Enjeu européen : le scepticisme allemand face à l’euro numérique

Publié le - Auteur Par Tony L. -
Enjeu européen : le scepticisme allemand face à l’euro numérique

L’introduction d’un euro numérique (MNBC) par la Banque centrale européenne (BCE) suscite un vif débat, particulièrement en Allemagne, où les préoccupations liées à la vie privée et à la sécurité des données occupent le devant de la scène. Bien que la BCE envisage de lancer cette monnaie numérique d’ici fin 2025, les réticences d’une partie importante de la population allemande, en particulier les générations plus âgées, révèlent des enjeux sociétaux profonds qui vont bien au-delà de la simple question technologique.

Une préférence pour le cash et l’anonymat

Historiquement attachée aux paiements en espèces, l’Allemagne demeure un bastion de résistance face aux solutions numériques dans le domaine financier. Cette réticence s’explique principalement par une préférence culturelle pour l’anonymat offert par les espèces. Le paiement en liquide est vu comme un garant de la vie privée, où les transactions ne laissent aucune trace numérique exploitable. Cette perception se heurte directement à l’idée d’une monnaie numérique émise par la BCE (Monnaie Numérique de Banque Centrale), perçue par beaucoup comme une porte ouverte à une surveillance accrue des comportements financiers.

Un rapport récent de Bloomberg indique que les craintes autour de la traçabilité des données et du risque de mésusage des informations personnelles sont particulièrement vives en Allemagne. Les jeunes Allemands semblent plus enclins à accepter l’idée d’un euro numérique, bien que des réticences subsistent également.

Face à ces inquiétudes, la BCE met en avant des mesures de sécurité avancées pour garantir la confidentialité des utilisateurs du futur euro numérique. Christine Lagarde, présidente de la BCE, a souligné à plusieurs reprises que l’euro numérique ne vise pas à remplacer les espèces, mais à coexister avec elles. Elle insiste également sur l’importance d’inclure toutes les générations, même celles moins familières avec les nouvelles technologies, dans ce projet. Mais ne nous leurrons pas, car les dernières années nous ont démontré que le pouvoir central avance à pas feutré et mesuré, la coexistence annoncée aujourd’hui n’a que peu ou prou de valeur dans un futur proche et l’annonce du remplacement des espèces pourrait très bien survenir dans quelques années.

La BCE prévoit notamment l’utilisation de technologies de chiffrement des données et l’introduction de cartes physiques permettant l’utilisation de l’euro numérique hors ligne, dans le but de préserver l’anonymat des transactions. Selon Joachim Nagel, président de la Deutsche Bundesbank, il est important de rassurer les Allemands quant à la possibilité de continuer à utiliser du cash, tout en les sensibilisant aux avantages potentiels du numérique.

 

Un débat existant sur l’ensemble de la place européenne

Le scepticisme face à l’euro numérique ne se limite pas à l’Allemagne. En Autriche et en Slovaquie et dans beaucoup d’autres pays européens, une préférence similaire pour les paiements en espèces se manifeste, freinant l’adoption des solutions numériques. En revanche, d’autres pays comme les Pays-Bas sont bien plus ouverts aux paiements numériques, ayant déjà largement adopté ces méthodes dans leur quotidien. Cette diversité d’approches au sein de l’Union européenne pose la question de la faisabilité d’une adoption harmonisée de l’euro numérique.

L’une des motivations principales derrière l’introduction de cette monnaie est de réduire la dépendance de l’Europe aux services de paiement non européens, dominés par des géants tels que Visa ou Mastercard. Evelien Witlox, directrice du projet euro numérique à la BCE, a précisé que l’adoption de cette monnaie numérique n’est pas encore inévitable, mais qu’elle représente une étape stratégique dans la souveraineté financière européenne.

Au-delà des considérations techniques, l’acceptation de l’euro numérique dépendra largement de la capacité des institutions à répondre aux préoccupations culturelles et sociétales. La crainte d’une surveillance excessive, alimentée par des comparaisons avec des systèmes comme celui du yuan numérique en Chine, est un obstacle majeur. Des opposants à l’idée d’une monnaie numérique craignent également que celle-ci ouvre la voie à des systèmes de notation sociale, où les comportements individuels pourraient être suivis et sanctionnés.

Pour surmonter ces résistances, la BCE a récemment publié un rapport détaillant les mesures envisagées pour garantir la protection des données, notamment par la pseudonymisation des transactions. Toutefois, ces garanties devront convaincre toute population profondément attachée à ses libertés individuelles.

Un projet à l’échelle mondiale

Le débat autour de l’euro numérique s’inscrit dans un contexte plus large de recherche et de développement des monnaies numériques par les banques centrales à travers le monde. Selon les données du Atlantic Council, environ 134 pays explorent actuellement des solutions de monnaies numériques. La Chine, la Russie et le Brésil ont déjà franchi le cap du lancement de projets pilotes.

Aux États-Unis, les discussions autour d’un dollar numérique sont également en cours, bien que le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, ait déclaré qu’il n’y avait pour l’instant aucun projet concret à ce sujet. De nombreuses figures politiques américaines, notamment du côté républicain avec Donald Trump et Ron DeSantis, s’opposent fermement à l’idée d’une monnaie numérique, craignant les dérives potentielles en matière de surveillance étatique.

Les français et l’euro digital

En France, la consultation publique sur l’euro numérique a été relativement limitée, et les débats publics sur ce sujet restent discrets comparés à d’autres pays européens comme l’Allemagne. Toutefois, la Banque centrale européenne (BCE) a lancé une consultation publique à l’échelle européenne en octobre 2020, invitant les citoyens et les entreprises de l’ensemble de la zone euro à donner leur avis sur la potentielle introduction d’un euro numérique. Cette consultation s’est achevée en janvier 2021. En France, peu de citoyens ont réellement participé à cette consultation, qui n’a pas bénéficié d’une large couverture médiatique ni d’un grand écho auprès du grand public.

La consultation de la BCE a rassemblé environ 8 200 réponses, dont une part importante provenait d’Allemagne, où le débat autour de l’euro numérique est bien plus vif. En revanche, en France, la participation est restée faible. Le public français n’a donc pas été massivement consulté ni informé sur les enjeux de l’euro numérique. Cette situation révèle un manque de débat public, laissant une majorité de citoyens dans l’ignorance ou l’indifférence face à un projet qui pourrait pourtant transformer la manière dont ils utilisent la monnaie et dont dépend leur liberté financière et par conséquent leur vie privée.

Contrairement à d’autres pays où les débats sur l’euro numérique ont suscité l’attention des médias et des citoyens, la France reste en retrait. Les institutions françaises, comme la Banque de France, ont mené quelques expérimentations techniques et ont collaboré avec la BCE pour explorer les modalités d’un euro numérique. Cependant, ces initiatives sont largement restées confinées au domaine des experts financiers et n’ont pas donné lieu à des consultations publiques massives ou à des débats parlementaires de grande envergure.

En ce qui concerne les sondages d’opinion, il existe peu de données spécifiques sur ce que les Français pensent réellement de l’euro numérique. Quelques enquêtes menées à l’échelle européenne montrent que les préoccupations en France sont similaires à celles d’autres pays, notamment sur les questions de sécurité des données, de protection de la vie privée et du rôle des espèces dans l’économie. Toutefois, ces sondages sont généralement réalisés par des institutions ou des entreprises liées au secteur financier, et ne reflètent pas toujours l’opinion du grand public.

En comparaison avec d’autres dossiers financiers ou politiques, la monnaie numérique ne semble pas, pour l’instant, être une priorité pour les médias français. Cela pourrait toutefois changer à mesure que le projet d’euro numérique se concrétise et que son impact potentiel sur la société devient plus tangible.

En résumé, les Français n’ont pas été massivement consultés sur l’euro numérique, et les débats publics autour de ce sujet ont été limités car les médias ne jouent pas leur rôle sur ce sujet et contribuent à laisser les citoyens dans l’ignorance de ce que l’UE et la BCE projettent. Le manque de discussion publique et également privée entre citoyens à ce sujet, le manque d’enquêtes représentatives sur ce thème montre que le projet d’euro numérique reste pour l’instant caché des Français dans leur ensemble, laissant une grande partie de la population dans l’ombre de ce débat plus qu’important pour leur avenir.

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Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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