Pendant de nombreuses années, le dollar a été la monnaie standard utilisée pour le commerce mondial : le pétrole, l’or et la plupart des produits de base sont cotés en dollars. De nombreux pays détiennent leurs réserves en dollars, principalement sous la forme de titres du Trésor américain.
Dédollarisation : vers l’abandon du dollar ?
La dédollarisation est un concept qui décrit l’abandon de cet ordre mondial au profit d’un ordre où les nations vendent leurs bons du Trésor américain pour détenir des réserves dans d’autres monnaies ou en or.
Simultanément, ces pays cherchent aussi à utiliser leurs propres monnaies pour les transactions avec leurs principaux partenaires commerciaux. Ils sont à la recherche d’une alternative stable qui serve de rempart contre l’inflation.
Si le dollar américain est susceptible de jouer un rôle central pendant un certain temps encore, les tendances structurelles commencent à réduire son importance au sein même du fonctionnement de l’économie mondiale.
La dédollarisation, un concept déjà mis en œuvre. [Partie Mise à jour avec l’actualité]
Dans quels pays le dollar perd son monopole ?
- Les BRICS s’organisent et Poutine déclare le 23 août que la dédollarisation est irréversible.
- le 10 mai 2023, le Pakistan, ami des USA, déclare être enclin à acheter du pétrole russe en yuan chinois. (Bloomberg)
- Récemment, l’Inde a conclu un accord pour le paiement des importations de pétrole en roupies.
- Dans le même temps, le président russe Vladimir Poutine a indiqué qu’il était favorable à l’utilisation de la monnaie chinoise pour les échanges commerciaux,
- Dans d’autres régions du monde comme l’Afrique, l’Asie et l’Amérique latine cela commence aussi à se propager. On pense principalement au RDC (République Démocratique du Congo). Son gouvernement est, déjà depuis avril 2013 engagé depuis quelques mois dans une dédollarisation de son économie. Il souhaite redonner au Franc congolais une valeur forte. Son système monétaire n’est pas stable.
- L’année dernière, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint le chiffre record de 190 milliards de dollars. La banque centrale de Russie et celle de la Chine se sont accordées. Une grande partie de ces paiements a été effectuée en monnaies chinoise et russe.
- Comme l’a rapporté la chaîne d’information indonésienne « KOMPAS » le 20 avril, le gouverneur de la Banque d’Indonésie, Perry Vajiyo, a déclaré que le pays s’efforçait de diversifier les monnaies de règlement pour les investissements, en autorisant l’utilisation de monnaies autres que le dollar américain.
- Bloomberg rapportait déjà que fin 2020, les exportations russes libellées en dollars ont baissé de 13% par rapport à 2019.
Histoire du dollar américain
Alors comment le dollar américain a-t-il pu dominer l’ensemble du commerce mondial pendant plus de cent ans, et pourquoi parlons-nous aujourd’hui de la dédollarisation en tant que concept ?
Pour comprendre cela, nous devons apprendre ou réapprendre comment le dollar américain est intégré dans chaque transaction transfrontalière. Presque toutes les transactions – 88 % des transactions étrangères en 2019 – impliquent le dollar américain.
Plus le dollar est utilisé dans le monde, plus sa politique monétaire et son rayonnement mondial sont forts. Plus la crise du dollar sera forte (dévaluation et baisse de son usage), plus les autres pays gagneront en autonomie, indépendance et force. Ces désordres monétaires catalysés dans la guerre des monnaies sont d’autant plus fort en cette période de crise financière et géopolitique. On se souviendra de 2020, année pendant laquelle la Banque Centrale de Chine a brutalement et très significativement poussée à la dévaluation du yuan.
On ne peut parler de faits historiques sans évoquer Keynes, qui avait prédit la situation dès 1944. Avant la signature de Bretton Woods. A l’époque, il avait imaginé une monnaie supranationale sous le nom de bancor, émise par une institution comme le FMI par exemple. Comme son nom l’indique, elle est adossée à l’or pour éviter le krach financier. A l’époque, la livre sterling était le symbole de la crise suite à son démantèlement dans ses colonies.
Exemple d’un voyageur étranger
Commençons par un exemple simple. Imaginons que Many cherche à voyager de Manille à Tokyo, et que le vol qu’il prend est celui de Japan Airlines avec un prix de 20 000 Pesos philippins (PHP). Il doit transférer ces 20 000 Pesos de son compte bancaire philippin vers le compte bancaire de Japan Airlines situé à Tokyo. Or, le compte bancaire Japan Airlines n’accepte pas le pesos philippin.
L’achat du billet d’avion de Many nécessite donc deux banques intermédiaires qui permettront d’effectuer des transactions transfrontalières en USD. La banque intermédiaire numéro un est associée à la banque philippine de Many et la banque intermédiaire numéro deux est associée au compte de Japan Airlines à Tokyo. Dès que Many initie son achat pour 20 000 Pesos, la banque philippine de Many envoie un message à la première banque intermédiaire lui indiquant qu’elle peut transférer l’équivalent de 20 000 Pesos en dollars américains (USD) à la deuxième banque intermédiaire.
Si nous prenons le taux de change actuel d’un USD pour 56 PHP, la banque intermédiaire numéro un transférera 355 $ à la banque intermédiaire numéro deux et cette dernière initiera alors le transfert en Yen (JPY), qui est la monnaie japonaise, sur le compte de Japan Airlines à Tokyo. Et prenant en compte le taux de change du dollar américain en Yen, si nous supposons qu’un USD équivaut à 135 Yen, la banque intermédiaire numéro 2 envoie 47 920 Yen sur le compte bancaire de Japan Airlines.
Et c’est ainsi que s’achève toute cette transaction. Comme nous pouvons le voir ici, il y a deux autres comptes bancaires impliqués qui facilitent la transaction en dollars américains. En règle générale, ces comptes bancaires se trouvent aux États-Unis. Techniquement, chaque transaction touche donc le sol américain, et c’est là un tour de force.
Un commerce international en USD régi par la loi américaine
Comment en est-on arrivé à cette situation où l’ensemble du commerce mondial dépend à ce point des USD et de la législation américaine ?
Pour le comprendre, il faut remonter au début des années 1900. Entre 1900 et 1945, toutes les superpuissances européennes – la Grande-Bretagne, l’Italie, la France, l’Allemagne et l’URSS – étaient impliquées dans la Première et la Seconde Guerre mondiale. Il n’y a pas eu beaucoup d’avancées technologiques majeures au cours de cette période. Et pour couronner le tout, tout ce qui était construit finissait par être détruit. Ainsi, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en 1945, les économies européennes étaient dans une situation dramatique.
Les États-Unis, quant à eux, n’ont pas participé à ces batailles, du moins ils n’étaient pas directement impliqués. Certes, ils soutenaient leurs alliés, mais ils n’étaient pas situés dans une zone de guerre. Les États-Unis avaient donc l’avantage de pouvoir soutenir leur croissance pendant cette période. Et lorsque le monde entier était en quête de stabilité et de croissance après la fin de la guerre, les États-Unis étaient prêts à prêter main-forte et à diriger le pacte. En juillet 1944, 44 pays du monde entier se sont réunis et ont accepté de faire du commerce mondial en dollars américains, d’arrimer leur monnaie au dollar américain et d’arrimer le dollar américain à l’or. C’est ce que l’on a appelé les accords de Bretton Woods.
Le lien avec l’Arabie saoudite, le pétrole et le dollar américain
Qu’est-ce que cela signifie ? Cela signifie que si un pays disposait d’un excédent de dollars à un moment donné et qu’il souhaitait en disposer, il pouvait les échanger avec le gouvernement américain et obtenir de l’or en retour. Tout le monde y gagnait. Au cours de la même période, les États-Unis ont également développé des relations étroites avec l’Arabie saoudite. Les éléments constitutifs de ces relations étaient assez simples. Les États-Unis étaient prêts à offrir un soutien militaire et l’Arabie saoudite était prête à offrir aux États-Unis des lignes énergétiques établies et sûres.
Toutefois, les États-Unis disposaient d’une clause supplémentaire dans cette relation. En d’autres termes, l’Arabie saoudite devrait accepter les politiques étrangères que les États-Unis mettaient en œuvre et vendre leur pétrole en dollars afin que tous les autres pays puissent continuer à faire du commerce mondial en dollars américains. Cela a merveilleusement bien fonctionné pour le dollar américain sur le long terme. En 1971, lorsque le gouvernement américain a supprimé la garantie de l’or pour le dollar américain, les pays du monde entier pouvaient encore voir une utilité à détenir le dollar américain parce qu’ils pouvaient acheter du pétrole aux Saoudiens. Cette merveilleuse relation entre le dollar américain et le commerce mondial s’est donc poursuivie pendant des décennies.
Pourquoi le dollar américain a mauvaise presse en ce moment ?
Alors, pourquoi parlons-nous soudainement de dédollarisation, pourquoi le monde voudrait-il s’éloigner du dollar américain ?
Comparaison du dollar avec Amazon
Pour le comprendre, prenons encore une fois un exemple simple. Comparons le dollar américain à Amazon.com. La comparaison peut sembler bizarre, mais attendez de lire la suite de l’article. Amazon est une place de marché qui met en relation les acheteurs et les vendeurs. C’est une plateforme d’échange. De la même manière, le dollar américain est aussi une plateforme qui permet à différentes parties de se rencontrer et de mener des activités commerciales à l’échelle mondiale. Il est important de comprendre cela, car ces deux entreprises disposent du même levier, à savoir les données.
Alors qu’Amazon collecte et analyse d’énormes quantités de données sur ses clients afin d’étendre sa part de marché, le gouvernement américain collecte un grand nombre de transactions et d’informations sur le commerce mondial en dollars pour mieux le contrôler. Et comment le gouvernement américain les utilise-t-il ? En général, il les utilise pour surveiller les transactions qui se déroulent dans le monde entier. Et, après le 11 septembre 2001, les États-Unis ont encore renforcé cette surveillance sous prétexte de réduire les activités de blanchiment d’argent et de terrorisme. En menant ces activités de surveillance, les Etats Unis se sont donc imposés comme un intermédiaire central indispensable dans la majorité des échanges commerciaux autour de la planète.
Une remise en question de l’hégémonie du dollar américain
Cependant, tous les pays ne sont pas d’accord avec la surveillance de leurs propres activités. Mais grâce à leur influence et à leur puissance économique et militaire, les États-Unis étaient en mesure d’imposer des sanctions aux pays qui ne s’alignaient pas ou n’étaient pas d’accord avec eux sur différentes politiques étrangères. Par conséquent, et depuis des années déjà, de nombreux pays ont cherché à mettre en place d’autres systèmes pour pouvoir commercer avec les pays sous sanctions américaines afin de se passer du dollar.
Le coût de la dédollarisation
Mais la dédollarisation a un coût, les pays cherchant à passer outre le dollar américain ont risqué de voir leur économie coupée des échanges internationaux ou d’être envahis par les forces armées américaines et celles de leurs alliés.
Néanmoins, depuis la guerre en Ukraine, l’épouvantail des sanctions et actions américaines semblent impressionner de moins en moins. Vladimir Poutine a récemment exprimé son soutien à l’emploi de la devise chinoise dans les transactions commerciales, la Chine et le Brésil se sont mis d’accord pour abandonner le dollar américain dans leurs échanges commerciaux. En même temps, le gouvernement indien vient de dévoiler sa nouvelle politique de commerce extérieur qui prévoit, entre autres, d’aider à renoncer au dollar et de faire de la roupie une monnaie mondiale. En outre, le ministre des finances de l’Arabie saoudite a indiqué dernièrement que le royaume est disposé à discuter du commerce en utilisant des devises autres que le dollar américain.
Que se passe-t-il lorsque les fournisseurs et les acheteurs quittent une plateforme, ici le USD ?
A la lumière de ces évènements récents, nous pouvons penser que le pouvoir du dollar semble diminuer. Mais cela va-t-il se produire demain pour autant ? Si vous regardez Amazon, l’entreprise a développé une telle emprise sur les clients et les vendeurs du monde entier qu’il faudra beaucoup d’années et d’efforts de la part de différentes entreprises pour remplacer cette plateforme. Et il en va de même pour le dollar américain.
Cependant, si nous regardons l’histoire, chaque empire ou entreprise a un cycle de vie. Ils survivent pendant 50 ans, 100 ans, mais finissent par s’effondrer. De même, les monnaies de réserve du monde ont également un cycle de vie, tout comme le dollar en a une. Comme Ray Dalio l’a mentionné dans l’un de ses livres, le dollar, ou généralement toute monnaie de réserve étrangère, a une durée de vie de 94 à 100 ans. Et nous approchons actuellement de cette fin de durée de vie pour le dollar américain. Tout au long de l’article, on utilise le mot dollar seul. Il ne s’agit ni du dollar canadien, ni du dollar australien
Au cours des années 2000, le sénateur américain Ron Paul avait prévenu que si les marchés pétroliers substituaient les euros aux dollars, cela limiterait alors la capacité des États-Unis à émettre sans restriction la devise de réserve mondiale. Et cela pourrait arriver dans un futur proche, pas avec l’Euro, mais potentiellement avec une nouvelle monnaie internationale. En effet, le président russe a récemment mentionné que l’élaboration d‘une devise de réserve mondiale, adossée à l’or et composée d’un ensemble de monnaies des pays BRICS, est en cours d’examen. Alors peut-être serons nous témoins de ce grand changement de cycle, la dédollarisation de l’économie mondiale et l’avènement d’un nouveau monde multipolaire.
La mise au point de Leslie Maasdorp
Alors que les membres des BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud – poussent à faire plus d’échanges entre eux en devises locales, ils ne sont pas prêts à défier la domination mondiale du dollar, a déclaré mercredi 5 juillet dans une interview sur Bloomberg TV Leslie Maasdorp, le vice-président et directeur financier de la New Development Bank, également connu sous le nom de BRICS Bank.
Alors que de nombreuses personnes s’attendent à ce que le lancement d’une monnaie commune BRICS soit annoncé lors du sommet d’août, M. Leslie Maasdorp a déclaré que la création d’une monnaie commune qui concurrencerait le dollar américain est une ambition à moyen et long terme. « Personne ne suggère en ce moment que les BRICS formeront une monnaie alternative », a-t-il déclaré.
Quelles sont les monnaies les plus fortes aujourd’hui ?
Que se soit dans le cadre d’un séjour à l’étranger, d’achats internationaux (exportation) ou pour sa culture dans le cadre de cet article, il est intéressant de savoir quelles sont les monnaies qui s’apprécient le plus dans le monde. Regardons quelles sont les monnaies fortes, celles-ci ont généralement un pouvoir d’achat plus élevé que les autres. Elles sont caractérisées par leur stabilité économique, politique, des taux d’intérêt élevés, un excédent commercial (ou balance commerciale excédentaire) et des réserves de change.
On retrouve par exemple :
- Le Dinar koweïtien (KWD) du Koweït.
- Le Dinar bahreïn
- Le Rial omanais du Sultanat d’Oman.
- Le Dinar Jordanien,
- La Livre sterling,
- La Livre de Gibraltar,
- Le Dollar des îles Caïmans,
- L’euro (qui a probablement chuté depuis le classement ?)
- Le Franc suisse,
- Le Dollar américain.