Le “panic buying” : définition et aspects pratiques
Il fait son retour en France, avec l’achat en masse d’huiles de tournesol et de colza, menacées de pénuries à cause de la guerre en Ukraine. Mais de quoi s’agit-il ?
L’achat dans un état de panique
Le “panic buying” est un terme qui signifie, en anglais, l’achat sous l’emprise de la panique.
On achète non pour remplir un besoin immédiat, mais pour se protéger d’un besoin futur, qu’on pense ne pas pouvoir remplir à cause d’une crise à venir (une guerre par exemple).
Il s’agit donc d’un achat différencié. Certaines denrées sont perçues comme des valeurs refuge : huile, farine, pâtes, moutarde, …
Comment le “panic buying” se concrétise-t-il précisément ?
L’achat panique est associé à ce que le marketing et la publicité ont placé dans nos imaginaires collectifs, et non seulement à nos réels besoins primaires. Certains appelle cet inconscient collectif, la noosphère.
En France, par exemple, lors du Covid-19, les consommateurs se sont rués pour constituer des réserves, dont notamment du papier toilette. Le papier toilette est un produit utile pour l’hygiène au quotidien (c’est ce que le marketing nous dit à longueur de journée), mais dont on peut tout à fait se passer en cas de pénuries graves !
Par ailleurs, les produits alimentaires dont on ne veut pas en temps habituel, car ils ne sont pas bons pour la santé, trouvent un grand succès pendant les crises graves. Ils se conservent bien, sont faciles à entreposer et ne coûtent pas cher.
On raisonne comme si nous étions pris dans une situation de manque, de rupture avec notre confort habituel, et nous achetons des produits que nous n’achetons pas habituellement.
Comprenons bien que c’est ce comportement humain biaisé qui est à l’origine de la pénurie.
Pourquoi tombons-nous dans le piège du “panic buying” ?
Voyons à présent comment ces achats de panique se déclenchent et découvrons leurs conséquences.
A l’origine, il y a nos angoisses existentielles…
Selon certains spécialistes, tels que l’anthropologue Séverine Enjolras, la peur de perdre son confort est très liée au système capitaliste.
On accumule et on stocke, en prévision pour plus tard. Ces comportements sont liés au mode de vie capitaliste. Un peu comme l’épargne financière ! Notons d’ailleurs que pour certaines sociétés humaines, telles celles des chasseurs-cueilleurs, l’accumulation de richesses matérielles est mal vue, car elle n’est pas pertinente dans leur mode de vie (impossibilité de transporter ces richesses lors des déplacements fréquents).
Sur un plan psychologique, rappelons aussi que les êtres humains sont sujets à des angoisses existentielles. Ces angoisses ont été “inscrites” en nous, pendant notre évolution naturelle, et nous ont permis de survivre. L’être humain moderne les conserve dans son fonctionnement au quotidien, héritage comportemental de ses lointains ancêtres.
Certaines de ces angoisses nous poussent à la surconsommation, comme la peur d’être exclu du groupe (qui pouvait être fatale il y a 20.000 ans) : une grande partie de la mode vestimentaire actuelle, ainsi que les régimes minceur et les produits de beauté, sont axés autour de cette peur.
Mais la peur qui nous concerne avec le “panic buying”, c’est l’angoisse de mourir, et en particulier de mourir de faim, tout simplement. Il s’agit également d’une angoisse très fortement ancrée en nous, et que les dernières décennies de relative abondance matérielle n’ont pas effacée.
Certains de nos lecteurs ont certainement connu des membres de leur famille qui ont vécu de graves difficultés à s’approvisionner en aliments de base, pendant et à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, par exemple.
Mais qui déclenche ce comportement ?
Nous faisons face à un comportement de masse qui est très influencé par les médias. La fameuse « messe du 20h00 » est au final le moment où les français se retrouvent abreuvés de messages divers et variés les maintenant dans un climat craintif sur l’avenir. Se sont les journaux télévisés et écrits qui ont parlés d’une potentielle pénurie à venir sur l’huile de tournesol.
Une fois les graines semés dans les esprits, nous passons à l’action. « Au cas ou … » pour prévenir et éviter d’être pris au dépourvu.
Des conséquences potentiellement désastreuses
L’achat panique, c’est un peu comme une ruée sur les banques.
On craint que la banque ne fasse faillite, on se rue à la banque pour en retirer ses économies avant qu’il ne soit trop tard, et cela accélère (voire cause) la faillite de la banque (qui n’aurait peut-être pas fait faillite sans cet afflux de demandes de retraits).
Pour les pénuries alimentaires, c’est le même principe, celui de l’auto-réalisation de la prédiction, par nos comportements.
On pense qu’une crise externe va engendrer des pénuries alimentaires, on se rue dans les supermarchés pour acheter des produits avant que la pénurie n’arrive et la conséquence est immédiate : la pénurie se matérialise.
En réalité, résister à cette tendance naturelle à “constituer des stocks” et à réagir selon ses émotions impulsives est une forme de comportement responsable et civique.
Pour autant, il ne faut pas négliger le fait que le “panic buying” est le signe d’une véritable anxiété, et d’une santé mentale chez nos concitoyens qui se dégrade depuis quelques années. Cet enjeu de santé publique doit être pris en charge par les autorités sanitaires, comme nous l’indique le psychologue Julien Quenette.
Notons enfin, pour conclure, que l’augmentation rapide et imprévue de la demande sur les produits alimentaires comporte de nombreux autres risques :
- poussée inflationniste,
- désorganisation des chaînes d’approvisionnement,
- rupture ou baisse des approvisionnements dans les pays pauvres, qui ont réellement besoin des aliments que nous stockons dans nos armoires !
Rédactrice en école de journalisme à Aix-en-Provence