La plateforme d’échanges de crypto-actifs Binance a récemment modifié son formulaire d’inscription destiné à “bien connaître ses clients”, connus sous le nom de KYC en anglais (soit “Know Your Customer”). Cela aurait déclenché un fort mouvement de départ de ses clients et des pertes financières importantes. Qu’en est-il vraiment ?
Binance : CGU, activités illégales et perte de clients
C’est un simple changement dans les conditions générales d’utilisation de la plateforme d’échanges de crypto-actifs Binance qui a relancé la polémique sur les activités illégales dans le monde des cryptos.
Les activités illégales : la plaie des exchanges cryptos…
Reuters a récemment publié des informations indiquant que Binance est très impactée par les activités illégales et le blanchiment d’argent. Selon leur enquête, Hydra, un marché russe du darknet, aurait fait transiter 780 millions de dollars US par Binance depuis 2017.
Les exchanges cryptos font face depuis toujours aux trois problèmes majeurs du financement du terrorisme, du blanchiment d’argent et de la mauvaise presse.
… qui a provoqué un durcissement des conditions générales de Binance
En réaction aux accusations de Reuters et pour satisfaire aux exigences des régulateurs, le formulaire d’inscription “KYC” de Binance a été renforcé, et est devenu plus complexe. Une autre décision, qui a fait couler beaucoup d’encre, a également été prise : les clients sans compte Binance KYC ne peuvent plus retirer que 0,06 BTC (contre 2 BTC avant).
Prise afin de lutter contre le blanchiment d’argent, cette décision semblait pourtant une bonne idée. Un compte créé sans passer par des vérifications poussées de l’identité de son titulaire ne pourrait réaliser que des petites transactions, empêchant ainsi les criminels d’industrialiser le blanchiment d’argent.
Des similitudes avec les cartes sans banques
Quand on connaît le secteur bancaire, cela rappelle le plafond fixé à toutes les cartes prépayées qui sont disponibles sans justificatifs. N’importe qui peut détenir un tel moyen de paiement sans avoir à prouver son identité mais il ne pourra pas dépenser plus de 150 euros par mois. Pour l’utiliser d’une manière normale, il faudra transmettre une pièce d’identité officielle et valide et parfois même justifier son lieu d’habitation.
Résultat : 90% des clients de Binance sur le départ ?
Les médias ont indiqué que Binance aurait perdu 90 % de ses utilisateurs après avoir mis en place le système KYC, perdant ainsi des milliards de revenus.
Mais le CEO de Binance a rapidement pris la parole et a réfuté ceci sur son compte Twitter. Voici la traduction de son tweet : “C’est une énorme mauvaise citation. Regardez les chiffres 😂😂😂… Mais le fait est que ce type de titres vend plus de clics… Triste, mais vrai.”
Connaîtrons-nous la vérité sur l’impact réel de ce durcissement des conditions d’utilisation de la plateforme ? Rien n’est moins sûr.
Binance s’équipe pour lutter contre les activités illégales
Binance est aujourd’hui le leader mondial des exchanges cryptos, et à ce titre, la société s’équipe des compétences et processus nécessaires pour lutter contre les activités illégales sur sa plateforme.
Binance, un leader incontesté des cryptos…
Binance a récemment dépassé Coinbase comme plateforme ayant le plus de bitcoins sous gestion au monde. Comme l’indique un de ses dirigeants, Tigran Gambaryan, “Binance est exponentiellement plus grand que ses concurrents”. De ce fait, on peut considérer que sa responsabilité est également exponentiellement plus importante !
… qui prend la lutte contre le blanchiment d’argent au sérieux
Binance a créé une équipe de choc pour gérer son équipe d’investigation, menée par des anciens de grandes banques et des services fiscaux américains. Parmi eux, M. Gambaryan, a répondu à Coinbase dans une interview, de manière très directe : “On ne peut pas contrôler l’argent qui entre. On ne peut pas contrôler les dépôts. On peut uniquement contrôler ce qui se passe après”. Un aveu d’une grande franchise, rare dans le milieu des cryptos, dont les acteurs cherchent plus souvent à maintenir le mythe d’un milieu où règnent l’intégrité, la bienveillance et le sérieux.
Il confirme également qu’il y a de l’argent illégal qui entre chez Binance, mais que leur plateforme n’est ni meilleure, ni pire, qu’une autre, et qu’en comparaison à la quantité d’argent totale qu’ils gèrent, la part des transactions illégales est faible.
Les CGU de Binance ont beaucoup changé ces dernières semaines !
Les CGU de Binance sont particulièrement longues. Nous doutons que beaucoup des clients de la plateforme prennent le temps de les lire en détail. Une certitude est qu’elles ont été modifiées le 17 juin 2022. Et nous pouvons remercier Doc Marmott (expert en crypto), qui nous a informé via Twitter des principales modifications de ses conditions d’utilisation.
La chose la plus inquiétante que nous ayons retenue est la suivante : Binance se réserve le droit de procéder à une suspension du compte et à un gel des actifs « pour quelque raison que ce soit ». Mais pour se défendre contre une décision unilatérale de ce type, de la part Binance, encore faut-il savoir de quoi on est accusé.
Binance se protège aussi ici, en indiquant dans ses nouvelles CGU, qu’elle n’aura pas l’obligation d’indiquer la raison du gel des actifs, et que son client ne pourra pas se retourner contre Binance pour contester la décision… Enfin, en cas d’attaque juridique menée par l’utilisateur, le recours collectif est interdit. Autant dire qu’on peut comprendre que certains clients aient décidé de quitter Binance !
De nouveau faisons une similitude avec l’univers bancaire et sa règlementation
Le problème des comptes bloqués, qui mène parfois à la fermeture de compte est devenu fréquent. Les organismes bancaires ont pour obligation de surveiller leurs clients. Et en cas de malversation, la banque, néobanque ou fintech peut écoper d’une lourde sanction car ils sont responsables de ce qu’il se passe chez eux. Quand un compte est suspecté, celui-ci est bloqué. Généralement, s’il y a un doute, le service client va demander des justificatifs, preuve que cette action est légale mais qu’elle sort juste de l’ordinaire : facture, dépôt de plainte, … Mais s’il n’y a pas de doute, le compte peut-être bloqué pour faciliter l’enquête et l’établissement n’est pas obligé de donner de raison.
Binance est donc sur la même tendance que les autres acteurs du secteur. La régulation des cryptos est en marche …