INTERVIEW. Faillite de la SVB, sauvetage du Crédit Suisse… Alors que la santé du système financier vacille et inquiète, nombreux se demandent si leurs fonds déposés dans les banques sont vraiment sécurisés. Pourra-t-on utiliser notre argent comme on le souhaite si les banques françaises faisaient faillite ? Éclairage de l’économiste Philippe Herlin.
Les marchés s’affolent, et les craintes sont légitimes. Les banques centrales ont en effet dû intervenir d’urgence auprès de quatre établissements bancaires en mars dernier, aux États-Unis et en Suisse : la Silicon Valley Bank (SVB), Signature Bank et First Republic Bank et le Crédit Suisse, un poids lourd en Europe. Résultat, en seulement deux semaines, les banques européennes ont subi une chute cumulée de 19 % en Bourse, et les banques nord-américaines de 17 %. C’est la plus forte diminution enregistrée par le secteur bancaire depuis l’apparition de la crise sanitaire en 2020. De son côté, la compagnie d’assurance-vie italienne Eurovita, frappée par la remontée des taux en Europe (initiée par la BCE pour freiner l’inflation) a été mise sous tutelle. Malgré les 100 millions d’euros débloqués par son actionnaire britannique Cinven, la compagnie italienne ne s’est pas relevée. En cause, une explosion des rachats anticipés des investisseurs en assurance-vie. Une telle situation pourrait-elle se produire en France et ailleurs ?
Crise bancaire : des faillites sont-elles possibles ?
Selon Philippe Herlin, économiste et essayiste, « les faillites bancaires ou assurantielles ne sont pas à écarter ». Voici pourquoi.
Crise bancaire : la hausse des taux d’intérêt plombe les établissements financiers
Si le risque est pour l’heure globalement contenu, la politique d’augmentation des taux d’intérêt des banques centrales engendre une baisse du bilan des banques. Certaines peuvent d’ailleurs en être fragilisées. Car, « les obligations anciennes, rapportant peu et achetées à taux zéro ou faible, perdent aujourd’hui de la valeur », prévient l’expert. Cela ne pose pas de problème lorsque la banque ou l’assureur peut attendre l’échéance (1, 2, 5, 10 ans ou plus) puisqu’une obligation achetée 100 € lui sera remboursée 100 €. Mais, si les clients demandent à être remboursés, les établissements bancaires seraient obligés de vendre à perte, à 80 €, voire 60 €. Or, dès lors que la perte excède les fonds propres de l’établissement financier, son déclin est inévitable. C’est ce qui est arrivé à Eurovita et SVB. Leur faillite est liée à une crise obligataire », explique-t-il.
Crise bancaire : les retraits d’argent pourraient-ils être bloqués ?
« Chez Eurovita, les retraits ont été bloqués jusqu’en juin. Les 350 000 clients, détenant environ 1 milliard d’euros, ne peuvent ainsi plus retirer leur argent. Ce phénomène pourrait aussi arriver en France dans un tel cas, puisque la Loi sapin 2 permet de bloquer les fonds durant une période donnée », rappelle Philippe Herlin. « Vu que le Livret A rapporte aujourd’hui davantage que l’assurance vie, certains vont vouloir sortir leurs fonds de ce produit assurantiel. D’autre part, si l’inflation perdure, les consommateurs vont souhaiter puiser dans leur épargne, voire vider leur assurance vie. Ce risque existe en France et pourrait poser problème. Il n’y aurait cependant pas forcément de faillite, car l’État interviendrait rapidement et bloquerait les retraits », note l’expert.
Et si derrière cette crise se cachait un projet de grande envergure de la part des banques centrales ?
Crise bancaire : vers la fin de la monnaie fiduciaire ?
Il pourrait y avoir une volonté de lancer la monnaie numérique de banque centrale, nommée MNBC ou CBDC en anglais, qui pourrait marquer la fin de la monnaie fiduciaire. Quelles en seraient les conséquences ?
Lancement de la MNBC : « Une manière de restreindre l’utilisation du cash »
Pour rappel, la MNBC, est la forme numérique de l’argent fiduciaire, qui est une monnaie établie par la réglementation gouvernementale, l’autorité monétaire ou la loi. En lançant ce projet, « les banques centrales vont pouvoir mieux suivre les mouvements d’argent, et ce pourquoi ils sont utilisés. C’est une manière de restreindre l’utilisation du cash. Si toutes nos dépenses sont déjà tracées via l’utilisation de la carte bancaire, même pour des faibles montants, avec la monnaie numérique, l’ensemble de nos mouvements bancaires vont être contrôlés », déplore l’économiste.
MNBC : vers un risque de bank run ?
« En émettant un euro numérique à côté de l’euro des banques, nous ne sommes pas à l’abri d’un bank run (panique bancaire Ndlr). En effet, s’il y a crainte de faillite, les clients vont vouloir acheter des euros numériques », détaille l’économiste. Et d’ajouter : « Les MNBC deviendraient alors la forme unique de la monnaie. Tous les euros que nous avons deviendraient de l’euro numérique et la monnaie serait ‘banquée’ par la banque centrale. »
MNBC : un moyen de « rendre la monnaie programmable »
D’après Philippe Herlin, l’objectif de cette manœuvre est de rendre la monnaie programmable. «En cas de crise financière et bancaire, cela permettrait de bloquer l’argent pus facilement. Dans le cas d’Eurovita, la procédure de blocage a pris du temps. Les premiers qui ont été informés du déclin de la compagnie ont alors eu le temps de vider leur compte. Les autres, eux, ont tout perdu. La MNBC permettrait à l’État et aux régulateurs de bloquer dès le début. Cela signifie que si l’on souhaite vider ses comptes pour déposer son argent sur d’autres comptes, il ne pourra plus être utilisé. Il pourrait même y avoir un virement inversé. Avec la monnaie numérique, la banque centrale aura la possibilité d’annuler un virement afin d’éviter la faillite dudit établissement. On ne pourra donc plus utiliser son argent comme on le souhaite. Je crains que les banques centrales et autres régulateurs envisagent de prendre le contrôle de la monnaie et des virements en cas de crise, d’hyperinflation, etc. », appréhende-t-il.
Crise bancaire : « Il faut sortir des banques et de l’euro »
Au vu du contexte inflationniste et économique incertain, « il est recommandé de sortir des banques et de l’euro en investissant par exemple dans :
- L’or, la valeur refuge d’excellence
- La crypto n°1 qui est le Bitcoin, mais qui reste encore très volatile
- L’immobilier éventuellement (bien que ce ne soit pas la meilleure période, compte tenu des taux d’emprunt devenus extravagants ; mais pour ceux qui ont déjà l’argent, cela ne pose pas de problème).
Il est important de limiter les risques en diversifiant son portefeuille, et d’investir sur le long terme. L’achat d’actions peut aussi être intéressant, dès lors qu’il y a un suivi », pointe l’auteur de « Bitcoin : comprendre et investir ». Les marchés étant volatils, si l’on n’y connaît rien, il est important de faire appel à un spécialiste.
Cet article n’est pas un conseil en investissement, mais le partage d’une interview.
Ceux qui recherchent un conseil d’un expert en investissement peuvent contacter notre conseiller immatriculé à l’Orias. Il réalisera gratuitement votre bilan social et patrimonial pour proposer une stratégie d’investissement adapté au profil.