INTERVIEW. Notre argent, mis en banque, a un impact social et environnemental. Il finance en effet divers projets polluants en France et à l’étranger. Comment réduire notre empreinte carbone ? Y a-t-il une réelle différence entre une banque classique et les plateformes de financement participatif pour la transition énergétique ? Julien Hostache, président et cofondateur d’Enerfip répond.
Donner du sens à leur épargne. C’est ce que recherchent de plus en plus les Français. En effet, d’après un sondage IFOP réalisé pour le Forum de l’Investissement Responsable, 60 % des Français déclarent accorder une place importante aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements. Les plus jeunes en première ligne. Quant aux épargnants, ils sont 46 % à penser avoir un réel impact positif sur l’environnement et la société via leurs placements. C’est ce que l’on nomme la finance responsable. Car, oui, notre compte bancaire a un impact social et environnemental.
Compte bancaire classique : quelle empreinte carbone ?
Notre argent, placé en banque, finance des projets polluants en France et à l’international que voici.
Compte bancaire classique : que finance notre argent ?
« On observe que quelle que soit la banque chez qui nous avons des comptes bancaires, notre argent est émetteur de CO₂ », nous indique Julien Hostache, président et cofondateur d’Enerfip, plateforme règlementée par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) en tant qu’Intermédiaire en Financement Participatif. « Notre argent ne dort pas, il ne cesse de circuler. Il est utilisé par nos banques pour financer différentes industries, dont celles émettrices de dioxyde de carbone. Et les sommes sont assez importantes. »
Parmi ces investissements, on retrouve les énergies fossiles, que sont le charbon, le pétrole et le gaz naturel. Le dernier rapport du GIEC rappelle pourtant l’urgence de réduire la production d’énergies fossiles afin de préserver le climat.
L’épargne, premier poste d’émissions de CO₂
Selon le rapport Banking on Climate Chaos, les 4 grandes banques principales françaises, BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et BPCE/Natixis ont alloué près de 350 milliards de dollars aux énergies fossiles entre 2016 et 2021 (dont 130 milliards aux 100 entreprises développant le plus de nouveaux projets d’énergies fossiles). La France fait ainsi partie du trio de tête des pays soutenant l’expansion fossile, derrière les États-Unis et la Chine. « Malgré leurs engagements de neutralité carbone en 2050, il y a un vrai décalage entre leurs propos et leurs actions. Hormis la Banque Postale, aucune banque n’a mis en pratique ses promesses. En 2018, les 4 principales banques françaises, ont ainsi atteint 2,2 milliards de tonnes de CO₂, d’après le rapport 2022 de l’ONG Oxfam », déplore l’expert.
Au total, les activités de financement des 6 principales banques françaises produisent 7,9 fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que l’ensemble du pays ! L’épargne représente le premier poste d’émissions de CO₂. « Il est donc urgent, non seulement de réguler les banques, mais aussi d’orienter son argent sur des investissements socialement responsables (l’ISR) » pointe le président d’Enerfip. Ils prennent en compte le développement durable et les enjeux de long terme dans la stratégie des acteurs économiques (entreprises, collectivités, etc.).
Finance responsable : comment réduire son empreinte carbone ?
Pour donner du sens à son épargne, il convient d’investir, par l’intermédiaire de fonds, dans des entreprises respectueuses des critères ESG.
Finance responsable : quels sont les critères ESG ?
Finance solidaire, finance verte, finance responsable, finance climat… « Derrière ces expressions peuvent se cacher les meilleures démarches, mais aussi les pires. L’U.E travaille actuellement pour harmoniser cela, afin que l’on puisse se fier à des catégories incontestables et claires. Car ces notions sont encore un peu floues et compliquées pour l’investisseur et l’épargnant, il y a des faux amis, il faut ainsi savoir trier. Depuis le 1er janvier 2023, de multiples fonds ont été déclassés. Il reste encore beaucoup de chemin à faire, mais des solutions disruptives existent », pointe Julien Hostache. Pour simplifier, il est bon de rappeler que l’ISR repose sur 3 grands critères : Environnemental, Social et Gouvernance.
- Environnement : pilier E
Cela comprend les émissions de CO₂, la consommation d’électricité, le recyclage des déchets
- Social : pilier S
Cela comprend la qualité du dialogue social, l’emploi des personnes handicapées, la formation des salariés
- Gouvernance : pilier G
Cela comprend la transparence de la rémunération des dirigeants, la lutte contre la corruption, la féminisation des conseils d’administration
« Chez Enerfip, on peut jouer sur ces 3 thèmes en même temps.
Les épargnants ont un lien direct avec les projets qu’ils soutiennent. Nous identifions des projets fiables répondant aux attentes de nos investisseurs. Nous proposons un circuit court appliqué à l’épargne via le financement participatif, nous ne transitons pas l’argent », explique-t-il. « Cette dynamique est puissante. D’autant que les citoyens souhaitent reprendre la main et avoir une lecture claire, limpide et transparente sur leur argent. « Nous sélectionnons des projets en lien avec la production énergétique. Les investisseurs peuvent choisir ceux qu’ils souhaitent. En retour, ils perçoivent une rémunération de 6 à 8 % par an sur du court terme (circuit court), de 1 à 4 ans, sur le compte de leur projet. Et ce, sans frais de gestion. Aucun coût n’est appliqué. Ce sont les projets qui nous rémunèrent. L’argent passe directement de leur banque aux projets. Nous permettons à chacun de quantifier l’impact de son investissement, c’est un grand atout et cela nous paraît essentiel », assure-t-il.
Finance responsable : comment calculer son empreinte carbone ?
Il est possible de déterminer facilement notre empreinte carbone en fonction du montant de notre épargne, grâce au calculateur proposé par Oxfam. Il suffit d’indiquer en euros le montant total de notre argent (comptes courants et comptes épargne), et de sélectionner notre banque afin de découvrir notre empreinte.
Pour une épargne de 30 000 euros par exemple placée au sein du Crédit Agricole ou du LCL, « l’empreinte carbone de votre argent est de 13 tonnes éqCO₂ par an et 18 tonnes chez la BNP. À titre de comparaison, l’empreinte carbone annuelle d’un Français est de 8,9 tonnes éqCO₂ par an en 2021 (selon le Ministère de la Transition Ecologique) », détaille l’ONG Oxfam.
Avec Enerfip, il est possible de diviser par 10 son empreinte carbone
Certes, il n’y a pas d’énergie gratuite. Toutefois, Enerfip permet en moyenne de diviser par 10 l’empreinte carbone de son argent comparé à la moyenne des banques françaises, d’après le rapport 2022 d’Oxfam.
« Pour un investissement de 1000 euros, votre argent aurait une empreinte carbone d’environ 495 kg CO₂eq. Sur Enerfip, pour cette même somme, l’empreinte carbone de vos investissements est estimée à 43 kg CO₂eq », évalue le cofondateur.
Et d’ajouter : « Nous avons créé un espace ‘mon impact’. Il permet de quantifier par exemple l’électricité que vous avez contribué à produire à l’échelle de votre investissement. La banque mondiale étudie chaque année l’électricité moyenne qu’un citoyen a besoin. C’est environ 6900 kw/h par personne en France. Grâce à notre outil, on peut découvrir le pourcentage de besoin qu’on couvre. Parfois, on génère plus de kw/h que ce dont on a besoin. Il est aussi possible d’estimer les émissions de C0₂ qu’on évite en passant par Enerfip, plutôt qu’une banque. Selon notre calculette carbone, en épargnant 50 euros /mois pour mon fils, j’évite par exemple 2 tonnes de CO₂ par an. »
Ceci n’est pas un conseil en investissement mais un partage d’information.
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