Qu’est-ce qu’une monnaie numérique d’État ?
Parcourons tout d’abord l’histoire des monnaies menant à l’apparition de ces monnaies numériques.
Les bases historiques de la monnaie
Aux origines, dès la préhistoire, il y avait le troc. Ce système d’échange était très limité dans sa capacité à fluidifier les échanges commerciaux. Pour le remplacer, il y a quelques milliers d’années, on invente alors les pièces de monnaie. Elles sont plus efficaces que le troc pour définir une valeur d’après un repère unique. La monnaie a trois fonctions, c’est une unité de compte, un moyen de règlement et une réserve de valeur.
Ensuite, on passe des flux papier aux flux numérisés, ce phénomène est dû à la disparition de l’étalon-or c’est-à-dire la convertibilité du dollar avec l’or, qui était la référence mondiale de l’argent. Rappelons que l’étalon or a été remplacé à Bretton Woods, à la fin de la seconde guerre mondiale. Désormais, le dollars sera la nouvelle norme. Les économies passent alors à un système de taux de change flottants.
Pour résumer les grandes étapes : du troc à la note de crédit, puis les billets de banque, et enfin l’argent dématérialisé qu’on connaît aujourd’hui, échangé entre les banques.
Les cryptomonnaies ouvrent la voie aux devises 2.0
Les cryptomonnaies, qui ne sont régulées par aucun État, et sont gérées de manière décentralisée, ont attiré de nombreux investisseurs et spéculateurs au cours de la dernière décennie. Bitcoin, la monnaie virtuelle la plus connue, fait régulièrement la une des journaux, et il existe des milliers de telles monnaies en circulation.
En 2021, 8% des français avait déjà traité avec une monnaie virtuelle.
La crise du Covid a également accéléré le passage aux paiements numériques, qui se généralisent. C’est en grande partie cet engouement des citoyens qui contraint les banques centrales à se poser la question de la mise en place de devises officielles numériques. Or la BCE (et les autres principales banques centrales dans le monde) n’a pas encore de monnaie numérique pour les paiements de détail (pour les particuliers). Leur projet : créer une “monnaie numérique de banque centrale” (ou MNBC).
Comment les monnaies numériques d’État peuvent-elles impacter notre système financier ?
Voyons à présent l’impact potentiel de ces devises 2.0 sur notre système financier.
Un risque de ruée bancaire
Les devises numériques présentent un risque de ruée sur les banques traditionnelles.
En effet, placer son argent en MNBC à la banque centrale ne présente pas de risque (la banque centrale ne pouvant pas faire faillite, à l’inverse d’une banque commerciale). La tentation sera alors forte pour les épargnants de retirer leur épargne des comptes et livrets habituels pour les placer dans des livrets d’épargne “monnaie numérique” hébergés à la banque centrale.
Il existe d’ailleurs un précédent historique. En France, lors de la Grande Dépression, au début des années 1930, de nombreux épargnants français ont retiré leurs fonds des banques commerciales, pour les placer dans des comptes d’épargne garantis par l’État, nouvellement créés. À l’époque, les produits d’épargne des établissements commerciaux n’étaient pas garantis par l’État. Cela a mené à une déstabilisation des banques commerciales.
La nécessité de mesurer les avantages et inconvénients
La question est alors de comparer les bénéfices d’une MNBC (tels que de favoriser l’inclusion bancaire et les émissions d’emprunts) à ses inconvénients (ruée sur les banques, déstabilisation financière, perte de concurrence, traçabilité de tous les flux, perte de liberté en lien avec le crédit social). D’autant plus qu’aujourd’hui, le système bancaire et financier est mondialisé, avec un niveau d’interdépendance très fort. La faillite d’un établissement bancaire peut engendrer des chutes en cascade, tel un jeu de dominos.
Deux critères deviennent importants lors d’une crise financière : le plafond des dépôts garantis et le différentiel de taux entre les dépôts garantis et ceux des banques commerciales. Si les taux garantis sont plus élevés, cela risque d’exacerber les transferts vers ces dépôts !
Pour conclure sur les monnaies numériques d’État
Les monnaies virtuelles, ou crypto-monnaies, présentent de nombreux avantages, mais aussi des risques importants en cas d’adoption à grande échelle : si leurs émetteurs (privés) rencontrent des difficultés financières, les utilisateurs peuvent très rapidement s’en détourner, menaçant la stabilité du système. Aussi, si les épargnants se mettent en masse à les utiliser comme valeur de réserve, cela pourrait précipiter des faillites bancaires. Tout dépendra comment la gestion de cette période de transition est faite. Une logique similaire est à l’œuvre pour les MNBC, comme nous l’avons vu dans cet article.
Pour conclure, indiquons que, comme à son habitude, et bien que le grand public européen ne soit pas réellement au courant, la Chine est bien en avance, avec sa monnaie virtuelle d’état : l’e-CNY ou le Yuan numérique déjà accessible depuis 2022 à plus de 1,2 milliards d’habitants en Chine. Pour le moment, d’après nos recherches faites sur le web, les petites banques traditionnelles ne sont pas encore vraiment impactées, mais le risque plane.
Rédactrice en école de journalisme à Aix-en-Provence