La France traverse actuellement une crise économique d’une ampleur rarement atteinte. Les chiffres parlent d’eux-mêmes et dévoilent une réalité alarmante que beaucoup ignorent encore.
Alors que les défaillances de PME atteignent des sommets, les dépenses de l’État dépassent largement les recettes tandis que la dette publique continue de s’accumuler à un rythme effréné. Cette situation illustre clairement les risques économiques auxquels le pays est confronté et qui pourraient avoir des conséquences dramatiques pour les français.
Le déséquilibre budgétaire
Selon l’économiste Charles Gave, la France est l’un des pays les plus imposés au monde.
Pourtant, malgré des ressources fiscales s’élevant à 288 milliards d’euros, ces recettes ne suffisent pas à couvrir les dépenses, qui atteignent 459 milliards d’euros. Le déséquilibre budgétaire est saisissant : les recettes ne représentent que 60 % des dépenses, laissant un déficit de 171 milliards d’euros à financer sur les marchés financiers. Cette situation impose une pression constante sur le Trésor public, qui doit emprunter davantage pour combler cet écart.
Mais le financement de ce déficit ne s’arrête pas là. À ces 171 milliards d’euros viennent s’ajouter environ 70 milliards d’euros d’obligations arrivant à échéance en 2024, qui doivent également être refinancées. Cela porte le total à 241 milliards d’euros. En outre, avec la hausse des taux d’intérêt, le coût de la dette augmente également. Estimée à une trentaine de milliards d’euros supplémentaires, la charge totale des financements nécessaires pour l’année prochaine pour l’Etat français atteindrait ainsi plus de 270 milliards d’euros.
Une dette colossale qui cavale
Pour financer ces montants, le Trésor français devra lever environ 300 milliards d’euros sur les marchés financiers dans les 12 prochains mois. Ce chiffre représente environ 10 % du produit intérieur brut (PIB) du pays et 20 % du PIB du secteur privé. Cette proportion du PIB du secteur privé est particulièrement préoccupante, car elle reflète la part de l’économie la plus dynamique et productive, celle qui crée de la richesse et de l’emploi.
À ce niveau d’endettement, la capacité de l’État à honorer ses engagements dépend largement de sa crédibilité sur les marchés financiers. Mais à mesure que la dette publique s’accroît, cette confiance s’effrite, les taux d’intérêt augmentent, et le cercle vicieux s’installe. Plus les taux d’intérêt augmentent, plus le coût de la dette s’alourdit, réduisant encore la marge de manœuvre budgétaire.
Le secteur privé mal en point
La situation est d’autant plus critique que le secteur privé, déjà fortement taxé et réglementé, est confronté à une crise majeure. En effet, les petites et moyennes entreprises (PME), considérées comme le poumon de l’économie française, subissent une vague de défaillances qui rappelle des périodes de récession majeures. Ces entreprises, qui emploient la majorité des travailleurs et génèrent une grande partie de l’activité économique, sont particulièrement vulnérables dans le contexte actuel.
Peu de français semblent en être conscients mais la France est en train d’égaler un triste record de plus de 30 ans en termes de défaillances de PME. Celles-ci souffrent d’une conjonction de facteurs : des charges sociales élevées, des marges réduites, une demande en baisse et un accès au crédit de plus en plus restreint. De fait, le gouvernement ne peut pas compter sur la résilience de ces entreprises pour contribuer à combler le fossé entre les dépenses et les recettes. Leur affaiblissement prive l’économie d’une source essentielle de croissance et de dynamisme.
Les startups alimentées par des levées de fonds tombent les unes après les autres
Malgré une montée en puissance du secteur technologique français après 2005, les startups post Série A sont actuellement en train de faire face à des défis importants.
Les faillites se succèdent aujourd’hui :
- 129 startups matures ont mis la clé sous la porte au cours des 18 derniers mois,
- 76 d’entre elles ont déposé le bilan en 2023,
- Les 53 restantes ont fait faillite sur le seul premier semestre 2024.
D’après une étude de l’entreprise ScaleX Invest qui fournit des informations aux professionnels de l’investissement, 8,2% des startups françaises créées entre 2014 et 2019 et ayant réussi à lever plus de 5 millions d’euros ont rencontré des difficultés financières. Cette tendance est le fruit du retournement économique dû à la pandémie, à l’inflation et aux crises géopolitiques. Ces facteurs ont provoqué une baisse des valorisations et une baisse de la liquidité sur le marché.
La même analyse a fait ressortir plusieurs constatations :
- Ce sont les startups âgées de 6 à 8 ans qui sont les plus en danger.
- Ce sont celles qui souffrent de problèmes plus profonds en matière de rentabilité qui échouent peu après une levée de fonds.
- Le pic de faillites a lieu 3 ans après le dernier tour de financement.
- Il existe une corrélation entre les schémas d’échec et les profils financiers. Les entreprises les plus vulnérables sont celles qui ont de faibles revenus par employé, des marges nettes faibles et qui comptent moins de 100 employés.
Certes, les opportunités et les défis sont nombreux au sein de l’écosystème tech français. Cependant, de bonnes données et de bons outils sont indispensables aux investisseurs qui cherchent à naviguer dans cet environnement avec efficacité, qui veulent prendre des décisions éclairées et qui souhaitent garder la maîtrise de leurs investissements. Peut-être qu’il est aussi nécessaire d’encadrer les startups avec plus de rigueur.
Quels risques pour les français ?
Les citoyens français, déjà affectés par des niveaux de prélèvements obligatoires parmi les plus élevés au monde, risquent de voir leur situation se détériorer encore davantage. La hausse des taux d’intérêt n’affecte pas seulement la dette publique, mais également les ménages et les entreprises, rendant plus coûteux les emprunts pour l’achat d’un logement ou l’investissement dans de nouveaux projets. Cette augmentation des coûts de financement, couplée à une inflation persistante provoquée par une impression monétaire sans limite, pourrait éroder le pouvoir d’achat des Français, réduisant leur capacité de consommation et d’épargne.
Les services publics, qui dépendent en grande partie des recettes fiscales pour leur financement, pourraient également être menacés. Si l’État continue de s’endetter à un tel rythme, il devra tôt ou tard réduire ses dépenses ou augmenter les impôts, voire les deux. Cela pourrait se traduire par une réduction des prestations sociales, des investissements publics, ou encore par des augmentations d’impôts qui frapperaient durement les ménages et les entreprises.
La situation économique de la France est donc marquée par une instabilité croissante et une incertitude palpable. À mesure que la dette publique continue de grimper, la capacité du pays à maintenir son niveau de vie actuel est mise en question. La combinaison d’un secteur public en déficit chronique et d’un secteur privé affaibli par une vague de défaillances rend la situation d’autant plus délicate.
Crise en vue au sein de l’UE ?
Pour l’instant, le gouvernement semble privilégier une approche consistant à maintenir un niveau élevé de dépenses publiques, tout en espérant une reprise économique suffisamment forte pour compenser le déficit. Toutefois, cette stratégie repose sur des hypothèses optimistes quant à la croissance économique future et à la stabilité des marchés financiers. Si ces hypothèses ne se concrétisent pas, la France pourrait se retrouver dans une situation encore plus précaire.
Les marchés financiers, de leur côté, surveillent de près les décisions gouvernementales et les directives venant de Bruxelles qui seront prises dans les mois à venir. Une perte de confiance dans la capacité de la France à maîtriser sa dette pourrait entraîner une hausse brutale des taux d’intérêt et une fuite des capitaux, compliquant encore davantage la tâche du gouvernement.
Et n’oublions pas que l’UE garde un œil attentif sur la France, au moment où le pays est plongée dans une crise politique sans précédent, l’élaboration du prochain projet de loi de finances et son adoption par l’Assemblée nationale s’annoncent comme un exercice extrêmement délicat.
Comme l’a souligné Henri Sterdyniak, fondateur du collectif des Économistes Atterrés, « la France est dans une impasse totale ». Obéir aux injonctions de Bruxelles comporte des risques sur les plans politique, social et écologique. Toutefois, ne pas se conformer aux règles budgétaires européennes pourrait déclencher une crise au sein de l’UE, ajoutant une dimension supplémentaire à l’instabilité politique que traverse déjà le pays.
La capacité de la France à soumettre un plan budgétaire révisé à la Commission européenne d’ici le 20 septembre semble, en l’état actuel, compromise. Cependant, d’après les analyses de l’Institut Jacques Delors, ce retard n’est pas dramatique en soi. La véritable question est de savoir quelle majorité au sein du gouvernement pourra soutenir le plan d’austérité exigé par l’UE et dans quelle mesure il sera effectivement appliqué.
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