Les marques de luxe sont sur le front d’une guerre silencieuse mais coûteuse contre la contrefaçon. En utilisant des technologies de pointe comme la blockchain et l’intelligence artificielle (IA), elles aspirent à garantir l’authenticité de leurs produits et à reconquérir les milliards perdus face aux contrefaçons.
Le Consortium Aura et l’adoption de la blockchain
Dirigé par des géants comme le groupe Prada, LVMH et Richemont, le Consortium Aura Blockchain a été fondé en 2021. Il vise à établir une plateforme sécurisée pour vérifier l’authenticité des produits de luxe. À travers cette plateforme, les clients peuvent accéder à des certificats numériques garantissant l’origine et la légitimité de leurs achats, renforçant ainsi la confiance et la fidélité du consommateur. D’autres marques comme Loro Piana, Louis Vuitton et Maison Margiela ont également adopté des approches similaires.
La blockchain est plus qu’une simple base de données; c’est une technologie de stockage et de transmission d’informations qui permet de créer un registre numérique sécurisé et immuable. Ce système robuste empêche les contrefacteurs de simuler l’authenticité, ce qui, selon les estimations, coûte actuellement environ 464 milliards de dollars à l’économie mondiale, soit 2,5% du commerce mondial.
Les avantages de la blockchain pour la lutte contre la contrefaçon
La blockchain est encore une technologie émergente, mais elle a le potentiel de révolutionner la lutte contre la contrefaçon. La blockchain permet par exemple de suivre en temps réel les produits tout au long de leur cycle de vie, de la production à la distribution. Cela permet aux marques de retracer l’origine des produits et de détecter les contrefaçons plus facilement.
Un autre atout de la blockchain est qu’elle facilite l’authentification, en effet cette dernière permet d’attribuer un certificat numérique unique à chaque produit, qui atteste de son authenticité. Ce certificat peut être vérifié par les consommateurs ou les autorités compétentes.
La transparence est également grandement améliorée grâce à la blockchain, celle-ci permet de partager les informations de traçabilité et d’authentification avec tous les acteurs de la chaîne de valeur, ce qui renforce la coopération et la collaboration.
Les exemples d’utilisation de la blockchain par les marques pour lutter contre la contrefaçon
La maison de luxe Louis Vuitton utilise la blockchain pour authentifier ses produits. Chaque sac Vuitton est équipé d’un QR code qui permet aux consommateurs de vérifier son authenticité en scannant le code avec leur smartphone.
Le fabricant de chaussures Nike, quant à lui, utilise la blockchain pour suivre ses produits en temps réel. La blockchain permet à Nike de détecter les contrefaçons plus rapidement et de protéger ses clients contre les produits dangereux.
Mais il n’est pas seulement question de sacs à main de luxe ou de vêtements de créateurs. Par exemple, les producteurs de Parmigiano-Reggiano en Italie ont commencé à installer des micropuces comestibles sur leurs célèbres meules de fromage. Cette technologie de p-Chip basée à Chicago permet de tracer l’origine et l’authenticité du produit tout au long de la chaîne d’approvisionnement.
De son côté, la chaîne de supermarchés Carrefour utilise la blockchain pour lutter contre la contrefaçon alimentaire. La blockchain permet à Carrefour de garantir l’origine et la traçabilité de ses produits alimentaires, ce qui permet de protéger les consommateurs contre les produits dangereux ou frauduleux.
Quand l’IA entre en scène
Les marques de luxe explorent également l’IA pour vérifier l’authenticité des produits. Patou, une marque de mode possédée par LVMH, a mis au point un système appelé Authentique Verify. Ce système utilise des algorithmes sophistiqués pour établir la véracité de l’origine d’un produit.
IA / Blockchain et contrefaçon : Les défis et les sceptiques
Malgré ces avancées, des voix sceptiques se font entendre. Colin Platt, consultant en blockchain, soulève la question de l’écart entre les actifs physiques et le monde numérique. Que se passerait-il si quelqu’un clonait les puces NFC intégrées dans les produits et les plaçait dans des contrefaçons ?
Plus qu’une simple authentification
Au-delà de la seule vérification de l’authenticité, l’utilisation de la blockchain et de l’IA ouvre également de nouvelles voies pour le marketing et la fidélisation des clients. Des certificats numériques facilitent la revente ou le transfert des biens de luxe, augmentant ainsi leur valeur d’investissement. Ces certificats peuvent contenir des informations telles que le numéro de série du produit, sa date de production, son lieu de fabrication, etc.
De plus, selon Pierre-Nicolas Hurstel, PDG d’Arianee, une startup spécialisée dans la construction d’applications blockchain, ces technologies pourraient bientôt permettre aux consommateurs de suivre non seulement l’authenticité mais aussi l’historique de vente et de réparation de leurs articles de luxe via un « portefeuille numérique ».
L’équilibre entre exclusivité et accessibilité
L’un des défis à venir pourrait être la tension entre l’exclusivité, chère aux marques de luxe, et la facilitation d’un marché de seconde main plus robuste rendue possible par ces technologies. Luca Solca, analyste senior chez Alliance Bernstein, met en garde contre le risque d’ubiquité qui pourrait miner la promesse d’exclusivité sur laquelle ces marques ont construit leur réputation.
En somme, la blockchain et l’IA ont instauré un tournant significatif dans l’industrie du luxe. Elles offrent des solutions prometteuses à un problème ancien tout en ouvrant des perspectives d’engagement client plus profondes. Ces technologies prometteuses offrent aux marques de nouvelles possibilités pour renforcer la sécurité de leurs produits et protéger leurs droits de propriété intellectuelle, et elles ont déjà commencé à remodeler le paysage du luxe et de la grande distribution.
Connexe : Les NFTs dans le monde de la mode : passion éphémère ou investissement d’avenir ?