Alors que le monde s’oriente de plus en plus vers la digitalisation des monnaies fiduciaires, une nouvelle bataille politique fait rage aux États-Unis. Le Whip* de la majorité à la Chambre des représentants, Tom Emmer, a récemment réintroduit un projet de loi visant à empêcher la création d’une monnaie numérique par la Banque centrale (MNBC ou CBDC). Ce mouvement représente non seulement une réponse aux initiatives internationales sur les MNBC, mais il soulève également des questions sur la vie privée, les libertés individuelles, la surveillance et la réglementation aux États-Unis.
*aux États-Unis, le Whip est le parlementaire responsable de s’assurer que les membres élus de son groupe politique sont présents et votent selon les directives du parti.
CBDC / MNBC : Un contexte mondial
Le contexte international montre une vague croissante d’intérêt pour les MNBC.
- Près de 130 pays, couvrant 98 % de l’économie mondiale, explorent actuellement cette piste.
- Onze nations, dont la Chine, ont déjà pleinement mis en œuvre leur propre MNBC.
Cependant, cette montée en puissance des MNBC est diversement accueillie, même au sein des milieux politiques et financiers américains.
Décryptage du projet de loi contre la monnaie numérique de Banque Centrale de Tom Emmer
Tom Emmer cherche à bloquer les efforts du système de la Réserve fédérale (Fed) et de ses banques membres pour lancer une version numérique du dollar américain. Cette nouvelle mouture du projet de loi comporte deux changements importants.
- Premièrement, elle interdit les MNBC « intermédiés », c’est-à-dire gérés par des banques de détail ou d’autres institutions financières plutôt que directement par la Fed.
- Deuxièmement, elle supprime l’obligation pour la Fed de signaler au Congrès tout projet pilote lié aux MNBC.
Les enjeux politiques et idéologiques de cette Loi Républicaine
La question des MNBC est devenue un point clé de discussion chez les candidats présidentiels républicains pour les élections de 2024. De même, certains démocrates, comme Robert F. Kennedy Jr., se sont également exprimés contre les MNBC, les qualifiant d' »instruments de contrôle et d’oppression ». Tom Emmer s’est dit préoccupé par les atteintes à la vie privée et aux libertés individuelles, arguant que les MNBC pourraient servir d’outils de surveillance de style « État administratif ».
MNBC / CBDC : des clivages partisans
Bien que le parti républicain contrôle actuellement la Chambre des Représentants, rendant improbable l’adoption de ce projet de loi dans l’immédiat, Tom Emmer et ses soutiens espèrent néanmoins que leur initiative contribuera à sensibiliser le public aux enjeux associés aux MNBC.
Entendons que malgré les postures anti-crypto actuellement associées aux démocrates et à l’administration Biden, Tom Emmer prétend que certains de ses homologues démocrates soutiennent son projet de loi, bien qu’ils ne puissent l’admettre publiquement.
La liberté financière n’existe pas sans vie privée
La réintroduction du projet de loi sur les MNBC par Tom Emmer souligne l’ampleur des débats actuels aux États-Unis sur la régulation financière, la vie privée et la souveraineté individuelle. Alors que d’autres pays avancent rapidement dans le domaine des monnaies numériques, les États-Unis semblent être à un carrefour idéologique, confrontés à des questions fondamentales sur l’avenir de leur système monétaire dans une ère numérique.
Le projet dollar numérique crée une opportunité politique pour la Réserve Fédérale et l’administration Biden d’avancer avec une MNBC qui pourrait compromettre la liberté des Américains. Un dollar numérique donnerait du pouvoir à la Fed, pas aux Américains. Quiconque croit en un gouvernement limité à des fonctions régaliennes ne devrait pas soutenir un dollar numérique de banque centrale et il en est de même pour l’euro numérique ou Cash+ le projet de l’UE et de la banque centrale européenne.
Un débat sur l’euro numérique en Europe ?
Alors que le débat fait rage aux Etats Unis car les droits fondamentaux des américains sont sur le point d’être remis en question par le projet du dollar numérique MNBC, la question ne semble pas intéresser les européens. En effet, à part quelques informations distillées ça et là sur le site de la BCE ainsi que quelques articles de presse à ce sujet, aucun débat sur un euro numérique de banque centrale n’est animé officiellement en France.
A croire que le projet est anodin et qu’il ne changera pas la donne pour les citoyens.
Mais c’est justement tout l’inverse, le projet de l’euro numérique, ou Cash+, est, comme aux Etats Unis, un projet idéologique et politique. Dans une époque où le pouvoir de l’administration centrale est grandissant et semble se concentrer dans quelques mains, un euro numérique contrôlé par la BCE et par l’UE serait un désaveu total pour les citoyens européens et les défenseurs des libertés qui croient encore à la démocratie.
En relation : L’Euro numérique « Cash Plus » : Progrès ou menaces pour la liberté financière ?