N26 : entre compte bloqué, secret bancaire et sanctions

Modifié le - Auteur Par Elisa et Emmanuelle -
N26 : entre compte bloqué, secret bancaire et sanctions

La banque allemande N26 est confrontée à de vives critiques concernant le blocage de compte courant. Jérémie Rosselli, directeur France et Benelux depuis cinq ans, a accepté de répondre à nos questions. 

Une expérience chez Burger King, avant N26, pour Jérémie Rosselli

Avant d’intégrer la néobanque N26, J.Rosselli travaillait chez Burger King. Il a toujours été dans les pionniers. Chez Burger King Corporation USA, il a rapidement évolué de la direction Marketing, au Développement du marché nord américain. Il sera ensuite envoyé en Europe pour organiser le lancement de la franchise de restauration dans plusieurs pays dont la France. Chez N26, son parcours sera similaire, puisqu’il sera nommé General Manager de N26 France puis également Benelux avec pour mission d’implanter la banque mobile dans l’hexagone. 

Il nous confie que, de son point de vue, le processus de protection du client est le même. En effet, que ce soit dans les fast-foods ou dans le système bancaire, le protocole particulièrement pointilleux assure le meilleur service aux clients. “Lorsque l’on comprend que la réglementation ne contraint pas mais qu’elle protège, une approche différente – je parlerais d’un lien de confiance – se met en place.”

Une communication interdite en cas de détection de fraudes

“Ce n’est pas du tout dans notre intérêt que de fermer des comptes.” Jérémie Rosselli nous explique qu’il est suffisamment compliqué d’attirer des clients, de les inviter à créer et à utiliser assidûment un nouveau service bancaire. Il l’affirme : ils ne clôturent un compte que lorsqu’ils n’ont pas d’autres choix.

Un contrôle rigoureux et encadré

Le blanchiment d’argent des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) font partie des fraudes les plus courantes chez les banques en ligne. De la même façon qu’il y a des fraudes avec les chèques au sein des établissements physiques. “Les fraudeurs s’adaptent au système pour mieux le maîtriser” analyse le Directeur Général pour N26 en France. C’est la raison pour laquelle les comptes clients sont strictement contrôlés, notamment l’identité de leur propriétaire ou leurs transactions.

Les régulateurs tels que la BCE (Banque Centrale Européenne), la BaFin (pour l’Allemagne) et l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) les contraignent à surveiller quotidiennement les activités de leurs clients. Le régulateur allemand échange tous les jours avec le service de mise en conformité. “Nous sommes tenus d’appliquer certaines règles; et tenus responsables si elles ne sont pas respectées”. Ce contrôle est encore plus strict quand on est la banque n°1 dans le monde selon Forbes. Il existe une obligation de moyens relative aux services fournis.

Un protocole européen très / trop rigide ?

La suspicion de fraude se veut très discrète et le protocole empêche les établissements financiers de communiquer les raisons de ce blocage. La communication avec la clientèle est limitée et encadrée en cas de suspicion de fraude. Il tient à rappeler que N26 est une néobanque mais que tout n’est pas automatisé. Des humains travaillent chaque jour pour contrôler le systèmeUne grande équipe est notamment présente à Berlin. Deux employés analysent et vérifient le processus, avant toute fermeture d’un compte.

Une porte de sortie à utiliser

Un nouveau traitement du dossier est effectué si l’individu concerné contacte N26 et affirme qu’il s’agit d’une erreur. Beaucoup de ressources sont engagées pour protéger les utilisateurs. “Nous notifions toujours la clôture du compte dans tous les cas, sans pouvoir la justifier” assure N26. La loi est ainsi faite.

La banque est dans son droit

Ceux qui décident d’attaquer les Fintech pour des raisons de « fermeture de compte illicite » ou « non expliquée », « perte des fonds » … ne savent pas que les établissements sont dans leur droit et n’ont même d’autres choix. Expliquer à quelqu’un que son compte est sous enquête pourrait l’inciter à changer de comportement. Et s’il est bien au coeur d’un blanchiment d’argent ou financement d’activité illégale cela compromettrait le fait de pouvoir l’arrêter.

Après la fermeture du compte et donc la séquestration des fonds, une enquête bien plus poussée est activée. Les différents établissements à l’origine du ou des mouvements d’argent suspects sont contactés. Différents échanges ont lieu avec les autorités ou les autres créanciers afin de les rembourser ou exécuter des décisions judiciaires.. A ce niveau là, N26 n’a plus la main sur le dossier. Si l’enquête révèle que rien n’est illégal, les fonds sont restitués. Sinon ils peuvent être séquestrés et transmis aux autorités compétentes.

La loi : pour assurer la sécurité de tous

N26, disposant du statut d’établissement bancaire depuis cinq ans, prend les mesures adéquates pour contrer ceux qui veulent se dérober aux règles.

Un secret bancaire lourd

Cette lutte est un événement systémique, qui n’est pas spécifique à la France. Des directives européennes s’appliquent à la néobanque. Des règles locales peuvent se superposer. “Notre autorité de tutelle est le BaFin (autorité fédérale de supervision financière).” Ces obligations ont toutes pour but de protéger l’usager. Jérémie Rosselli affirme que la loi est un lien d’assurance qui maintient les néobanques et Fintech en sécurité. Il existe un réel système de confiance clients-banques, mais également d’établissement à établissement. “Nous respectons la réglementation afin d’empêcher les escroqueries dans d’autres banques et vice-versa.” 

“Certains ne comprennent pas et n’ont pas conscience qu’ils commettent des fautes. Hélas, nous ne pouvons pas leur dire et leur expliquer” regrette Jérémie Rosselli. Les commentaires sur internet sont nombreux, les critiquent également. Cependant, le secret bancaire interdit aux établissements de leur répondre. Un rapport rédigé en 2020 par le HCJP (Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris) expliquait déjà que le secret bancaire devait être modernisé.

Une incompréhension et un mécontentement des clients

De manière générale, les usagers ont tendance à communiquer lorsqu’ils sont mécontents. Les personnes satisfaites des néobanques partagent beaucoup moins leur expérience sur Internet. “La contrainte majeure qui pèse sur nous se révèle être l’interdiction de dévoiler les motifs de contrôles effectués afin d’éviter les fraudes contournant les règles mises en place. C’est compliqué pour tout le monde, mais nécessaire.”

Un autre problème : les commentaires très critiques envers N26 ne sont pas toujours rédigés par des clients déçus. En effet, certains des détracteurs n’ont jamais eu de compte chez cet acteur majeur de la finance, comme a pu le révéler la vérification effectuée par ses équipes.

Une croissance maintenue chez N26

Malgré tout, le développement de N26 se poursuit et les clients affluent.

Des chiffres éloquents

Son positionnement reste très bon. “Il y a 5 ans, lorsque j’ai débuté, il n’y avait que très peu de clients” confie Jérémie Rosselli. Ils sont désormais plus de 7 millions dans le monde à lui faire confiance, dont 2,5 millions en France. “Nous sommes la banque qui attire le plus de nouveaux clients.

Malgré une croissance bridée

Une limite ne peut être dépassée : 50 000 par mois. »  Cette limite a été fixée en accord avec la BaFin mi 2021. Et pour N26, il est en réalité très difficile de limiter l’arrivée de nouveaux clients. Nombreux sont ses concurrents qui aimeraient accueillir tous les mois 50k à 70k nouveaux venus. 

N26 continue sa feuille de route et ajoute encore et toujours de nouveaux services à sa gamme déjà large. Une annonce devrait être faite sous peu à ce sujet.

Notre ressenti après cet échange

En raison du secret bancaire et donc du manque de transparence, les néobanques et Fintech se retrouvent en bien mauvaise posture. Elles endossent la responsabilité, et la défiance des clients ne cesse de grandir. Une communication minimum devrait être autorisée, afin de les rassurer en cas de blocages.

Ces établissements sont très contrôlés, voire trop selon certains. S’ils laissent passer la moindre erreur, les régulateurs sanctionnent avec de lourdes amendes. S’ils bloquent un compte rapidement et sans explication, le client est mécontent et risque de se plaindre sur Internet. S’ils décident de fermer le compte et de séquestrer les fonds, l’individu peut aller jusqu’à l’attaque judiciaire.

Rappelons le : ces fonds seront toujours rendus à leur propriétaire, si celui-ci n’a commis aucune entrave à la loi. Mais les établissements ne peuvent ni échanger avec l’utilisateur et ni le rassurer. Une évolution du système et de cet encadrement serait nécessaire, dans l’objectif de rendre la situation plus confortable pour les établissements et les utilisateurs.


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Par Elisa et Emmanuelle

Rédactrices banque, Fintech, argent.

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