L’argent magique et la BCE, une histoire qui dure ?
Commençons par rappeler le fonctionnement de la BCE (Banque Centrale Européenne), la définition de l’argent magique et la situation inflationniste actuelle en Europe.
Rappels sur les missions de la BCE
La BCE est une institution indépendante. Sa mission principale est de garantir que les prix restent stables dans la zone euro. D’ailleurs, l’objectif est quantifié, avec une cible d’inflation maximum de 2%.
Dans le cadre de son fonctionnement, la BCE n’a pas le droit de financer directement la dette des Etats.
Définition de l’argent magique
Qu’est-ce que l’argent magique ? Ce concept est assez simple : il s’agit d’une création de masse monétaire (la fameuse planche à billets) sans qu’il n’y ait de corrélation avec la création de richesses (le PIB) dans l’économie réelle.
Grosso modo, on crée de l’argent, sans que la zone économique correspondante ne produise davantage de biens et services en proportion de la création d’argent.
On comprend bien que, lorsqu’il y a plus d’argent en circulation, un risque de hausse de l’inflation et de création de bulles spéculatives apparaît. Les actifs, tels que l’immobilier, peuvent se renchérir rapidement.
La situation actuelle : remonter les taux, mais pas trop vite !
Les politiques monétaires de QE (Quantitative Easing), dites non conventionnelles, ont une longue histoire d’amour avec la BCE, qui les pratique depuis 2015. Et lors de la crise sanitaire liée au Covid, la BCE a sorti un arsenal impressionnant, pour financer les déficits publics par de la création monétaire.
La conséquence immédiate est d’accroître le bilan de la BCE, avec pour effet “favorable” que la dette des états bénéficiaires ne s’accroît pas. Mais cette situation n’est pas tenable à long terme. Il faut donc remonter les taux, et c’est ce que la BCE s’apprête à faire, en juillet 2022, de manière beaucoup plus progressive que la Fed américaine.
Remonter les taux, oui, mais pas trop vite, faute de quoi la timide reprise économique européenne serait vite enrayée. Notons enfin que la situation en Europe est différente de celle des Etats-Unis. Nous avons sur notre continent une inflation “importée” liée à des chocs exogènes, donc potentiellement (heureusement) non pérenne.
Le QE : est-ce de l’argent magique ?
Nous pouvons nuancer l’idée selon laquelle le QE serait de l’argent magique, sans toutefois nier ses conséquences potentiellement désastreuses…
Non, le QE n’est pas de l’argent magique !
La BCE a acheté des milliers de milliards d’euros de dettes sur les marchés financiers. L’objectif ? Faire baisser les taux d’intérêt pour soulager les états. Cet argent, créé par la BCE, a permis d’éviter à plusieurs pays de faire défaut sur leur dette, ce qui aurait été catastrophique pour eux et pour la zone euro dans son ensemble.
Rappelons aussi que, pour leur grande majorité, les rachats d’actifs par la BCE concernent les dettes publiques des Etats européens (et non de l’argent injecté directement dans l’économie). Il s’agit donc pas d’argent réellement “magique”, mais qui permet au contraire d’éviter l’apparition de nouvelles crises financières.
Mais ses conséquences sont potentiellement dramatiques…
En conséquence de l’augmentation des prix, on assiste, en Europe, à un début d’emballement. Les revendications salariales pointent leur nez et certains syndicats demandent jusqu’à 8% d’augmentations de salaires pour les mois à venir ! Ces augmentations de la masse salariale ne pourront qu’être répercutées par les entreprises sur leur offre tarifaire, créant ainsi un cercle vicieux…
La BCE, de son côté, reconnaît qu’elle ne s’attendait pas à une telle poussée inflationniste. À nos yeux, sa crédibilité et son indépendance (par rapport aux gouvernements européens) sont donc engagées ! On peut nuancer ce propos en constatant que le conflit en Ukraine n’était pas prévisible et qu’il a considérablement compliqué les choses pour Christine Lagarde, la directrice de la banque européenne…
Et force est de constater que la BCE s’adapte au contexte, avec une décision historique : la fin de 7 années de QE et la première hausse des taux directeurs depuis 10 ans… Malgré cela, les mois à venir seront très tendus pour les équipes de la BCE. Il ne s’agira pas de pénaliser la croissance, tout en faisant attention aux pays fragilisés (on peut ici citer l’Italie…).
La fin du QE ne sera d’ailleurs peut-être que temporaire. Si des pays, tels l’Italie, s’avèrent être fragilisés, des actions spécifiques de QE pourraient être déclenchées pour ces mêmes pays, relançant la mécanique bien connue.
Le constat est que nous sommes dans une situation historique, complexe, qui peut basculer rapidement vers un contexte incontrôlable d’inflation et de récession économique. Serions-nous dans cette situation si la crise de la pandémie du Covid avait été gérée autrement ? Même les médias favorables au gouvernement se posent aujourd’hui ouvertement la question !