Récemment, Fiorenzo Manganiello, cofondateur et associé gérant de LIAN Group, a exprimé ses doutes sur l’implémentation globale des MNBC. Dans un article publié sur Coindesk, il souligne :
« Pour toutes les discussions autour du lancement des versions numériques des monnaies nationales par les banques centrales, seuls trois projets ont pleinement vu le jour. »
Ses propos révèlent la lenteur des avancées et les multiples obstacles auxquels les MNBC sont confrontées. Malgré l’engouement de certains gouvernements, les recherches intensives menées à ce sujet et les millions de dollars et d’euros dépensés dans ces projets, Manganiello estime que les MNBC sont loin d’une réalité mondiale pour au moins les 20 prochaines années.
En 3 ans, on passe de 35 à 134 pays qui prévoient de lancer une MNBC
Selon l’Atlantic Council, si en 2020 seulement 35 pays étudiaient la possibilité d’une MNBC, ce chiffre est passé à 134 en 2023. Une étude de PWC donne même le chiffre suivant : 80% des banques centrales qui réfléchissent à lancer leur propre monnaie numérique.
Cependant, seulement trois pays – les Bahamas, le Nigeria et la Jamaïque – ont réussi à mettre en place une MNBC à ce jour. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le e-yuan est toujours en test.
Pour Manganiello, cette lente adoption est la conséquence aux réelles difficultés auxquelles ces projets sont confrontés. En effet, les monnaies numériques des banques centrales sont souvent perçues comme un instrument de contrôle gouvernemental, ce qui engendre des réactions mitigées au sein du public, notamment aux États-Unis où seulement 16 % des Américains sont favorables à cette initiative, selon un sondage de l’Institut Cato.
Le rôle de la Banque des règlements internationaux (BRI)
Dans ce contexte, la Banque des règlements internationaux (Bank of International Settlements) joue un rôle central en encourageant le développement des MNBC à travers le monde. Souvent considérée comme « la banque des banques centrales », la BRI a souligné l’importance des MNBC pour moderniser les infrastructures financières mondiales et faciliter les paiements transfrontaliers.
Elle soutient que les MNBC pourraient réduire les coûts exorbitants liés aux transferts internationaux, estimés à 120 milliards de dollars en 2020 pour un volume de 23,5 billions de dollars.
Cependant, cette ambition masque des enjeux géopolitiques complexes.
Manganiello met en garde contre l’illusion que les MNBC pourraient facilement s’imposer comme solution universelle. Selon lui, pour que ces monnaies fonctionnent à l’échelle mondiale, il faudrait que les relations géopolitiques soient solides, ce qui est loin d’être le cas dans un monde de plus en plus fragmenté et qui s’affirme de plus en plus comme multipolaire.
La BRI, malgré ses encouragements, ne peut pas ignorer les divergences exacerbées qui existent entre les grandes puissances économiques, notamment les États-Unis et la Chine et la Russie, ce qui rend de plus en plus impossible la mise en place d’un système monétaire numérique harmonisé.
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MNBC / CVDC : Un projet de contrôle des masses ?
Au-delà des défis techniques et politiques, certains observateurs voient dans les MNBC un outil potentiel de surveillance financière à grande échelle.
Ces monnaies, entièrement gérées par les banques centrales, pourraient permettre un contrôle accru des flux monétaires et des comportements économiques des citoyens. La crainte d’une surveillance gouvernementale, notamment dans les démocraties occidentales, freine l’adoption massive de ces monnaies. Aux États-Unis, cette opposition est particulièrement forte, comme l’illustre la prise de position de figures politiques telles que Donald Trump et Tom Emmer.
Le fait que la BRI, institution financière mondiale influente, encourage activement le développement des MNBC alimente les craintes d’une utilisation de ces technologies pour accroître le contrôle des populations. Si les MNBC permettent théoriquement d’améliorer l’inclusion financière et de simplifier les paiements, elles ouvrent également la porte à une surveillance renforcée des transactions individuelles.
La réalité des stablecoins comme alternative
En contraste avec l’incertitude autour des MNBC, Manganiello souligne que les stablecoins, des cryptomonnaies adossées à des actifs stables, offrent une alternative plus pragmatique.
Décentralisés et déjà largement utilisés, ils apportent certaines des promesses des MNBC, sans les risques de surveillance gouvernementale. Des entreprises comme Visa ont commencé à utiliser des stablecoins, ce qui a permis d’accélérer les règlements transfrontaliers. Tether, par exemple, domine le marché avec 75 % de part, et a généré 5,2 milliards de dollars de bénéfices au premier semestre 2023.
Revolut travaille sur le lancement de son stablecoin
Revolut, une néobanque britannique reconnue pour son approche innovante des services financiers, prévoit de lancer son propre stablecoin adossé à une monnaie fiduciaire. Ce lancement s’inscrit dans une stratégie plus large d’expansion dans l’univers des cryptomonnaies, faisant écho aux initiatives de géants comme PayPal. Le stablecoin de Revolut pourrait concurrencer des acteurs établis comme Tether (USDT) et Circle (USDC), qui dominent actuellement le marché.
Revolut vise à offrir une solution de paiement sécurisée et conforme aux réglementations, s’appuyant sur sa réputation de plateforme centrée sur l’utilisateur pour proposer des services financiers modernes et numériques.
Société Générale-FORGE veut lancer son stablecoin EUR CoinVertible (EURCV)
En parallèle, Société Générale-FORGE, branche crypto de la célèbre banque française, a récemment annoncé le déploiement de son stablecoin EUR CoinVertible (EURCV) sur la blockchain Solana, connue pour sa rapidité et ses faibles coûts de transaction. Ce stablecoin, adossé à l’euro, cherche à s’imposer dans l’écosystème DeFi européen. Après des résultats mitigés sur Ethereum, ce passage à Solana devrait offrir une meilleure adoption et des performances accrues pour les utilisateurs. La stratégie de Société Générale est d’ancrer EURCV dans un cadre réglementaire strict, tout en répondant aux besoins des entreprises et des institutions dans un environnement décentralisé.
Les menaces des MNBC au profit du déploiement des stablecoin
Ainsi, bien que les MNBC représentent une avancée technologique intrigante, leur déploiement à grande échelle est freiné par des obstacles politiques, techniques et sociaux.
En parallèle, les stablecoins continuent de se développer, offrant une solution viable et immédiate aux besoins de transformation numérique des systèmes financiers mondiaux. Les stablecoins, grâce à leur flexibilité et leur adoption croissante, représentent une solution plus immédiate et réaliste que les MNBC. Ils attirent l’intérêt des acteurs majeurs de la finance, tout en promettant des innovations dans le domaine des paiements transfrontaliers, des services bancaires numériques, et des transactions décentralisées.
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