La question de la gestion et de l’orientation de l’épargne citoyenne européenne engendre d’importants débats, notamment depuis les récentes déclarations du gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, lors du Forum économique de Davos.
Celui-ci a attiré l’attention sur l’abondance de l’épargne privée en Europe, évaluée à plusieurs centaines de milliards d’euros, et sur la nécessité, selon lui, de la mobiliser pour répondre à certains grands enjeux tels que la transition écologique et le développement du numérique. Toutefois, la volonté affichée de retenir ces capitaux sur le Vieux Continent alimente des réflexions quant aux moyens concrets qui pourraient être employés et aux conséquences de la mise en place d’une telle politique.
Canaliser et orienter l’épargne en Europe
Depuis plusieurs années, l’Union européenne cherche à mieux canaliser ou orienter l’épargne vers des projets porteurs de transformation et correspondant à une certaine idéologie. Le principe d’une union des marchés de capitaux, soutenue par les gouverneurs de plusieurs banques centrales, consiste à rendre plus fluide le financement d’initiatives européennes. Avec ce projet, certains voient la promesse d’un véritable marché unique du capital, qui encouragerait les investissements dans les secteurs comme l’écologie ou l’innovation technologique. Les déclarations de François Villeroy de Galhau insistent sur le fait qu’une partie considérable de l’épargne européenne s’envole chaque année vers les États-Unis, ce qui laisse à penser qu’un potentiel important n’est pas exploité localement.
Après avoir indirectement ponctionné l’épargne des citoyens à travers l’inflation et l’absence de rémunération sur les obligations d’État, les élites européennes semblent désormais vouloir s’attaquer à l’épargne privée, comme cela a été le cas à Chypre.
Les propos du gouverneur de la Banque de France
Lors du Forum économique mondial (WEF) de Davos, François Villeroy de Galhau a clairement exprimé son souhait de “récupérer” les centaines de milliards d’euros qui s’orientent vers l’étranger. Selon lui, ces ressources financières seraient particulièrement utiles pour accompagner la transition climatique et la mutation numérique en Europe. Ce discours a été salué par certains responsables politiques en quête de financements stables et durables. Toutefois, cette prise de position ne fait pas l’unanimité, car elle laisse entrevoir la possibilité de restrictions sur la libre circulation des capitaux si les mesures de soutien ou d’incitation ne suffisent pas à retenir l’épargne sur le territoire européen.
François Villeroy de Galhau a exprimé son approbation sur BFM Business à propos du discours prononcé ce mardi par Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le lendemain de l’investiture de Donald Trump : “Elle a dit que nous, Européens, nous tiendrons à nos valeurs, aux règles du droit. Simplement nous devons être plus offensifs dans la façon de les défendre. Et puis elle a dessiné un programme de changement de l’Europe, d’accélération de la croissance et de l’innovation en Europe”.
Il a souligné que le “sort” des Européens “ne dépend pas que des Américains et des Chinois”.
Insistant sur la nécessité d’agir, il a déclaré : “Il est temps d’actionner les leviers que nous avons en Europe” pour stimuler l’investissement. Il a également mis en avant “une ressource dont on ne parle jamais : l’épargne privée”, précisant que “l’épargne privée est abondante” en Europe. Le gouverneur a rappelé qu’annuellement, “il y a 300 milliards d’euros d’épargne des Européens qui vont s’investir hors d’Europe, et d’abord aux États-Unis”.
Le contrôle des changes comme outil potentiel
Certains observateurs rappellent que, par le passé, des formes de contrôle des changes ont déjà existé en France et dans d’autres pays, afin de limiter la fuite de capitaux ou de gérer la balance des paiements. L’idée que de telles mesures reviennent au goût du jour circule dans certains cercles, soutenue par l’exemple de Chypre, où les autorités ont instauré des restrictions bancaires en 2013 pour endiguer une crise financière.
Les détracteurs de ce scénario estiment qu’il risquerait d’entamer la confiance des épargnants, tout en portant préjudice à la compétitivité européenne dans la bataille mondiale pour attirer les investissements.
Taxer ou contraindre l’épargne ?
Un autre levier évoqué concerne la mise en place d’impositions spécifiques, afin d’inciter les particuliers à investir uniquement dans des produits autorisés par le gouvernement.
Dans ce scénario, l’État pourrait instaurer des barèmes fiscaux moins favorables pour les placements hors d’Europe, voire interdire certaines allocations de portefeuille. Une telle méthode soulève de nombreuses questions en termes de liberté individuelle et de respect du droit de propriété. Plusieurs analystes considèrent que, si l’attrait des investissements en Europe n’est pas assez fort pour rivaliser avec ceux des États-Unis, il serait contre-productif de contraindre par la loi ce qui ne peut être obtenu par l’efficacité économique.
Conséquences possibles pour les citoyens
Si de telles orientations venaient à être adoptées, les épargnants européens pourraient se retrouver face à des limitations dans la gestion de leur patrimoine financier. Certains redoutent un “confinement” de l’épargne, c’est-à-dire une impossibilité de choisir librement où placer son argent.
Les épargnants pourraient alors être contraints d’investir dans des secteurs présentés comme prioritaires par les autorités, ou de supporter des pénalités s’ils optent pour des solutions étrangères. Une telle évolution constituerait un changement profond dans la relation entre les citoyens et les institutions financières, en remettant en cause l’idée même d’une mobilité transfrontalière des capitaux.
Libéralisme versus Étatisme
La compétitivité européenne devrait miser en priorité sur la création d’un climat économique plus souple et incitatif. Cela passe par une révision de la fiscalité, un allègement des charges pesant sur les entreprises et une simplification des formalités administratives.
De la même manière, libérer davantage le marché de l’énergie, favoriser la concurrence et diversifier les sources d’approvisionnement permettraient de réduire les coûts de production. Les partisans de cette stratégie considèrent qu’une baisse générale des prix de revient offrirait un environnement propice à l’innovation, tout en attirant des capitaux sans imposer de contraintes particulières. Pour eux, la régulation devrait se concentrer sur la stabilité financière et la sécurité des investissements, laissant ensuite les acteurs économiques libres de leurs choix. La confiance naîtrait alors naturellement de la performance des marchés, de la rentabilité des projets et de la transparence des institutions.
Dans cet esprit, il ne s’agit pas d’orienter de force l’épargne, mais plutôt de rendre l’Europe plus attractive grâce à des politiques fiscales et réglementaires cohérentes. C’est en créant un écosystème ouvert et concurrentiel que l’on pourra financer durablement la croissance et encourager les initiatives porteuses d’avenir.
Un danger pour la souveraineté économique et liberté individuelle ?
Ces sujets, qui mêlent souveraineté économique et liberté individuelle, sont au cœur des récentes déclarations de François Villeroy de Galhau et d’autres dirigeants, mettant en lumière l’idéologie dominante au sein des plus hautes sphères de l’Union Européenne sur ces questions. Si certains scénarios paraissent extrêmes, tels que le retour au contrôle des changes ou la taxation ciblée, leur simple évocation témoigne d’un affolement grandissant chez les autorités.
Reste à savoir si les citoyens accepteront de se voir dicter l’usage de leur propre épargne au nom de la solidarité et de l’indépendance européenne, ou s’ils défendront la liberté de placement comme un droit inaliénable.
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