INTERVIEW.
Si la crise sanitaire a durement frappé les économies des pays développés, les transferts de fond ont, eux, bondi, malgré la récession. Pierres angulaires de la croissance et de l’émergence de nombreux pays en développement, les portefeuilles technologiques et mobiles seraient-ils les clés de l’inclusion financière à l’échelle mondiale ? Avis d’experts.
Le volume des transferts de fonds est colossal. « En 2021, 773 milliards de dollars ont été envoyés à l’international », nous indique José Cabral, directeur général de Ria Money Transfer pour la région Europe depuis 2015. « Chaque année, plus de 280 millions de migrants dans le monde envoient l’argent qu’ils gagnent dans les pays développés à leurs proches. Les transferts d’argent vers les pays à revenu faible et intermédiaire ont dépassé 600 milliards de dollars l’année dernière, dépassant de loin l’aide fournie à ces pays par les agences de développement comme par les gouvernements », détaille l’expert financier de cette fintech proposant des services financiers innovants (transferts d’argent rapides, sécurisés et abordables). D’ailleurs, « pour de nombreux pays en développement, les transferts de fonds contribuent à plus de 10 % du PIB ».
Transfert d’argent : une demande toujours plus forte
Selon Jérémie Rosselli, directeur général chez N26 France et BeNeLux, leader européen de la banque mobile ou digitale, la demande des usagers est « toujours plus forte, pour gagner en autonomie dans la gestion de leur argent de tous les jours ».
Services financiers internationaux : « Le monde devient un village »
« Depuis notre arrivée en 2017 en France et plus globalement en Europe, nous observons que le monde est devenu un village pour beaucoup de Français. Ils veulent pouvoir profiter des mêmes services à l’international que ceux qui sont devenus une norme sur leur marché. Les transferts d’argent internationaux ne font pas exception, que ce soit pour envoyer de l’argent à votre fille partie étudier au Canada ou pour aider un proche qui a perdu ses moyens de paiement lors de son voyage cet été et a besoin de votre soutien pour rentrer à la maison », détaille-t-il.
« Car oui, ces services sont devenus des services de base et au niveau national, nous avons vu le succès du transfert d’argent peer-to-peer que ce soit avec PayPal en France ou en Allemagne ou encore avec Bizum si l’on parle du marché espagnol. De la même façon, les clients ne veulent plus payer des frais additionnels bien souvent cachés pour réaliser des transferts d’argent vers l’international car cela n’a plus de sens dans notre monde village.
C’est pourquoi depuis longtemps, N26 travaille en partenariat avec Wise pour offrir à ses plus de 7 millions de clients le service de transfert d’argent international à la fois le plus efficace mais aussi le plus simple et le plus sûr. Avec Wise, tout se passe depuis votre application mobile, vous savez avant de faire le virement le coût qu’il va représenter selon les taux de change et en quelques clics, vous pouvez tout gérer vous-même et cela dans plus d’une trentaine de devises étrangères, depuis votre canapé ou dans le métro et cela même le dimanche ou au beau milieu de la nuit », décrypte-t-il.
Services financiers internationaux : un montant moyen de 300 euros
« Le montant moyen d’un virement envoyé est d’environ 300 euros. Ce sont des gens humbles et travailleurs qui envoient de l’argent à leurs familles qui utilisent cet argent pour les besoins de base comme les soins de santé, la nourriture et l’éducation », développe José Cabral.
Chez N26, « nous voyons beaucoup d’usages différents : à la fois pour nos comptes business avec des freelances et des entrepreneurs qui développent des activités de services qui connaissent plus les frontières. Mais aussi pour les comptes des particuliers à la fois parce qu’on voit de plus en plus de familles qui sont réparties à travers différents pays et pour qui ce service de transferts est essentiel. Mais aussi avec de nouvelles formes de mobilité : développement des études à l’étranger, accélération du télétravail avec de plus en plus de salariés qui travaillent hors du pays où est basé leur entreprise sont autant de cause qui œuvrent à la démocratisation des services de transfert d’argent à l’étranger », dévoile Jérémie Rosselli.
D’ailleurs, durant la pandémie de Covid-19 qui a mis à mal l’économie des pays développés, les transferts de fonds ont été déclarés services essentiels en France.
Transfert d’argent internationaux : l’adoption technologique boostée par la crise sanitaire
Les différents confinements et restrictions de voyage durant la crise sanitaire ont permis de réduire les barrières à l’entrée en termes d’inclusion et d’accès aux services financiers.
Services financiers : des « envois de fonds vitaux »
« Pendant la pandémie, les pays ont déclaré que le transfert d’argent était un service essentiel afin que les clients puissent continuer à envoyer et à recevoir de l’argent, malgré les restrictions de confinement. Les envois de fonds sont vitaux pour les personnes qui les reçoivent et ils ont comblé un grand vide pendant le Covid-19, lorsque l’aide gouvernementale n’était pas assez rapide ou assez forte dans de nombreux pays en développement », analyse le directeur général de Ria Money Transfer.
Et d’ajouter : « Les analystes ont prédit que le flux des envois de fonds chuterait considérablement pendant la pandémie. Mais ils ont en fait résisté, augmentant de près de 1 % en 2020, malgré la récession mondiale, et rebondissant de plus de 8 % vers les pays à revenu faible et intermédiaire en 2021. Les migrants se sont en effet donnés beaucoup de mal pour continuer à subvenir aux besoins de leur famille et faire face aux crises, telles que les catastrophes naturelles ou économiques. »
Services financiers : « Un bond de 10 ans en avant »
« À l’instar de l’impact global qu’a pu avoir la crise sanitaire sur le monde de la banque, elle nous a fait faire un bond de 10 ans en avant », avance pour sa part Jérémie Rosselli, DG chez N26. Si tout avait déjà commencé avant le début de la crise sanitaire, tout s’est fortement accéléré sous l’effet de celle-ci. Quand les frontières se sont fermées, beaucoup ont pu réaliser à quel point il était pratique de pouvoir profiter d’un compte en banque où le service de transfert d’argent à l’étranger était simple, efficace et sans frais surprises et qu’il pouvait se piloter entièrement depuis son application mobile sans avoir besoin d’aller dans une agence bancaire qui de fait est resté fermée pendant de longs mois », note-t-il.
Ces solutions financières sont-elles alors un excellent moyen de stimuler davantage l’inclusion financière à l’échelle mondiale ?
Les services financiers jouent dans le développement économique
« Les gouvernements des pays à revenu faible et intermédiaire du monde entier commencent à réaliser l’importance que les services financiers jouent dans le développement économique », se réjouit José Cabral.
Des paiements numériques pour sortir de la pauvreté
« Il y a 1,7 milliard d’adultes dans le monde sans compte bancaire. Améliorer l’accès à un compte de base pour ces personnes non bancarisées est une première étape cruciale pour aider davantage de personnes à sortir de la pauvreté », assure le directeur général de Ria Money Transfer. « Les derniers chiffres mondiaux disponibles évaluent le pourcentage d’adultes disposant d’un compte bancaire à 63% de la population adulte totale. »
Heureusement, les gouvernements mondiaux prêtent de plus en plus attention à la question.
« Près de 60 pays à revenu faible ou intermédiaire ont utilisé les paiements numériques pour fournir des secours d’urgence pendant la pandémie. Un exemple est le Brésil, qui a utilisé son nouveau système de paiement en temps réel, Pix, pour distribuer l’aide de secours COVID-19, ce qui a entraîné la création de 70 millions de nouveaux comptes dans un pays qui compte environ 34 millions d’adultes non bancarisés », nous apprend-il.
« L’accès aux solutions d’argent mobile pousse également davantage de personnes dans les pays à revenu faible ou intermédiaire à ouvrir des comptes bancaires. Cela est dû en partie aux efforts des autorités de pays comme la Colombie, qui font la promotion du secteur des services financiers et améliorent la réglementation et la surveillance. Le nombre de Colombiens ayant un compte bancaire est passé à 86 % au premier semestre 2020, contre 82 % fin 2019 », énonce-t-il.
Quant au coût moyen mondial de l’envoi d’un transfert de fonds transfrontalier ; « il était de 6,01 % au deuxième trimestre de cette année, contre 6,8 % en 2019. Certains corridors sont plus lents à adopter cette tendance en raison de systèmes de paiement fragmentés, d’exigences réglementaires et de clauses de non-concurrence héritées. L’Afrique subsaharienne commence tout juste à descendre en dessous de 8 %, par exemple », précise l’expert financier.
Services financiers : des prix de plus en plus compétitifs et haut de gamme
« Chez N26, nous proposons des comptes gratuits sans condition de revenus ou d’utilisation et cela même pour des personnes qui ont pu être “interdit bancaire” à un moment de leur vie », note Jérémie Rosselli. « Nous permettons aussi à nos clients de gérer leur budget en toute autonomie et toute simplicité grâce à la technologie de notre application et surtout le tout en temps réel sans avoir besoin d’attendre deux jours pour que votre solde soit à jour de vos opérations quand vous regardez votre compte bancaire. Nous faisons bouger les lignes de l’industrie et peu à peu nous voyons nombre de concurrents – banques en ligne ou traditionnelles – reprendre certaines de nos fonctionnalités ou services. En relançant la saine concurrence, les néobanques dont N26 servent les intérêts des clients européens car plus de compétition. Cela veut dire pour le consommateur, plus d’offres et souvent des prix plus compétitifs et des services qui montent en gamme », indique-t-il.
Quels sont par ailleurs les moyens actuellement employés pour faire progresser l’inclusion financière ?
Services financiers : des portefeuilles mobiles à la place des comptes bancaires ?
Le compte bancaire traditionnel pourrait être remplacé par de nouvelles solutions.
Portefeuille mobile : toutes les transactions possibles
« En ce qui concerne ce que nous pouvons faire pour faire progresser l’inclusion financière, nous étendons notre portée aux portefeuilles mobiles », dévoile José Cabral, directeur général de Ria Money Transfer.
« Les portefeuilles mobiles sont disponibles dans la plupart des pays comptant un grand nombre de personnes non bancarisées et ils sont devenus si robustes qu’ils peuvent remplacer les comptes bancaires. Avec un portefeuille mobile, les utilisateurs peuvent :
- Recevoir des transferts d’argent
- Payer des factures
- Retirer de l’argent dans des points autorisés
Ria Money Transfer peut verser plus de portefeuilles mobiles que jamais. Dans l’ensemble, notre réseau touche plus de 3,6 milliards de comptes bancaires dans 183 pays. Cependant, de nombreuses personnes continuent de préférer les espèces, il est donc important de pouvoir offrir cette flexibilité afin qu’une personne à Lyon, par exemple, puisse envoyer de l’argent à son cousin en Égypte et que cet argent puisse être récupéré en espèces ou déposé sur un compte bancaire, ou portefeuille. Nous avons plus de 500 000 emplacements dans le monde où les gens peuvent envoyer ou recevoir de l’argent en espèces », assure-t-il. « Nous nous associons également à d’autres Fintechs pour mettre nos services à la disposition de leurs clients via leurs applications, comme Nickel en France. Les paiements sont également de plus en plus rapides en général, bien que pouvoir accélérer un paiement qui va vers un autre pays puisse toujours être un obstacle. Nous avons notre propre réseau à travers le monde, ce qui nous permet d’effectuer des paiements sur des comptes ou des portefeuilles en temps réel, pratiquement partout dans le monde, 98 % du temps », confie-t-il.
Comme nous le confie Thomas Cavé, manager Offre et Innovation au sein de Nickel, service européen proposant un compte courant pour tous, disponible en 5 minutes chez un buraliste, « proposer des transferts d’argent à l’international nous est apparu comme une évidence, lors de la crise sanitaire en 2020. C’est durant cette période délicate que nous avons mis en place notre partenariat avec Ria Money Transfer et Monisnap. Nombreux sont ceux qui ont été en effet pénalisés, car leurs agences habituelles étaient fermées. Or, la crise sanitaire a été le moment où l’entraide et les transferts de fonds entre famille et communautés étaient essentiels. Le lancement de ce service digital a rendu plus accessible le service de transfert d’argent de RIA Money Transfer via l’application Nickel, tout en minimisant son coût. »
Et d’ajouter : « En plus des virements gratuits au sein de la zone SEPA (soit la zone euro élargie) et d’un service de virement instantané entre clients Nickel, les utilisateurs qui ont ce besoin ont ainsi la possibilité de transférer de l’argent à l’international. La partie inscription étant déjà réalisée, l’accès au service de RIA est ainsi facilité et instantané, dévoile Thomas Cavé.
Services financiers : penser à l’échelle européenne et mondiale
« Ce que change N26 c’est de penser son modèle à l’échelle de l’Europe et non simplement à l’échelle de l’Allemagne ou la France ou l’Espagne, comme l’ont fait pendant des décennies les banques traditionnelles sans jamais que la transformation de l’économie mondiale ne vienne remettre en cause leur postulat. C’est fondamental de comprendre cette ambition car elle change toute la vision, du comment nous pensons la banque », juge Jérémie Rosselli.
« Comme je le dis souvent à mes équipes, N26 c’est une boite de Tech qui fait de la banque. Chez nous peu importe vos ressources ou votre capital, c’est l’offre de services que vous choisissez qui définit le prix que vous allez payer. Et une fois votre abonnement payé, il n’y a pas de frais cachés qui viennent corser l’addition donc pas de mauvaises surprises. Plus de transparence mais aussi avec nos technologies, plus d’autonomie, car ce que nous disent les consommateurs c’est leur volonté de reprendre la main sur leur argent », rapporte-t-il.
« Avec la crise sanitaire, ils ont pris conscience de combien les agences bancaires étaient devenues obsolètes et combien il était plus simple et agréable pour eux au quotidien de gérer leur argent depuis leur appli mobile. Payer avec son smartphone, envoyer de l’argent à un proche avec juste son numéro de téléphone ou en partager l’addition au restaurant en live au moment de payer avec sa seule application bancaire et sans sortir la calculette, autant de services bancaires qui sont devenus la base de ce qu’un Français attend de sa banque. Et autant d’exemples qui redonnent du sens au rôle d’une banque dans sa relation avec ses clients, c’est-à-dire être un tiers de confiance qui les rassure autant qu’il les accompagne dans la gestion de leurs finances », conclut-il.
De son côté, pour stimuler davantage l’inclusion financière, Nickel s’applique « à proposer des services de qualité et sécurisés au plus grand nombre, à coût réduit. L’accès à nos services financiers est facilité, notamment grâce à nos plus de 6 700 points de vente en France. Nous sommes d’ores et déjà le 2e réseau de distribution de comptes courants du pays, avec plus 2,7 millions clients, et notre modèle s’exporte à l’international (déjà l’Espagne, la Belgique, le Portugal et l’Allemagne à venir en 2023). Depuis le lancement de Nickel, aider à l’inclusion financière, fait partie de nos valeurs. Ajouter un service de transfert d’argent à l’international nous paraissait donc indispensable », notifie Thomas Cavé.