L’idée de régler ses achats quotidiens en cryptos : un fantasme ou une réalité ?
Pendant un certain temps, l’idée de sortir sa carte bleue et de régler un panier de légumes, de fruits ou de produits ménagers en bitcoins (BTC) ou en ether (ETH) relevait plus de la science-fiction qu’autre chose. En France, comme dans la plupart des pays européens, les cryptomonnaies n’ont pas immédiatement trouvé leur place dans les commerces de proximité. Les freins sont multiples : volatilité des cours, méconnaissance du grand public, absence d’infrastructures adaptées, sans oublier un cadre réglementaire encore flou dans ses premières années d’existence.
Néanmoins, la situation a évolué progressivement. Certains commerçants indépendants, généralement passionnés de nouvelles technologies, ont commencé à accepter les cryptos, ne serait-ce qu’à titre expérimental. De petits restaurants ou cafés ont pu proposer un QR code permettant le paiement en bitcoin, parfois par conviction idéologique, parfois dans l’espoir d’attirer une clientèle plus diversifiée. Toutefois, ces initiatives isolées n’ont pas immédiatement transformé le paysage du commerce de détail. La plupart des achats quotidiens demeurent toujours réglés en euros, par carte bancaire ou en espèces.
Les cartes bancaires adossées à des portefeuilles cryptos
Une des voies les plus prometteuses pour l’adoption des cryptomonnaies dans les dépenses quotidiennes consiste à s’appuyer sur des cartes bancaires reliées à un portefeuille crypto. Cette approche, déjà développée par certains acteurs internationaux, permet de dépenser des cryptos de façon totalement transparente pour le commerçant, qui reçoit quant à lui des euros. En pratique, l’utilisateur détient un solde en bitcoins, ethers ou autres tokens, et lorsqu’il paie avec sa carte, le montant de la transaction est converti instantanément en monnaie fiduciaire. Le commerçant ne voit pas la différence : il perçoit un règlement en euros, tandis que l’utilisateur a débité son solde en cryptos.
Cette solution, de plus en plus répandue, se heurtait malgré tout à un problème en France : la régulation du secteur et la nécessité, pour les établissements financiers ou exchanges crypto, de disposer d’agréments appropriés. Les acteurs du secteur crypto doivent donc obtenir des enregistrements ou agréments auprès de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) ou de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). Sans ce cadre, le développement d’offres permettant un usage au quotidien restait limité.
Autre moyen de dépenser ses cryptos, la carte de débit virtuelle associée à un portefeuille non custodial. Exemple avec MetaMask, le portefeuille numérique auto-custodial bien connu, qui a en effet innové une nouvelle fois cette année avec le lancement de la MetaMask Card. Cette carte de débit, créée en collaboration la plateforme fintech Baanx, permet aux utilisateurs de régler leurs achats directement avec leurs actifs numériques depuis leur portefeuille MetaMask, partout où Mastercard est acceptée. Une illustration concrète de la convergence entre les technologies blockchain et les systèmes de paiement traditionnels.
Mais le principal frein se situe aujourd’hui dans l’étape d’acquisition des cryptos. Pourtant, certaines plateformes, comme Revolut, offrent déjà la possibilité de les acheter en toute simplicité depuis son compte courant. Une fois obtenues, ces cryptos peuvent être revendues directement depuis le portefeuille dédié, le montant issu de la vente étant reversé sur le compte courant euro. Ainsi, l’ensemble du processus gagne en fluidité, de l’achat initial à l’encaissement final. Cependant, cette solution, aussi pratique et efficace qu’elle soit, ne permet pas d’utiliser directement son solde crypto pour régler un achat via sa carte de débit associée au compte courant.
C’est là qu’une autre fintech, française cette fois-ci, entre en scène. Deblock propose en effet depuis peu une innovation très attendue des utilisateurs crypto : un portefeuille crypto associé à un compte courant, agréé par l’AMF. Cet agrément signifie que l’entreprise opère dans un cadre clair et surveillé, offrant ainsi une garantie de sérieux et de conformité. D’abord, l’utilisateur conserve ses cryptomonnaies dans un environnement régulé, disposant d’un niveau de sécurité et de fiabilité proche de celui d’une banque traditionnelle. Ensuite, le fait de relier directement un compte courant à un portefeuille crypto ouvre la voie à des usages plus variés. Au lieu de conserver ses actifs numériques dans des wallets non régulés ou des comptes à l’étranger, le client peut désormais gérer ses fonds depuis une interface centralisée et adaptée au contexte légal français. Une telle solution rend plus simple la conversion instantanée de cryptos en euros, permettant en théorie de régler ses achats courants, comme ses courses, via une carte de paiement adossée à ce compte.
La question de la volatilité et du choix des cryptomonnaies
Nous venons de le voir, bien qu’il soit désormais possible d’utiliser des cryptos en France pour certains paiements, la volatilité des cours reste encore un obstacle important. Les monnaies numériques comme le Bitcoin ou l’Etherium sont sujettes à des variations de valeur parfois très rapides, ce qui rend leur usage quotidien plus complexe.
De fait, le consommateur peut hésiter à dépenser 0,001 BTC pour un panier de fruits et légumes s’il sait que ce fractionnement de bitcoin pourrait valoir le double ou la moitié le lendemain. Cette incertitude peut décourager une adoption de masse. De plus, du point de vue du commerçant, accepter directement une monnaie dont la valeur fluctue d’heure en heure n’a rien d’attrayant, sauf s’il existe une conversion instantanée en euros. C’est bien là que l’apport d’entreprises comme Deblock devient intéressant, car la conversion immédiate annule le risque de volatilité pour le commerçant.
Par ailleurs, une autre solution consiste à utiliser des stablecoins. Ces cryptomonnaies adossées à un actif stable, le plus souvent le dollar ou l’euro, permettent de contourner en partie le problème de volatilité. Toutefois, leur adoption dans le commerce de détail reste encore marginale, et les réglementations autour des stablecoins doivent s’adapter. Dailleurs le secteur est en mouvement, avec de nouvelles règles européennes (MiCA – Markets in Crypto-Assets) qui clarifient progressivement le statut des différents actifs numériques. Les années à venir verront peut-être émerger un écosystème où le consommateur pourra choisir entre dépenser un stablecoin lié à l’euro et ainsi éviter les risques de change, ou bien utiliser ses cryptos volatiles avec la possibilité de tirer parti d’une conversion automatique.
La perception du public et l’impact sur l’adoption
Malgré les progrès techniques et les avancées réglementaires, la question demeure : le public français est-il prêt à régler ses courses en cryptos ? Pour le moment, l’adoption reste très limitée. La plupart des citoyens considèrent encore les cryptomonnaies comme un actif spéculatif, un investissement, plutôt que comme un outil d’échange au quotidien. Le nombre de détenteurs de cryptos augmente, mais l’utilisation reste centrée sur l’achat et la revente, afin de profiter d’éventuelles plus-values, ou sur le stockage afin de se constituer une épargne sur le long terme.
Cependant, la banalisation de solutions intégrées pourrait encourager un changement de mentalité et modifier les usages. Si détenir des cryptos dans un cadre sûr, régulé, et pouvoir les dépenser d’un simple geste, devient chose commune, alors petit à petit le public s’habituera à cette idée. Les campagnes d’information, le soutien des acteurs institutionnels et la multiplication des options de paiement pourraient conduire, à terme, à une forme d’acceptation plus large.
Pour que l’usage des cryptomonnaies s’étende aux courses du quotidien, les commerçants doivent trouver un intérêt à les accepter, et les consommateurs un avantage à les utiliser. Certaines chaînes de distribution, éventuellement séduites par une image innovante, pourraient tenter des opérations marketing ponctuelles, offrant des réductions ou des avantages à ceux qui paient en cryptos. Par exemple, un supermarché pourrait proposer des promotions exclusives pour les paiements en bitcoins, ou une épicerie de quartier pourrait offrir des points de fidélité spécifiques aux utilisateurs réglant avec un portefeuille crypto.
Mais ces démarches n’en sont qu’au stade embryonnaire. De plus, la simplicité d’utilisation doit être au rendez-vous. L’un des freins actuels est la complexité de la technologie pour le grand public. Les solutions de paiement doivent être aussi simples que de sortir une carte bancaire. C’est dans cette logique que la carte de débit associée à un portefeuille crypto peut faire la différence : aucune manœuvre compliquée, aucun code spécial, juste une carte qui puise dans un solde crypto et convertit à la volée. L’utilisateur a ainsi la sensation d’utiliser un moyen de paiement standard, tandis que le commerce n’a pas à se soucier des aléas techniques.
Vers des usages plus courants d’ici quelques années
À court terme, payer ses courses en cryptos reste une pratique marginale, voire anecdotique. La plupart des Français n’envisagent pas encore sérieusement cette possibilité pour payer leur baguette, et les commerces qui acceptent volontiers une telle méthode de paiement ne sont pas encore légion. Pourtant, la mise en place d’outils comme un portefeuille crypto adossé à un compte courant permet déjà d’imaginer un futur dans lequel la frontière entre argent traditionnel et cryptomonnaies s’estompera. Le consommateur ne se souciera plus d’avoir des euros sur un compte et des cryptos sur un autre, il disposera d’un ensemble d’avoirs fluides, interchangeables, en partie numériques et en partie fiduciaires. Si cette vision s’impose, alors les paiements en cryptos n’auront plus rien d’exotique, ils deviendront une option de plus dans le panel des choix disponibles, à côté de la carte bancaire traditionnelle, du sans contact via smartphone ou de l’instant payment. Est-ce que cette vision se concrétisera ?
Le chemin semble en tous cas de plus en plus aménagé pour une adoption progressive et contrôlée de nos chères cryptos. Et n’oublions pas que nous avons vu le nouveau président américain élu Donald Trump payé des hamburgers en bitcoins dans un établissement new yorkais plus tôt cette année. Celui là même qui, lors de son ouverture du NYSE (New York Stock Exchange) le 12 décembre, a déclaré : “Nous allons faire quelque chose de grand avec la crypto”.
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