Lorsque les vents du changement économique soufflent, les comportements financiers des ménages sont parmi les premiers à réagir. L’année 2023 ne fait pas exception à cette règle. Elle a apporté un grand chamboulement dans le domaine des placements financiers en France. Une récente étude menée par les économistes du groupe BPCE révèle une tendance intrigante : bien que les Français continuent à épargner massivement, leurs investissements financiers sont en recul. Cela peut sembler paradoxal, mais c’est le résultat d’une conjonction complexe de facteurs économiques. Notons également que mettre de l’argent de côté devient de plus en plus difficile.
Un taux d’épargne robuste
Après une année de prévisions économiques pessimistes, de nombreux indicateurs liés à la situation des ménages se sont améliorés.
Selon l’enquête BPCE-Audirep de juin 2023, les ménages français montrent un regain d’optimisme concernant l’avenir, leur niveau de vie passé et leurs perspectives de pouvoir d’achat.
Cette amélioration découle en grande partie d’une anticipation d’inflation qui est passée d’une tendance à l’emballement à une stabilité relative, bien que sans signes de repli. Pourtant, l’envie d’épargner reste une tendance dominante, sauf parmi les foyers à revenus plus modestes.
Par conséquent, le taux d’épargne reste à un niveau exceptionnellement élevé, s’établissant à 18,3% au premier trimestre de 2023, proche des 18,7% observés au quatrième trimestre 2022.
On note ici une baisse sensible du taux d’épargne.
Malgré le relâchement de la pression inflationniste et des taux de chômage, les indicateurs liés à l’opportunité et à la capacité d’épargner demeurent solides. Et ce, malgré une baisse très modérée estimée vers 17,8% en 2023 et 17,6% en 2024.
Mais en dépit de ce niveau soutenu d’épargne, les flux de placements financiers sont en baisse par rapport à l’année précédente. Contrairement au Royaume-Uni, où l’épargne est intimement liée aux investissements financiers, en France, une part importante de l’épargne est allouée au financement de l’investissement immobilier, au détriment des investissements financiers.
La disponibilité du crédit pour le logement limite cet autofinancement et libère des ressources pour les flux financiers.
Les dilemmes du crédit et de l’Épargne
Le crédit joue un rôle crucial dans cette équation. Lorsque le crédit est rare et coûteux, la capacité d’investir dans des actifs financiers est réduite. Selon BPCE L’Observatoire, l’approche des flux financiers repose sur l’évaluation de l’effort net de placement sur divers actifs financiers.
Cette méthode anticipe une baisse de près de la moitié des excédents, avec 45,7 milliards d’euros en 2023, comparés aux 82,4 milliards d’euros en 2022. Une diminution qui s’explique par la stagnation, voire la contraction du pouvoir d’achat, outre la diminution de la distribution de crédits.
Cette baisse des flux financiers s’accompagne d’une multiplication des arbitrages entre les actifs financiers. En effet, face aux changements rapides des rendements et de la hiérarchie des actifs, les Français commencent à réorganiser leurs investissements.
- Environ 21 % des Français, principalement les plus jeunes et les plus aisés, ont déjà réalisé des arbitrages,
- et 20% prévoient d’en effectuer dans les six prochains mois, en se concentrant sur les dépôts à vue pour les retraits et les livrets défiscalisés pour les versements.
L’impact de la hausse des taux réglementés est un facteur déterminant pour comprendre la structure des placements en 2023.
Les hausses des taux du livret A, du LDDS et du LEP ont engendré des arbitrages violents entre actifs financiers. Une hausse du taux du livret A de 50 points de base, mesurée hors effet LEP, pourrait modifier de manière significative la répartition des investissements. Par exemple, une hausse de 50 points de base du taux du livret A pourrait stimuler les investissements de 8,4 milliards d’euros, mais au détriment de l’assurance-vie, qui perdrait 13 milliards d’euros d’investissements.
Au bout de la chaîne, les Français continuent de déplacer leurs investissements vers des actifs offrant une protection contre l’inflation. Les comptes à terme, les OPC monétaires et les titres de créances devraient devenir les destinations privilégiées de ces investissements. Toutefois, la collecte sur les Plans Épargne Logement (PEL) devrait continuer à décliner, en raison des rendements peu attrayants et des changements fiscaux.