Taxer les Français de l’étranger : une mesure anti-expatriation ?

Publié le - Auteur Par Tony L. -
Taxer les Français de l’étranger : une mesure anti-expatriation ?

La proposition d’imposer les Français résidant à l’étranger a récemment refait surface suite aux déclarations de Lucie Castets, candidate du Nouveau Front Populaire (NFP) pour Matignon. Cette mesure, inspirée du modèle américain, vise à étendre l’obligation fiscale à tous les citoyens français, peu importe leur lieu de résidence. Cependant, cette idée, qui pourrait affecter environ 2,5 millions de Français expatriés, soulève de nombreuses questions et controverses.

Un modèle inspiré des États-Unis

Lors de son interview à La Tribune Dimanche, Lucie Castets a justifié cette mesure en évoquant la souveraineté et la justice fiscale. Elle a comparé cette proposition au système américain, où les citoyens sont imposés sur la base de leur nationalité et non de leur résidence. Aux États-Unis, les Américains doivent déclarer annuellement leurs revenus, peu importe leur lieu de résidence, ce qui peut les soumettre à une double imposition.

La mise en place d’une imposition universelle pour les Français de l’étranger nécessiterait une refonte complète des conventions fiscales bilatérales de la France. Actuellement, ces accords, au nombre de 129, sont basés sur la résidence fiscale plutôt que sur la nationalité. Modifier ces conventions serait un processus long et complexe, impliquant des négociations diplomatiques avec chaque pays concerné.

En outre, cette proposition nécessiterait la création d’une infrastructure administrative gigantesque capable de suivre les revenus des expatriés et de gérer les conflits potentiels avec les administrations fiscales étrangères. Cela soulève des questions sur la faisabilité et l’efficacité de la mesure et demanderait encore l’emploi de nombreux fonctionnaires et complexifierait encore le l’usine à gaz administrative française.

 

Équité fiscale et risques de fuite des talents

Les partisans de cette mesure avancent des arguments d’équité fiscale. Ils estiment que les expatriés devraient contribuer au budget de l’État, même s’ils ne bénéficient pas directement des services publics français. Cependant, cette perspective fait fi des taxes que les expatriés paient déjà sur leurs biens et revenus en France, comme l’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI) et les droits de succession. De plus ce courant idéologique semble ignorer que les français s’expatrient généralement aussi pour échapper au racket fiscal imposé par les gouvernements successifs poussant nombre de talents nationaux à d’exiler afin de mieux profiter des revenus générés par leur travail.

Par ailleurs, cette proposition pourrait dissuader les talents français de s’expatrier et décourager les entreprises internationales d’embaucher des Français. La complexité administrative et le risque de double imposition pourraient rendre les Français moins attractifs sur le marché du travail international. A contrario, ne va-t-elle pas pousser les plus riches à renier leur nationalité française ? 

 

Les critiques et les alternatives

Les critiques sont nombreuses, même parmi les experts fiscaux. Eric Ginter, fiscaliste, rappelle que les expatriés paient déjà des impôts en France et que cette mesure pourrait être vue comme injuste. Roland Lescure, ancien ministre de l’Industrie, a également critiqué la proposition en la qualifiant de complexe, peu rentable et politiquement injuste.

Une alternative proposée est de renforcer la coopération internationale pour lutter contre l’évasion fiscale sans imposer un fardeau supplémentaire aux expatriés honnêtes. Cette approche pourrait inclure des accords pour partager les informations fiscales et coordonner les politiques fiscales entre les pays.

L’un des principaux challenges de cette proposition réside dans la révision des conventions fiscales. Ces conventions, qui régissent les relations fiscales entre la France et les autres pays, sont basées sur le principe de la territorialité. Cela signifie que les impôts sont payés là où les revenus sont générés. Pour imposer les expatriés français, il faudrait que chaque pays accepte de renégocier ces accords, ce qui est loin d’être acquis.

Par ailleurs, le coût de mise en place d’une telle mesure pourrait s’avérer prohibitif. La France devrait créer une infrastructure capable de suivre les revenus des expatriés, de vérifier les déclarations et de gérer les litiges. Cela nécessiterait des ressources considérables, tant humaines que financières, et risquerait d’entraîner des complications administratives majeures comme souligné plus haut dans cet article.

L’expérience américaine

L’exemple des États-Unis montre que la mise en œuvre d’une imposition universelle est possible, mais non sans difficultés. Les Américains doivent déclarer leurs revenus mondiaux à l’IRS, même s’ils vivent à l’étranger. Cette obligation peut entraîner une double imposition, bien que des mécanismes de crédit d’impôt existent pour atténuer cette charge.

Pour les États-Unis, ce système fonctionne en grande partie grâce à la puissance économique et la portée du dollar. Les institutions financières du monde entier coopèrent avec l’IRS (Internal Revenue Service) pour éviter d’être exclues du système financier américain. Cependant, la France ne dispose pas d’un levier économique aussi puissant, rendant la mise en œuvre d’une imposition universelle plus complexe.

 

La réaction des expatriés

Les expatriés français ont vivement réagi à cette proposition. Beaucoup estiment qu’ils paient déjà leur juste part d’impôts dans leur pays de résidence et voient cette mesure comme une double peine. Ils craignent également que cette proposition ne les place dans une situation de double imposition, malgré les promesses de crédits d’impôt pour éviter ce scénario.

Certains expatriés considèrent également que cette mesure est injuste, car ils ne bénéficient pas des services publics français. Ils vivent dans des pays où ils contribuent déjà aux dépenses publiques par le biais des impôts locaux. Leur imposer une taxe supplémentaire serait perçu comme une atteinte à leur liberté de choisir leur lieu de résidence.

Une mesure largement contestée

La proposition de Lucie Castets a suscité un tollé sur les réseaux sociaux. Même de nombreux électeurs de gauche ont exprimé leur désaccord, voyant dans cette mesure une trahison des promesses électorales du Nouveau Front Populaire. La candidate elle-même a tenté de désamorcer la polémique en précisant que cette imposition ne concernerait que les revenus supérieurs à 200 000 euros et tiendrait compte des impôts déjà payés à l’étranger.

Cependant, ces précisions n’ont pas suffi à apaiser les critiques. Les opposants à cette mesure estiment qu’elle est irréalisable et injuste. Ils pointent du doigt les difficultés administratives et les risques de double imposition, ainsi que les conséquences potentielles sur l’attractivité de la France à l’international.

Le débat sur la souveraineté fiscale

La proposition de taxer les expatriés français soulève également des questions sur la souveraineté fiscale. Les partisans de cette mesure estiment qu’il est légitime que tous les citoyens contribuent au budget de l’État, même s’ils vivent à l’étranger. Ils invoquent un principe de justice fiscale et de solidarité nationale.

Cependant, cette vision se heurte au principe de territorialité de l’impôt, qui est largement accepté dans le monde. La plupart des pays imposent les revenus générés sur leur territoire, indépendamment de la nationalité des contribuables. Imposer les expatriés français reviendrait à remettre en cause ce principe et à créer des tensions diplomatiques avec les pays de résidence. Il est donc peu probable que cette mesure voit le jour dans un avenir proche, compte tenu des nombreux obstacles juridiques, administratifs et diplomatiques qu’elle soulève.

 

Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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