« Je ne crois pas en l’open banking ». Cette phrase, prononcée par Nicolas Théry, président de la Fédération bancaire française (FBF), a mis le feu aux poudres dans l’univers des Fintechs. Et pour cause, l’open banking, c’est-à-dire l’accès aux données bancaires par des établissements tiers, est la raison d’exister des start-ups technologiques dans le secteur de la finance, autrement dit les Fintech. Explications.
Quels sont les propos tenus par la FBF ?
Le président de la fédération des banques françaises a exprimé son scepticisme vis-à-vis de l’open banking. Sa principale raison : la dissémination des données bancaires des clients, qui met en danger leur sécurisation.
Open banking : qu’est-ce qui cloche ?
Depuis 2018, la deuxième directive européenne sur les services de paiement (DSP2) oblige les banques à partager leurs données avec des acteurs tiers. Ce qu’on appelle open banking correspond donc au mécanisme d’ouverture des systèmes d’information via les API (interfaces de connexion).
Plusieurs acteurs en ont profité pour développer leurs services bancaires et financiers. On peut par exemple mentionner les agrégateurs de comptes bancaires, tels que : Aumax pour moi, Curve, Bankin’ … , qui permettent, à partir d’une seule interface, de visualiser tous les comptes connectés, peu importe les banques dans lesquelles ils sont logés.
Les données clients au cœur du débat
L’open banking favorise aussi la concurrence, dans un marché bancaire rarement bousculé. Et c’est peut-être ce qui agace les banques, qui s’interrogent par la voix de leur nouveau président, Nicolas Théry. Le dirigeant du Crédit Mutuel y perçoit une réglementation qui « peut parfois être absurde ». Il remet en cause la protection des données bancaires des clients, qui se retrouvent dispatchées entre une multitude d’acteurs.
Dans un article paru dans Les Échos, il dénonce « la vaporisation des données des clients » et invoque l’aspect non négociable de « l’exigence de confidentialité et l’intimité numérique ». Pour lui, « les données bancaires devraient être inaliénables ». Et, Nicolas Théry de prolonger sa vision en arguant que « les gigantesques valorisations des Fintech correspondent à l’anticipation par les marchés d’une marchandisation des individus et de leurs données personnelles. Or, il ne s’agit pas d’un choix de marché, mais de société ».
Quelle réponse des Fintechs à cette attaque ?
Cette position a de quoi surprendre, quand on connaît les passerelles jetées entre les banques et les Fintechs. Citons simplement les rachats de Shine (compte bancaire pour pro) par La Société Générale, ou de Pumpkin (ancienne appli de paiement entre amis) par le Crédit Mutuel Arkéa. D’où l’incompréhension de l’association France Fintech.
Le client toujours propriétaire de ses données bancaires
La réplique de l’association des Fintechs françaises n’a pas tardé. Son président et fondateur, Alain Clot, estime que ces propos sont « à contre-courant des prises de position de nombreux dirigeants du monde bancaire, favorables à l’open banking ». France Fintech ne comprend pas la remise en question de la DSP2, contre laquelle les banques, rappelons-le, ont tout fait pour retarder l’application.
Pour Alain Clot, la directive vient en complément du Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) « pour faire du citoyen le centre d’un dispositif à la fois protecteur et générateur d’opportunités ». C’est bien le client qui autorise l’accès à ses données, tandis que leur sécurisation se fait grâce à des dispositions techniques.
Contrôle des régulateurs : banques et Fintechs même combat
Les Fintechs subissent un contrôle identique à celui des banques, de la part des régulateurs et des superviseurs. Elles ne bénéficient pas de régime de bac à sable comme au Royaume-Uni. Résultat, leur relative souplesse est contrecarrée par des contraintes réglementaires majeures, mieux absorbées par les géants bancaires.
Toutefois, France Fintech reconnaît que ces contraintes sont justement protectrices pour les clients. Mais les quelque 500 coopérations, entre les deux classes d’acteurs, prouvent bien la fiabilité des services mis en place par les jeunes pousses de la finance technologique.
Plutôt que de rester dans une opposition stérile, Alain Clot dévie l’attaque vers les Big Tech, dont l’ombre plane, toujours plus intense, sur le secteur financier (paiement, transfert à l’international, épargne, crédit, etc.). Le président de France Fintech insiste sur le fait qu’une coopération est « essentielle pour contrer l’offensive montante » des GAFAM américains et des BATX chinois, des géants qui, eux, exploitent les données à pleine puissance pour scanner les consommateurs.
Plutôt que ce bras de fer imagé, espérons que cette querelle ouverte renforcera les liens entre les acteurs.