La banque en ligne ING lance une révision stratégique sur ses activités de banque de détail dans l’hexagone. Généralement, cette procédure débouche sur trois scénarios : restructuration, cession ou redressement judiciaire. L’annonce traduit surtout les difficultés rencontrées par le modèle économique dans un environnement économique délicat. Retour sur les déboires d’ING France.
ING sur une pente glissante depuis plusieurs années
Pour comprendre la situation actuelle de la banque en ligne, filiale du groupe de bancassurance néerlandais, il faut remonter un peu dans le temps.
Une banque en ligne dinosaure
L’arrivée d’ING en France remonte à 2000, peu avant la récession économique et le crash de nombre de sociétés de l’eldorado internet. La stratégie de la banque directe est de séduire les épargnants avec son Livret Orange au taux d’intérêt boosté. Les technophiles sont également attirés vers cette nouvelle façon de concevoir la relation bancaire.
Le succès du Livret Orange ING permet à l’établissement de grappiller des parts de marché. Toutefois, la concurrence des livrets d’épargne réglementés (le Livret A en tête) finit par éreinter l’élan de la banque en ligne. Celle-ci enrichit alors son offre avec la commercialisation, en 2009, d’un compte courant, au moment où le marché se structure (BforBank est lancée la même année).
Une concurrence agressive
Malgré l’effort de créer une communauté de clients soudés autour de la co-construction de son offre, ING France plafonne. En 2016, le millionième client adhère, un chiffre qui n’évoluera plus. L’année suivante est marquée par un plan de départ volontaire et la fermeture des deux boutiques physiques « ING Web Cafés ». La faute à une concurrence plus agressive et à un contexte de plus en plus délicat.
La politique des taux d’intérêt bas, la hausse de la réglementation, l’arrivée des néobanques et des comptes sans banque font mal aux banques en ligne. En 2017, Boursorama Banque commercialise son offre gratuite Welcome ouverte à tous sans condition de revenus. Puis en 2019, arrive Ultim de Boursorama toujours, cette formule est sans frais à l’étranger sur les retraits et paiement. Et tout le monde s’aligne : Fortuneo Fosfo, Hello One et…ING Essentielle.
Cette formule gratuite de la banque néerlandaise comprend :
- un compte,
- un espace en ligne de gestion
- et une carte standard MasterCard sans conditions de versement.
Le catalogue est complété par ING Intégrale qui promeut une carte Gold MasterCard gratuite avec condition de versement (1200 euros par mois). Le particulier peut aussi choisir de payer 10 euros par mois pour lever les conditions de versement.
A la recherche d’une rentabilité économique
L’objectif de la banque en ligne était d’arriver au seuil de rentabilité économique en 2020. Etant donné l’environnement économique, ING semble vouloir jeter l’éponge.
La Covid-19 met son grain de sel
Grâce à l’élargissement de son offre (prêt conso, crédit immobilier, assurance vie, placements boursiers), certains chiffres laissaient entrevoir le bout du tunnel après 20 ans de déficit assumé :
- +40% des encours de prêt immobilier en 2020,
- +10% de clients optant pour ING comme banque principale en 2019, partenariat engagé avec AXA sur les produits d’assurances dommages, etc.
Hélas, la pandémie a douché les espoirs de l’établissement. Les taux d’intérêt ont réduit les marges sur les produits d’épargne et l’assurance vie. La course à l’acquisition client a provoqué toujours plus de dépenses en matière de communication publicitaire ou de promotion (offre de bienvenue, parrainage). Le tout gratuit gèle les potentielles rentrées d’argent. Enfin, la réglementation (entre la DSP2 et le RGPD) toujours plus envahissante et appliquée uniformément à toutes les banques sans distinction pèse sur l’agilité des banques en ligne.
Une sanction financière comme signal déclencheur
Réglementation justement : ING a été sanctionné par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR). La banque en ligne doit s’acquitter d’une amende de trois millions d’euros pour manquements dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Tombée en février dernier, cette annonce a précipité la programmation d’une révision stratégique.
Les clients n’ont pas à s’inquiéter pour l’heure de le tenue de leur compte ou de l’utilisation de leur carte bancaire au moins jusqu’au 31 décembre 2021. D’ici là, la question de la cession d’activité est envisagée avec, en corolaire, l’avenir de 460 collaborateurs sur les 700 que compte la société. Pour rappel, la branche investissement et entreprises n’est pas concernée par la révision stratégique.
Un article de l’AGEFI bien moins mitigé que nous
L’AGence Economique et FInancière, groupe de média historique lancé en 1911 est bien plus tranchant que nous.
ING serait prêt à céder son activité retail en France
Sur la même lancée que HSBC, le groupe néerlandais serait prêt à quitter la France. Un porte-parole leur a confié que le contexte actuel était très délicat avec de nombreux facteurs aggravants, le groupe fait face à « … des difficultés liées au contexte économique actuel et notamment la faiblesse des taux d’intérêt, des résultats financiers négatifs enregistrés par la banque en ligne ces dernières années et de sa part de marché relativement limitée ».
Les potentiels acquéreurs sont nombreux
Alors que rien n’est décidé sur l’avenir de la banque en ligne n°2 en France, l’AGFI y voit de nombreux potentiels prétendants :
- Les fonds d’investissement tels que : Anacap, Blackfin ou encore Cerberus qui est en en train de racheter HSBC,
- Les licornes internationales comme N26 ou Revolut,
- Des banques étrangères souhaitant toucher le marché français, comme Santander par exemple.
Le cas ING expose bien les problèmes de survie qui guettent les acteurs de la banque de détail en France (en premier lieu, les néobanques et banques en ligne). Les débouchés sont limités par la présence de mastodontes qui parviennent à encaisser les coups…en tout cas plus longtemps.