Focus sur le rapport du Sénat : “Crises sanitaires et outils numériques”
Commençons par présenter ce rapport du Sénat, ainsi que ses implications sur nos libertés individuelles.
Présentation du rapport et de ses objectifs
En juin 2021, le Sénat a rédigé et diffusé un rapport sur les crises sanitaires et les outils numériques.
L’objectif de ce rapport est d’analyser les apports, mais également les inconvénients, voire les menaces, des outils numériques dans la gestion des crises sanitaires.
Dans une certaine mesure, le virus du Covid-19 était relativement “bénin” avec un taux de létalité de 1% environ. Mais que se passerait-il dans le cas d’une pandémie avec un taux de létalité de 5 ou 10%, ou encore qui toucherait principalement les jeunes et les actifs ?
A la suite de la pandémie liée au virus Covid-19, en France et dans d’autres pays, l’état d’impréparation de l’outillage numérique a été constaté avec effarement. Des solutions techniques ont été bricolées à la hâte, voire mises en place par des particuliers…
Le rapport sénatorial permet d’informer les sénateurs et décideurs politiques, ainsi que le grand public, sur les enseignements de la gestion de crise, en France et ailleurs dans le monde, afin de mieux gérer d’éventuelles nouvelles pandémies à l’avenir.
Par exemple, alors qu’en France, nous avons dû créer de toutes pièces des outils informatiques pour le suivi de la pandémie et pour gérer les pass sanitaires, la Chine et d’autres pays asiatiques ont apporté une réponse massive dans ce domaine. Ces pays ont fait la preuve de leur capacité à agir rapidement et efficacement.
D’ailleurs, selon le rapport, jamais dans l’histoire un état n’avait suivi (“tracké”) de manière aussi intrusive sa population qu’en Chine depuis 2020 !
Quel niveau de contrôle social grâce au numérique ?
L’exemple de la Chine peut nous interroger, en France, au pays des droits de l’Homme.
La liberté figure après tout en première place dans la devise de la République Française !
Le rapport du Sénat a pour but de pousser (volontairement) loin la réflexion sur l’impact potentiel des outils numériques sur nos libertés.
Voici l’analyse qui est faite des capacités de tracking social des citoyens :
- contrôle des déplacements : l’outil sait où se trouve chaque personne, à tout moment,
- contrôle de l’état de santé : des objets connectés peuvent suivre notre état de santé (température, rythme cardiaque, etc.) afin de détecter les personnes à risque d’infection,
- contrôle des transactions : l’outil a accès à nos achats, afin – par exemple – de faire un lien entre des achats de médicaments ou de matériels médicaux (masques) pouvant être liés à un risque d’infection,
- contrôle des fréquentations : il sait enfin qui on rencontre, le nombre de personnes croisées, etc.
Comme on le voit, notre vie privée est complètement connue des outils, et cela permet potentiellement une restriction et un contrôle de la part de l’État de nos moindres gestes !
Les dangers principaux des outils numériques de suivi social sont qu’ils agissent en temps réel, de manière automatisée et exhaustive : tous les citoyens peuvent être contrôlés, à tout moment, sans que cela ne coûte beaucoup à l’État.
On retrouve réellement ici la dystopie du “Big Brother” décrite dans le livre 1984 de George Orwell. (Pas évident à lire mais oeuvre édifiante et en lien avec notre réalité actuelle. )
Quels impacts sur notre vie bancaire ?
Les technologies numériques de contrôle social ont aussi une incidence sur nos comptes bancaires.
En effet, les autorités peuvent exploiter nos relevés bancaires (et réaliser un contrôle des transactions, comme nous l’avons déjà évoqué précédemment).
Mais cela va même plus loin.
Imaginons qu’une restriction de mouvement ait été imposée (un confinement par exemple) lors d’une épidémie. Si un outil numérique de contrôle social (mis en place par l’État) constate qu’un individu (par géolocalisation) est en infraction, ses moyens de paiement pourraient être automatiquement bloqués, et une amende prélevée automatiquement sur son compte bancaire…
C’est déjà ce qui se passe avec les radars routiers en France, en ce qui concerne l’automatisation des amendes. La technologie est donc bien au niveau de maturité requis pour permettre ce type de dérives.
Le crédit social
Ce que le rapport du Sénat a permis de mettre en exergue, c’est que les technologies de contrôle et de tracking sociaux sont déjà mûres. Abordons à présent la question du crédit social.
Qu’est-ce que le crédit social ?
A l’origine, il s’agit d’une philosophie datant des années 1920…qui était impossible à mettre en place dans la pratique.
Mais avec le coût fortement décroissant des technologiques numériques, et leur diffusion à grande échelle, depuis une cinquantaine d’années, nous y sommes, et un pays l’a mis en place à grande échelle : la Chine.
Voici les caractéristiques principales du système de crédit social chinois :
- il s’agit d’un système de réputation des citoyens et des entreprises,
- qui attribue une note comprise entre 350 et 950 points à chaque individu,
- avec des récompenses et des pénalités, en cas de non-respect des règles et lois,
- le tout est rendu possible par une surveillance généralisée, de masse, de la population (vidéosurveillance, outils numériques, etc.). Selon Wikipedia, la Chine comptait déjà 400 millions de caméras de vidéosurveillance en 2020!
Ce système a pu être mis à profit lors de la crise sanitaire, mais est utilisé depuis des années pour d’autres objectifs de contrôle :
- contraindre le citoyen à rembourser ses dettes en l’empêchant de réaliser des achats ostentatoires s’il a des dettes en retard,
- suivi et contrôle des opinions politiques dissidentes en ligne,
- punition des incivilités (par exemple, en punissant le contrevenant en l’empêchant d’acheter des billets de train ou d’avion)…
Nous laissons le soin à nos lecteurs de se faire leur propre opinion sur la portée de ce système en termes de valeurs démocratiques et de respect de la vie privée.
Smart Citizen Wallet : le crédit social débarque en Italie
La Chine, cela peut paraître loin, alors parlons plutôt de nos voisins italiens.
Dans la ville de Bologne, suite à une expérimentation à Rome, la municipalité a mis en place un outil, le Smart Citizen Wallet, qui est accessible sur la base du volontariat.
L’outil permet d’obtenir des récompenses lorsqu’on réalise des actions vertueuses, telles que de trier correctement ses déchets ou encore de prendre les transports en commun sans avoir d’amendes.
Pour l’instant, le système est optionnel et sa portée est somme toute bénigne. Mais les bases sont en place, et selon la théorie de la pente glissante, rien n’empêche en théorie de développer les capacités de ce type d’outils.
Quelles sont les conséquences pour vous de l’arrivée du crédit social ?
En quoi le crédit social peut-il nous impacter, en France, au quotidien ?
Précisons au passage que nous en avons déjà vécu une forme très prégnante, sous la forme du pass vaccinal. En bloquant l’accès à de nombreux services et établissements privés (restaurants, théâtres, cinémas, etc.), cet outil de contrôle social représentait aussi une forme de crédit social, dans le sens qu’il pénalisait des citoyens pour leur comportement “hors norme” (la norme imposée par l’Etat étant – dans cet exemple – de se faire vacciner).
Beaucoup d’entre vous, nous posent la question de la nécessité d’ouvrir un compte bancaire hors de France, afin de protéger ses avoirs contre une éventuelle saisie abusive par les services de l’État.
Nous ne pouvons pas répondre facilement à cette question, car nul ne sait comment le gouvernement français agira dans les années à venir sur le sujet du crédit social. Et la mise en place de ces technologies n’est également – selon nous – aussi possible que si les citoyens que nous sommes ne s’y opposent pas !
Toutefois, il nous semble important de suivre l’évolution de près, être conscient des possibilités actuelles de contrôle (avec les exemples donnés par la Chine et l’Italie) et d’être prêts à agir en cas de renforcement des contraintes de contrôle social.
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