant quelques milliers doivent plutôt acheter la pièce Napoléon, qui est facile et rapide à revendre », recommande l’auteur. « En cas de somme plus importante, une ou plusieurs dizaines de milliers d’euros, il convient d’acquérir des lingotins ou des lingots (à partir de 50 000 euros). Si on hésite entre acheter un studio et un lingot, je recommande de se tourner vers l’or physique, à coffrer à la banque. Il faut néanmoins choisir des produits basiques (et non des ETF), qui restent liquides, car plus faciles à revendre », conclut-il.
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