En France, il n’est jamais bien vu de parler d’argent en société. Pourtant, notre rapport à ce dernier dit tout de nous et de notre intimité. Tabou, inquiétude, fascination… Voici ce que représente l’argent pour les Français.
« C’est vulgaire de parler d’argent ! » Alors que certains n’ont pas de mal à dévoiler combien de fois ils font l’amour par semaine, lorsqu’on leur demande combien ils gagnent, la question les offusque. L’argent serait-il alors plus tabou que le sexe ?
D’après une enquête en ligne réalisée par Harris Interactive en janvier dernier, « seuls 56 % des Français considèrent l’argent comme un sujet facile à aborder en société ». Cela en fait ainsi le second item le plus embarrassant, après la sexualité. « En effet, moins de la moitié des Français (44 %) déclarent savoir ce que gagnent leurs amis (au moins l’un d’entre eux). Sujet délicat par son caractère tabou, l’argent l’est aussi par sa capacité à créer des conflits. Vraie pomme de discorde, l’argent a déjà fait l’objet des disputes de 50 % des Français, le plus souvent au sein du couple. »
Les Français semblent donc avoir une relation à l’argent complexe. D’un côté, une grande majorité manque d’éducation financière et ne sait pas comment faire fructifier leur épargne et de l’autre, la peur de manquer de cette monnaie d’échange inquiète. Dans son livre intitulé la Sagesse de l’argent (Éd. Grasset), le philosophe Pascal Bruckner indique qu’il existe « une sorte de catholicisme fantôme » qui « continue d’imprégner le rapport des Français avec l’argent ; ils le vénèrent comme les autres peuples, mais sur le mode du déni », estime l’auteur.
Les Français et l’argent : une passion honteuse ?
D’après le philosophe, les Français voueraient une « passion honteuse » à l’argent.
Une méfiance envers l’argent et le marché
Entre culpabilité et fascination à l’égard de l’argent, le cœur des Français balance. Nombreux sont ceux qui restent méfiants envers les institutions financières et le marché. Ils souhaiteraient profiter de tous les avantages d’une économie capitaliste développée, sans compromission avec le capitalisme. Beaucoup estiment par exemple payer trop de frais liés à leurs banques, assurances et autres contrats de téléphonie ou électricité, mais ne font pas l’effort de changer leurs contrats. Ils évoquent souvent un manque de temps, mais cela cache souvent quelques peurs. La crainte de ne pas faire le bon choix, de se faire berner en raison d’un manque de transparence sur les contrats, de se laisser séduire par des clauses dont ils n’ont pas utilité ou encore des besoins fréquemment non clairement identifiés. En somme, un manque de connaissance sur les sujets qui les empêche de passer à l’action. Il existe aujourd’hui une multitude de comparateurs en ligne qui peuvent les aider dans leurs démarches. Il peut par ailleurs être utile de faire appel à un professionnel pour être guidé.
Concrètement, que représente l’argent pour les Français ?
L’argent, une ressource qui ne fait pas le bonheur, mais qui y contribue
Toujours selon l’étude d’Harris Interactive, « l’argent est d’abord perçu comme une ressource, permettant d’accéder à l’indépendance et à un certain confort de vie pour plus de 9 Français sur 10. À l’unanimité ou presque (95%), les Français jugent que si l’argent ne fait pas le bonheur, il y contribue ». 75 % des personnes interrogées concèdent « avoir envie de gagner beaucoup d’argent (même s’ils estiment qu’il s’agit d’une motivation mal vue en France). »
La valeur de l’argent dépend de son origine
L’éthique de l’argent semble importante pour les Français. 96 % s’accordent à dire que « l’argent ne pousse pas dans les arbres » et les ¾ estiment que le « temps c’est de l’argent ». En revanche, pour près de la moitié d’entre eux, l’argent a une odeur. D’ailleurs, 86 % donnent par exemple plus de valeur « à l’argent obtenu en travaillant que celui obtenu par don ou héritage » ou encore via des aides sociales. Certains estiment par ailleurs ne pas être payés à la hauteur de leur travail, alors que d’autres, diront-ils amèrement, gagnent quasiment autant en travaillant peu ou pas du tout. Ressentiment, frustration et incompréhension en découlent.
Pascal Bruckner assure de son côté que « l’argent est à tout âge l’instrument de la liberté, mais la sagesse, consiste à le désacraliser, à ne pas l’aimer ou le détester plus que de raison ».
L’argent, une ressource indispensable stressante
57 % des répondants déclarent songer très régulièrement à l’argent, mais pour 49 % d’entre eux, cette pensée est souvent synonyme de stress.
L’argent, source d’angoisse pour quasi un tiers des Français
28 % des Français déclarent être hantés par l’angoisse de l’argent, « notamment les femmes et les jeunes adultes », note Harris Interactive.
D’un autre côté, « pour plus de 9 Français sur 10, l’argent offre confort et indépendance ». 82 % l’associent à la liberté, à la réussite, au plaisir, ainsi qu’à la santé.
Cependant, pour 93 % de la population, l’argent évoque aussi « la société de consommation, avec en creux l’idée d’une consommation excessive, qui ne mène pas au bonheur voire lui fait obstacle ».
L’argent, un critère de jugement social
Les Français seraient-ils jaloux ? Si l’argent reste tabou, les Français ne peuvent pas s’empêcher de comparer leur situation financière à celle de leur entourage. L’argent serait pour certains un critère de jugement social. Pour preuve, « 38 % reconnaissent que la richesse a une importance dans la façon qu’ils ont de considérer les autres » et « 54% estiment d’abord utiliser ce critère pour se hiérarchiser eux-mêmes dans l’échelle sociale ». Selon l’étude, ils s’estiment « plutôt moins aisés que leur famille ou leurs amis (40%, contre 28% se jugeant plus aisés et 32% à un niveau égal). »