En 2024, la France pourrait connaître une nouvelle vague de défaillances d’entreprises, potentiellement plus grave que celle observée depuis la crise financière de 2008. Selon les données récentes publiées par Altares, un spécialiste de l’information économique et financière, le nombre de défaillances d’entreprises pourrait dépasser la barre symbolique des 60 000 sociétés, un seuil qui n’avait pas été atteint depuis septembre 2016. Cette situation dans la vie économique française est très inquiétante et pourrait rappeler les sombres souvenirs de la dernière crise financière mondiale.
Les défaillances d’entreprises en forte hausse
Entre février 2023 et février 2024, Altares a recensé 60 360 sociétés en défaillance. Ce chiffre dépasse largement le niveau observé avant la crise sanitaire et se rapproche dangereusement des niveaux de 2009, en pleine crise financière. Thierry Millon, directeur des études chez Altares, a présenté ces données lors d’une conférence de presse à Paris le 28 mars dernier, en soulignant que ce nombre record rappelle les moments les plus difficiles de l’économie française.
Les PME et TPE : les plus grandes victimes
Les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que les très petites entreprises (TPE) sont les plus touchées par cette vague de défaillances.
En 2023, les PME représentaient 8,2 % des entreprises en défaillance, un taux comparable à ceux observés en 2009 et 2010, mais supérieur aux niveaux des années suivantes. Les données d’Altares montrent que les petites et moyennes entreprises représentaient 8,5 % des défaillances en 2009 et 8,2 % en 2010. Depuis 2011, cet indicateur est resté en dessous des 8 % et a même atteint son plus bas niveau en 2018 et 2019 avec 6,2 % de PME en défaut.
Les retards de paiement en cause
En janvier et février 2024, 11 800 entreprises ont fait défaut, dont 92 % étaient des PME et TPE. Cette fragilité est exacerbée par des retards de paiement. Le retard de paiement est la première cause de défaillance des entreprises en France. Pour une petite société, il suffit qu’un seul client ne paie pas pour déstabiliser tout l’édifice. Actuellement, 97 % des entreprises qui exportent depuis la France ont moins de 250 salariés. Dans leurs opérations à l’export, les TPE et PME sont confrontées à deux difficultés : assurer que le partenaire avec lequel elles vont travailler est solide financièrement et garantir un paiement à l’heure.
La plateforme VERIF.com : un soutien pour les dirigeants de PME et TPE
Face à cette montée des défaillances, Altares a lancé la plateforme VERIF fin 2023. Cet outil d’aide à la décision permet aux dirigeants de PME et TPE d’accéder à des informations intéressantes sur des potentiels clients ou partenaires. Grâce à la base de données étendue d’Altares, les informations sur près de 550 millions de sociétés dans le monde sont répertoriées. Ce projet correspond à une stratégie globale visant à soutenir les petites entreprises qui composent 99 % du tissu économique français.
« Il y a un enjeu fondamental de soutien aux TPE et PME. On doit absolument démocratiser la compréhension des indicateurs économiques des entreprises pour les TPE et PME. Elles ont moins de ressources, moins de temps et peut-être moins de sollicitations car elles se battent au quotidien pour maintenir leur carnet de commandes et leur activité », a reconnu Luc Querton, président d’Altares.
Une situation internationale préoccupante
Le phénomène des défaillances d’entreprises n’est pas limité à la France.
Selon Allianz Trade, les défaillances mondiales devraient augmenter de 9 % en 2024 avant de se stabiliser en 2025. En 2023, trois pays sur quatre ont enregistré une hausse des défaillances d’entreprises, avec des augmentations significatives aux États-Unis (+40 %) et dans la zone euro (+14 %). En 2024, la France devrait voir le nombre de ses défaillances d’entreprises augmenter de 7 %, dépassant ainsi les 60 000 cas pour se stabiliser autour de 55 000 en 2025.
Les défaillances ont terminé l’année 2023 à un niveau très élevé en France, avec une accélération sur le dernier trimestre (+37 %) pour s’établir à 56 700 cas, soit au-dessus des niveaux pré-pandémiques (+10 % par rapport à 2019). Notons que pour plusieurs secteurs, cela signifie un niveau de défaillances très supérieur à celui observé en moyenne depuis 2010 : le transport/entreposage, l’information/communication, le commerce automobile, et l’hôtellerie/restauration.
Les secteurs les plus touchés
Certains secteurs sont particulièrement vulnérables. L’immobilier, la construction, le transport, l’entreposage, l’information et la communication, le commerce automobile, ainsi que l’hôtellerie et la restauration figurent parmi les plus touchés. Ces secteurs ont connu des niveaux de défaillances supérieurs à la moyenne depuis 2010, en raison notamment de la conjoncture économique défavorable et de la lenteur de la reprise post-pandémie.
Les secteurs liés à l’équipement du foyer, ainsi que l’immobilier, connaissent des augmentations particulièrement marquées. En mars 2023, la Banque de France notait que « l’augmentation la plus importante des défaillances concerne le secteur des activités immobilières (+43,7 % sur un an), qui en a comptabilisé 2 126 ». De plus, l’Île-de-France a enregistré son pire premier trimestre depuis 20 ans avec environ 4 000 défaillances, soit une augmentation de 30 %.
Les challenges à relever pour les entreprises
Selon l’analyse d’Allianz Trade, 5 défis majeurs attendent les entreprises dans les années à venir :
1. Resserrement de la rentabilité : les entreprises devront gérer une décélération de la demande mondiale avant de bénéficier de la reprise économique prévue pour 2025. Dans plusieurs pays, le niveau d’activité ne devrait pas atteindre le minimum requis pour stabiliser le nombre de faillites.
2. Incertitude géopolitique et économique : les élections dans des pays représentant 60 % du PIB mondial en 2024 ajouteront de l’incertitude, compliquant les prévisions et les plans d’affaires. La réglementation en hausse pourrait également obliger les entreprises à faire des efforts supplémentaires coûteux pour s’y conformer.
3. Conditions de financement et de liquidité tendues : les entreprises continueront de faire face à des financements coûteux et limités, mettant en péril les secteurs et les entreprises les plus exposés. Ajoutons à cela un racket fiscal de plus en plus indécent ne laissant que peu de place aux entreprises pour envisager leur développement et leur embauche.
4. Test pour les nouvelles entreprises : les entreprises créées après la pandémie seront confrontées à leur premier véritable test de capacité. En Europe, l’enregistrement de nouvelles entreprises a été +14 % plus élevé en 2021-2023 par rapport à 2016-2019.
5. Secteurs à risque : les secteurs dépendant des dépenses discrétionnaires et à forte intensité de main-d’œuvre sont particulièrement exposés. La construction et l’immobilier, qui ont déjà connu des hausses notables en Europe et en Asie en 2023, augmenteront le nombre de défaillances d’entreprises au niveau national en raison du ralentissement cyclique et de la démographie des entreprises.
Des signes encourageants
Malgré cette tendance alarmante, quelques signes encourageants émergent. Sur une période de douze mois, l’augmentation des défaillances est de 19,4 %, la plus faible depuis deux ans. Pour rappel, les défaillances avaient augmenté de 43,6 % en 2023 et de 34,6 % en 2022. De plus, les très jeunes entreprises semblent mieux résister avec une augmentation de seulement 5,9 % de leurs défaillances.
Plusieurs activités repassent dans le vert, telles que les services à la personne, la restauration, et le commerce de bouche. Ces secteurs montrent des signes de reprise et de solidité face aux défis économiques du moment.
Cependant, les perspectives pour 2024 continuent d’indiquer une recrudescence continue des défaillances d’entreprises en France. Les PME et TPE restent les plus vulnérables face à cette situation, exacerbée par des retards de paiement, des conditions de financement difficiles et une pression fiscale accrue.
Mais si les entreprises françaises doivent continuer à endurer une année 2024 difficile, elles pourraient bénéficier d’une reprise économique plus stable à l’horizon 2025, à condition de tenir bon jusque là.
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