C’est la danse des prix de l’essence depuis le début de l’année 2022. Les Français ne s’y retrouvent plus, voire sont complètement perdus !
Ils cherchent des réponses à de nombreuses interrogations : comment expliquer cette situation ? Qui est responsable ? Est-ce l’OPEP ? Les grandes compagnies pétrolières, telles que Total, qui engrangent des bénéfices colossaux, alors que les Français se serrent la ceinture ? Ou est-ce l’Etat qui prélève trop de taxes ?
Décryptage et plongée au cœur du système des prix de l’essence !
Fixation du prix et taxation des carburants en France
Voyons tout d’abord comment les prix des carburants sont déterminés en France, et comment ils sont taxés.
Comment est fixé le prix de l’essence en France ?
Selon les informations officielles du Ministère de l’Economie, le prix des carburants pour les consommateurs est composé de plusieurs éléments. Tout d’abord, il y a le prix du pétrole brut, qui évolue selon l’offre et la demande sur les marchés internationaux, auquel il faut ajouter les coûts de production et d’acheminement.
Cela explique, par exemple, que l’essence vendue en haute montagne peut coûter plus cher que dans les agglomérations proches de terminaux pétroliers.
À ces éléments de constitution de prix, il faut ensuite ajouter :
- Les coûts de fonctionnement et la marge appliquée par chaque distributeur,
- Les taxes spécifiques sur les carburants.
Chaque pays applique son propre niveau de taxation sur les carburants, ce qui peut donner des écarts de prix importants. Les consommateurs français subissent un niveau de taxes d’environ 60% du prix de l’essence et du gazole.
Quelles sont les taxes qui pèsent sur les prix des carburants ?
Voici le détail des taxes sur les carburants en France. Tout d’abord, dans le cas d’une énergie ou d’un carburant utilisé pour se chauffer, l’État applique la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).
Ensuite, la TVA à 20% est appliquée, sur le montant global incluant la TICPE.
Enfin, d’autres taxes, indirectes, s’ajoutent à ces taxes, telle que la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes).
En ordre de grandeur, il est intéressant de noter que la TICPE est la quatrième taxe française qui rapporte le plus d’argent, après la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés.
Le gouvernement a par ailleurs mis en place un site Internet permettant de connaître en temps réel les prix appliqués dans les stations-service du pays.
Qui profite des prix élevés des carburants en France ?
Afin de répondre à la question de savoir qui profite de la situation, il convient d’observer la composition du prix du pétrole plus en détail.
Le pétrole brut : une part relativement faible du prix à la pompe
En mai 2018, la part du pétrole brut dans le coût du carburant vendu à la pompe se situait entre 26 et 28%, soit une part somme toute peu importante.
À noter toutefois que, dans ce prix du pétrole brut, les pays producteurs imposent une rente minière, dont le montant varie de 30 à 90% (du prix du pétrole brut) selon les pays.
Le coût du raffinage du pétrole est anecdotique
Le pétrole brut n’est pas utilisable tel quel. Il faut le raffiner, au sein d’installations industrielles très complexes et coûteuses à construire et à entretenir.
Malgré l’intensité capitalistique de ce domaine industriel, l’impact du raffinage sur le prix de l’essence est faible : de l’ordre de quelques dizaines de $ par tonne de pétrole raffiné, soit environ 5% du prix à la pompe. Ce ne sont donc pas les raffineurs qui profitent des prix élevés.
Les distributeurs profitent, mais sans abuser
Le coût du transport et de la distribution est relativement faible dans la composition du prix des carburants, de l’ordre de 0,1€ par litre. Ce montant est susceptible de varier en fonction des conditions de concurrence sur le marché.
Sur un marché tendu, tel qu’aujourd’hui, il semble logique que les compagnies pétrolières réalisent des bénéfices plus importants : la demande reste forte, les chaînes d’approvisionnement sont perturbées, et les prix sont élevés (donc la marge plus importante).
En tout état de cause, les stations-service encaissent de l’ordre de 10 à 15 centimes par litre de carburant vendu.
Le grand profiteur, c’est l’Etat français
Comme l’illustre le schéma ci-dessous, issu du site spécialisé Connaissance des Énergies, il apparaît très clairement que la part des taxes étatiques est prépondérante dans le prix à la pompe.
On notera au passage que la France confirme son inventivité en matière de fiscalité, avec une taxe (la TVA) appliquée à une taxe (la TICPE) !
Dans la situation de crise énergétique qui secoue notre pays actuellement, le gouvernement pouvait difficilement ne pas intervenir en soutenant le pouvoir d’achat des Français sur la question des carburants.
C’est pour cela qu’a été mis en place la “Remise carburant”, qui consiste en des réductions de quelques dizaines de centimes par litre d’essence. Mais au final, comprenons bien que cette remise n’est autre que l’argent du contribuable. Donc imaginez quelqu’un qui n’a pas de voiture ou dispose d’une voiture électrique… cet argent ne lui reviendra jamais.
Les réductions sont variables selon le lieu de distribution du carburant et la période considérée. La France métropolitaine bénéficie, par exemple, d’une remise de 30 centimes par litre jusqu’au 31 octobre 2022, tandis que certains DOM-TOM (Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion et Mayotte) ne bénéficient que de 25 centimes par litre.
Élisabeth Borne, Première Ministre, a également obtenu des accords de réduction temporaire des prix de la part de TotalEnergies, d’un montant de 20 centimes par litre. Cet accord survient suite au scandale des superprofits.
Et l’OPEP dans tout cela ?
Un bouc émissaire récurrent, dans les discussions autour des prix de l’essence, c’est l’OPEP (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole). Nous avons déjà évoqué le rôle de l’OPEP récemment, et compte tenu de la part du pétrole brut dans la composition globale des prix des carburants, l’impact des producteurs de brut est bien inférieur à celui des taxes imposées par le gouvernement.
D’ailleurs, l’OPEP a même décidé d’augmenter sa production quotidienne au début du mois de juin 2022, pour pallier les tensions liées à la guerre en Ukraine.