Nous vivons une époque dans laquelle la numérisation des paiements s’accélère, cependant, le cash demeure un élément essentiel du quotidien pour une majorité de Français. Malgré cela, son avenir est menacé par l’essor des monnaies numériques de banques centrales (MNBC) telles que le Digital Euro. Les études récentes et les initiatives mondiales actuelles relancent le débat crucial sur l’avenir des espèces dans nos sociétés du tout numérique.
Les espèces : un rôle central au-delà de la transaction
Le baromètre annuel de l’IFOP et de la Monnaie de Paris, publié le 27 novembre 2024, met en lumière l’attachement des Français aux paiements en espèces. En dépit de la domination des moyens de paiement numériques, 69% des Français utilisent encore du cash au quotidien, et 79% se déclarent attachés à sa présence, soit 4 Français sur 5.
Mais les espèces ne sont pas seulement un outil transactionnel. Elles remplissent une fonction sociale et éducative. Par exemple :
- 67% des Français utilisent du cash pour donner de l’argent de poche aux enfants.
- 71% l’emploient pour offrir des étrennes.
- Le « cash stuffing », une méthode de gestion budgétaire utilisant des enveloppes en espèces (cash enveloppe) , séduit plus d’un tiers des jeunes, renforçant leur maîtrise de l’argent.
Ces pratiques montrent que le cash contribue à créer un lien tangible avec la monnaie, un aspect souvent absent des paiements numériques.
Un symbole de confiance et de stabilité
Dans un climat économique plombé par l’incertitude, le cash incarne une stabilité rassurante. Selon le baromètre, 95% des Français font confiance aux espèces, avec 60% exprimant une forte confiance.
Et ce n’est pas tout, le cash est également perçu comme une garantie de vie privée, un point essentiel à l’heure où les transactions numériques impliquent souvent le partage de données personnelles. Cette confidentialité est un pilier pour les défenseurs des espèces, qui redoutent que leur disparition n’ouvre la voie à une surveillance accrue des citoyens et une perte des libertés fondamentales.
Une érosion progressive de l’utilisation du cash
Malgré cet attachement, l’utilisation des espèces diminue légèrement. En 2024, 69% des Français déclarent encore payer en espèces, un chiffre en baisse par rapport à 2023 (74%). Les billets et pièces sont surtout utilisés pour :
- Les paiements dans les petits commerces (83%).
- Les étrennes et pourboires (71%).
- Les dons à des proches ou à des personnes dans le besoin (54%).
En moyenne, les Français gardent 55€ en espèces sur eux, un montant qui atteint 66€ chez les 18-34 ans. Cette présence physique de la monnaie reste un repère face à la dématérialisation croissante.
Les monnaies numériques de banques centrales (MNBC) : menace ou opportunité ?
Face à l’attachement au cash, les MNBC comme le projet Digital Euro posent un défi de taille. Présentées comme une évolution naturelle du système monétaire, ces monnaies numériques visent à répondre aux besoins d’un monde de plus en plus digitalisé. Le FMI et la Banque centrale européenne (BCE) mettent en avant des avantages tels que :
- Réduction des coûts de gestion des espèces.
- Transactions numériques plus rapides et sécurisées.
- Inclusion financière pour les populations sous-bancarisées.
Cependant, ces arguments masquent des préoccupations importantes. Une monnaie numérique émise par les banques centrales pourrait offrir aux gouvernements un contrôle direct sur les transactions des citoyens. Les opposants soulignent le risque de surveillance accrue et de restriction des libertés financières, comme l’ont dénoncé certains élus américains avec des projets de lois visant à limiter les pouvoirs des MNBC.
L’Europe et la transition numérique : le rôle de l’EPI
L’European Payments Initiative (EPI) joue un rôle clé dans l’intégration des MNBC en Europe. Cette plateforme, développée pour moderniser les paiements, pourrait faciliter l’adoption du Digital Euro. La BCE souligne que cette monnaie numérique vise à :
- Réduire la dépendance aux solutions américaines comme Visa et Mastercard.
- Garantir un accès public à une monnaie souveraine dans un paysage financier dominé par le numérique.
Les prototypes du Digital Euro, développés avec des partenaires comme Amazon et CaixaBank, montrent toute l’ampleur des ambitions européennes.
Résistances et alternatives : préserver la liberté financière
La montée des MNBC s’accompagne d’une résistance croissante. Aux États-Unis, des initiatives comme le MNBC Anti-Surveillance State Act mettent en garde contre les dangers d’une centralisation excessive de la monnaie. En Europe, les défenseurs du cash appellent à un débat démocratique avant toute adoption massive des MNBC.
En parallèle, les cryptomonnaies décentralisées comme le Bitcoin continuent d’attirer ceux qui recherchent une alternative au contrôle gouvernemental. Ces actifs numériques, bien que volatils, offrent un refuge potentiel contre les systèmes centralisés.
D’ailleurs, le président américain élu Donald Trump, affirme que les monnaies numériques de banques centrales (CBDC/MNBC) ne seront pas mises en place aux États-Unis sous sa présidence. Il promet d’ordonner au département du Trésor et aux agences fédérales de stopper toute initiative en faveur de leur création. Par ailleurs, il défend fermement le droit à l’autodétention (self-custody) des actifs financiers, qu’il considère comme une industrie prometteuse qu’il souhaite soutenir plutôt que freiner.
Le cash : un symbole de souveraineté en péril
Le cash, pilier historique de l’économie, incarne bien plus qu’un moyen de paiement. Il est un symbole de souveraineté, de liberté et de stabilité dans un monde en pleine mutation. Et si les MNBC apportent des innovations indéniables, elles soulèvent aussi des inquiétudes légitimes sur la vie privée et les libertés financières.
Pour les Français, le combat pour conserver les espèces est loin d’être terminé, et leur attachement pourrait bien jouer un rôle clé dans les décisions à venir.
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