Lutte contre la fraude fiscale et les financements illicites, meilleur respect de la vie privée, empreinte écologique moindre : les monnaies virtuelles ont la cote, même chez les banques centrales. Toutefois, les organisations de contrôle veulent garder leur position dominante, face à un système décentralisé qui gagne du terrain mais les exclut du jeu. Et les Etats avec.
L’euro numérique d’ici 5 ans |
La Banque centrale européenne (BCE) a officialisé son projet de création d’une monnaie virtuelle le 14 juillet dernier. Cet euro numérique doit contrer l’hégémonie des cryptomonnaies, en particulier le Bitcoin. L’heure est à l’investigation, mais le projet pourrait rapidement se concrétiser pour régler ses achats, y compris dans le quotidien (paiement hors ligne) pour des montants inférieurs à 100 euros.
Un discours officiel de Christine Lagarde, présidente de la BCE, a été retranscrit en ligne sur de nombreuses chaînes. Les informations officielles pleuvent sur le site du superviseur des banques de la zone Euro.
Disponible avec les cartes bancaires classiques et les portefeuilles électroniques, l’euro numérique sera délivré par la BCE et gardé par les banques commerciales. Le projet doit aboutir d’ici cinq ans, une période plutôt longue dans l’univers des cryptoactifs. Longue également par rapport aux autres banques centrales qui s’intéressent au sujet dans le monde.
La Chine très active, les USA en réflexion |
La Chine expérimente déjà le yuan numérique, en attendant le lancement officiel prévu pour les Jeux Olympiques de 2022. Plusieurs villes sont le théâtre d’essais, qui doivent accompagner l’e-yuan à devenir une nouvelle monnaie internationale. L’idée du gouvernement chinois est de récupérer la main sur les monnaies virtuelles très en vogue dans le pays, et de concurrencer le dollar américain. L’information est suivie de près par les États-Unis.
Ainsi, en avril dernier, Jerome Powell, président de la réserve fédérale américaine, expliquait que « le yuan digital chinois ne serait pas idéal pour les États-Unis ». Il ne souhaite pas pour autant que son pays se précipite dans la création d’un stablecoin à l’image de l’euro numérique. Néanmoins, sous couvert de consultation publique et du futur rapport au Congrès sur les paiements digitaux et les monnaies virtuelles ce troisième trimestre, Jerome Powell rappelle que « les États-Unis sont obligés de développer la meilleure d’entres elles. »
Les initiatives privées tuées dans l’œuf par les états ? |
L’idée d’une cryptomonnaie d’état se poursuit, alors que les cryptoactifs ne cessent de se démocratiser et de se développer. A la fin de l’année dernière, 86% des banques centrales avaient initié des travaux sur la question. C’est dire le nombre de pays qui envisage de créer un avatar numérique de leur devise. Cet intérêt grandit au fil des années, car ils n’étaient que 70 % en 2018 à y réfléchir, et 80 % en 2019.
Les arguments avancés sont nombreux. Avec leur procédure décentralisée et leur opacité sur l’identité des utilisateurs, les cryptomonnaies sont très prisées pour le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Les Etats souhaitent donc contrer Bitcoin et autres coins, en lançant leur propre devise numérique. Parallèlement, elle sanctionne les acteurs actuels (notamment les exchanges) et muscle leur réglementation face à ces actifs spéculatifs. Les Etats veulent récupérer la main, y compris sur les initiatives privées comme Facebook. Il est inutile de rappeler les nombreux freins que Libra, maintenant Diem a rencontré. Il n’est d’ailleurs toujours pas lancé.
L’argument écologique comme atout massue ? |
Les préoccupations environnementales sont de plus en plus ancrées dans la population. La lutte contre le changement climatique et en faveur de la sauvegarde de la biodiversité sont au cœur de nombreuses réflexions. D’ailleurs, le secteur bancaire est régulièrement stigmatisé pour greenwashing (mettre une couche de vernis sur son image de marque pour faire croire qu’on fait écolo). De ce constat sont nés des projets de néobanque verte, tels que helios, Green-Got ou OnlyOne.
Avec l’euro numérique, la BCE place cet argument écologique en avant : « Nos expérimentations ont montré que l’énergie nécessaire aux infrastructures que nous utilisions est négligeable par rapport à la consommation énergétique et à l’empreinte environnementale des crypto-actifs tels que le bitcoin, qui consomme plus d’électricité que la Grèce ou le Portugal. » Elle rejoint en cela les propos d’Elon Musk qui, après avoir encensé les cryptomonnaies, les a critiquées à cause de leur empreinte carbone résultant des opérations de déminage. Il est important de rappeler que cet argument écologique est aussi économique pour les détracteurs du bitcoin qui souhaitent le voir disparaître. Car d’autres études prouvent que la création de monnaie et son échange consomme plus que la star des cryptomonnaies.
L’absence de confiance à l’endroit des autorités officielles contribue à la popularité des cryptomonnaies. Mais la menace de leur application à la vie économique réelle effraie les banques centrales et les états. D’où le foisonnement de projets de devises numériques en Europe et ailleurs dans le monde. Reste que l’avenir des cryptoactifs est grandement indexé aux évolutions réglementaires engagées, comme le montre l’exemple actuel de la Chine.