Les banques centrales essaient-elles réellement de lutter contre l’inflation ? Ou est-il déjà admis dans les coulisses que celle-ci est là pour durer ?
Pas de hausses importantes des taux d’intérêt en vue
La Fed (Federal Reserve, c’est-à-dire la banque centrale américaine) et la BCE (Banque Centrale Européenne) ont annoncé une augmentation progressive et graduelle des taux directeurs dans les prochains mois. Que faut-il en penser ?
Augmentation des taux d’intérêt = risque de récession
Rappelons tout d’abord qu’augmenter les taux d’intérêt conduit mécaniquement à un moindre niveau d’investissement de la part des entreprises et de consommation de la part des ménages.
Or, si l’investissement baisse, la production aussi. Et si la production baisse, le PIB (et par suite le revenu des ménages) également.
Les banques centrales jouent donc un rôle de “stabilisateur” et – disons-le clairement – d’équilibriste dans le “soft landing” de l’économie européenne, aujourd’hui secouée par les crises et l’inflation.
Le pari des banques centrales : le “soft landing”
La BCE semble parier sur un “soft landing”, c’est-à-dire une baisse progressive de l’inflation, sans pour autant déclencher une récession économique.
Ce pari est-il crédible ?
Tout dépend du niveau auquel il faudra porter les taux directeurs pour juguler l’inflation. Ce niveau dépendra de différents facteurs, que nous allons aborder à présent.
Les facteurs puissants limitant la marge de manœuvre des banques centrales
Réduire l’inflation sans causer de crise économique, ce ne sera pas aussi simple ! Voyons pourquoi.
La rareté des matières premières et ressources va s’amplifier
Pour produire nos biens de consommation, il faut des matières premières. Or celles-ci sont en tendance haussière depuis 2020 et cela n’est pas près de s’arrêter.
Voici les principaux facteurs qui pèsent sur le prix des matières premières actuellement :
- crise en Ukraine et embargo sur la Russie,
- problèmes dans les chaînes d’approvisionnement,
- transition énergétique, nécessitant de lourds investissements et une utilisation croissante de matières premières,
- apparition de comportements de rentes de la part des producteurs,
- et forte demande à l’échelle mondiale causée par une sur-population.
La reprise de l’activité économique en Chine va faire des dégâts !
Après une nouvelle vague de confinements et de limitations de l’activité, due à la résurgence du Covid-19, la Chine devrait reprendre sa croissance de plus belle au deuxième trimestre 2022.
Il se trouve que la Chine reste toujours l’usine du monde, avec une consommation forte de matières premières pour la réalisation de sa production. En conséquence, la reprise en Chine va accentuer les risques d’inflation.
L’effet d’entraînement de l’inflation déjà acquise
Le risque bien connu de l’inflation, c’est qu’elle est en capacité de s’auto-alimenter.
Les salaires et rémunérations augmentent déjà fortement aux Etats-Unis, et les augmentations de salaires demandées en Europe à l’été 2022 vont être plus élevées que les années précédentes.
Par effet domino, les entreprises vont donc être contraintes d’augmenter les prix de leurs produits et services, et un effet d’entraînement, voire d’emballement, est alors à craindre.
Pour conclure : les banques centrales savent probablement que l’inflation est là pour longtemps
Entre précipiter les économies dans une récession de laquelle il pourrait être difficile de sortir, et accepter une inflation structurelle pendant quelques années, il est fort à parier que la BCE et la Fed ont déjà fait leur choix sur la seconde option…
Il n’est en effet pas facile d’avouer son incapacité à résoudre les problèmes, d’une part, ni d’avoir le courage de dire aux marchés que la seule solution possible est d’accepter une réduction de la valeur des capitaux (via l’inflation) car cela touche directement au portefeuille des millions d’épargnants…
Notons pour finir que l’inflation n’a pas que de mauvais aspects, sous réserve qu’elle soit maîtrisée. D’une part, elle pousse les acteurs économiques à consommer et à investir. Si ces investissements vont dans le sens d’une transition énergétique et sociétale désirable, cela peut être une bonne nouvelle !
Par ailleurs, comme le démontrent de nombreuses études, le niveau des inégalités atteint des sommets, particulièrement dans les pays anglo-saxons, avec des conséquences sociales importantes.
L’inflation joue, dans ce contexte, un rôle de réduction des inégalités (des patrimoines) : elle est évidemment défavorable pour les détenteurs de capitaux, mais est favorable pour l’indice de Gini (qui mesure le niveau des inégalités dans une société).