Histoire et définition(s) de la décroissance
Rappelons tout d’abord l’origine de ce concept de la décroissance, ainsi que sa définition.
Le déclencheur : le rapport Meadows
Le rapport Meadows, portant sur les limites de la croissance économique et publié en 1972, signe les prémices du mouvement idéologique de la décroissance. Il s’agit d’une simulation des avenirs possibles, réalisée avec un ordinateur et un algorithme du MIT (grande structure de recherche aux États-Unis).
La conclusion des travaux : le monde irait droit vers une catastrophe, à cause de l’atteinte des limites planétaires, si la croissance économique se poursuivait sans discontinuer. Ce rapport a été commandité par le Club de Rome, un think tank d’entrepreneurs et d’intellectuels. L’ironie de l’histoire : leur objectif n’était pas de déclencher un mouvement de contestation anticapitaliste !
La définition de la décroissance
Dans son acception la plus simple, la décroissance, c’est la baisse graduelle du PIB, de manière coordonnée ou du moins anticipée. Il s’agit donc de choisir la frugalité et la sobriété, pour préserver les conditions de vie sur Terre, plutôt que de les subir de manière forcée plus tard.
Mais nous verrons que l’exercice intellectuel n’est pas aussi simple, avec une série d’arguments plaidant contre la décroissance. Certains considèrent au contraire que c’est un retour vers l’âge de pierre !
De la décroissance à l’effondrement de notre société
Certains membres de ce courant de pensée en faveur de la décroissance, expliquent que nous n’avons qu’un seul avenir possible. Celui de l’effondrement de notre civilisation. C’est une tendance qui vient des USA, comme très souvent. Avec les arguments de la collapsologie ou théorie du collapse, NDLR de la théorie de l’effondrement.
Les arguments contre la décroissance
De nombreux arguments sont avancés contre la décroissance, parcourons-les !
Un risque de totalitarisme et de privation des libertés
Tout d’abord, la décroissance passerait nécessairement par des contraintes imposées à la population, sous forme d’une TVA différenciée sur les produits les plus polluants, ou d’impôts sur les revenus les plus importants, etc.
Elle imposerait aussi probablement des limitations à nos libertés, telles que nous sommes nombreux à les considérer aujourd’hui :
- Réduction de la vitesse autorisée sur autoroute,
- Quotas de déplacements en avion,
- Interdiction de vols intérieurs,
- Limitation de la consommation de viande rouge,
- Etc.
Le fameux crédit social à la chinoise. Où les actions en faveur de cette tendance sont récompensées et les autres sanctionnées. Nous pensons par exemple :
- au Pass Sanitaire qui a scindé les citoyens en deux catégories.
- au bonus et malus pour les autos qui incite fortement à l’achat d’une voiture électrique, sans même se soucier de notre capacité à produire assez d’électricité …
- au potentiel Pass énergétique qui est en train de poindre son nez avec les demande de restriction de consommation de gaz et électricité…
Pas de programme de mise en œuvre !
Les opposants à la décroissance pointent aussi du doigt le fait que ce concept ne se concrétise pas par un plan d’actions précis. Il n’y a pas de cadre commun qui fasse consensus.
Les décroissants, selon leurs opposants, se contentent de constater que la croissance économique cause des problèmes, et proposent d’y mettre fin, mais sans dire ce qu’on doit faire par la suite !
La décroissance oublie les activités positives
Il y a aussi de nombreuses activités qui ont pour résultat d’augmenter le PIB et sont favorables aux enjeux climatiques :
- Isoler les logements,
- Produire local (donc construire de nouvelles usines),
- Mettre en place ou améliorer le système de tri des déchets et du recyclage,
- Refondre de fond en comble notre système énergétique, en développant les énergies renouvelables,
- Améliorer l’efficience de nos industries et infrastructures,
- Etc.
Une forme de refus du progrès
La décroissance, c’est aussi – pour ses détracteurs – un refus du progrès technologique. Si on prend deux exemples qui font également débat actuellement, la 5G et les métavers, on se rend compte que ces technologies ont aussi des effets positifs : ils éviteront de nombreux déplacements devenus inutiles. Mais ces deux notions dont les enjeux sont fortement liés à des lobbys industriels, sont-ils de bons exemples ? Pas certain.
La décroissance, pour ceux qui ne la valident pas, est aussi un refus de reconnaître la valeur du travail bien fait. Car oui il est possible de poursuivre une croissance intelligente. Le propre de l’Humain est de constamment s’adapter à l’univers qui l’entoure. Cela lui demande une capacité de remise en question. La faculté de reconsidérer les choses autrement au fil du temps. De faire table rase. Le propre de la nature sur Terre pour les végétaux par exemple est de naître d’une graine, grandir puis se faner pour alimenter le sol et donner autre chose. Une évolution constante. L’Homme apprend tous les jours et même quand il croit devoir décliner, il doit en fait s’adapter à une nouvelle réalité.
Les arguments pour la décroissance
Voyons à présent les arguments principaux en faveur de la décroissance !
La croissance du PIB n’entraîne pas d’effets sociaux bénéfiques
Les décroissants, tels qu’on dénomme aujourd’hui les partisans de ce mouvement de pensée, dénoncent le fait que la croissance du PIB n’est pas un objectif en soi. L’économie et la politique devraient, selon eux, avoir pour objectif final d’améliorer les conditions de vie des citoyens.
Or, selon eux, la croissance du PIB n’entraîne plus d’effets sociaux bénéfiques, depuis plusieurs décennies. Elle n’est plus la cause, par exemple, de biens sociaux tels que :
- Le plein emploi,
- La réduction des inégalités,
- La réussite scolaire et la mobilité sociale,
- La satisfaction et le bien-être de la population,
- Le niveau de santé,
- Etc.
Tout ce qu’un citoyen peut attendre de positif n’est plus corrélé avec une croissance du PIB.
La décroissance, ou la seule option pour maintenir la planète vivable
Selon les penseurs de la décroissance, il s’agirait en réalité de la seule solution possible pour que les générations futures puissent vivre sur Terre. Un certain catastrophisme teinte donc la décroissance, ce pour quoi elle subit d’ailleurs souvent des attaques de ses contradicteurs.
Toutefois, à l’heure où les records de températures s’abattent sur notre pays, et où on peut facilement observer les conséquences prématurées du dérèglement climatique (sécheresse, feux de forêts monstres, etc.), peut-être que le catastrophisme a du bon !
La décroissance, un concept souvent mal compris, voire caricaturé !
Les décroissants s’empressent aussi de préciser qu’ils ne s’opposent pas frontalement à la croissance, mais simplement à l’obsession de nos dirigeants politiques et du monde des affaires pour celle-ci. Le concept leur semble aujourd’hui complètement caricaturé, dans l’objectif probable d’éviter de poser les questions de fond sur le modèle productiviste actuel.
Ils s’opposent aussi à l’idée que la décroissance causerait un maintien de millions de personnes dans la pauvreté. Le modèle actuel, basé sur la croissance à tout prix, cause en effet déjà une pauvreté croissante et une explosion des inégalités.
Enfin, des facteurs très importants, rarement soulevés dans le débat, sont ceux de la résilience et de l’autonomie. La croissance est basée sur un modèle économique mondialisé, et de ce fait, nous sommes dépendants de très nombreux produits importés (au premier rang desquels le pétrole et l’uranium, qui forment la base de notre système énergétique). La crise ukrainienne nous rappelle de manière criante qu’au-delà de l’optimisation financière, la résilience est aussi un objectif valable à poursuivre !
Pour aller plus loin, nous invitons nos lecteurs à lire le livre « Sortir de la croissance », de l’économiste Eloi Laurent.
Attention aussi car souvent les arguments de la décroissance sont portés par des industriels qui y voient une opportunité de remettre à zéro les compteurs et redistribuer les cartes. Non pas en la faveur des citoyens mais en leur propre intérêt avec par exemple : les voitures électriques (qu’elle qu’en soit la pollution causée par le recyclage des batteries), la viande végétale (projet hautement mené par Bill Gates, …
Se faire sa propre opinion n’est pas évident …
Mathieu est un rédacteur professionnel qui a exercé chez des acteurs de la banque en ligne et qui connaît bien ce secteur. C'est un slasheur qui cumule de nombreuses activités et passions.