La suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales avait été une bonne nouvelle ainsi qu’un véritable soulagement pour la bourse de nombreux Français. Initiée en 2018 et achevée en 2023, cette mesure visait en effet à alléger le fardeau fiscal des ménages. Cependant, l’enjeu financier reste élevé pour les collectivités locales, notamment en cette période de pression budgétaire accrue où l’État exige des efforts importants des contribuables pour combler le déficit public. Alors que certains élus plaident pour son retour, la ministre du Partenariat avec les territoires, Catherine Vautrin, exclut cette hypothèse, mais laisse entrevoir l’éventualité d’une contribution citoyenne, ou pour parler franc, un nouvel impôt.
Retour sur la suppression de la taxe d’habitation
La taxe d’habitation sur les résidences principales était jusqu’à récemment une source de revenus essentielle pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). En 2017, elle a généré environ 22,3 milliards d’euros de recettes, dont près de 15,2 milliards ont été reversés aux communes. Pour les ménages français, ce prélèvement fiscal pesait lourdement sur le budget familial, et son abolition a représenté un allégement considérable.
Cette suppression a pourtant laissé un vide financier pour les collectivités locales, auxquelles l’État a promis une compensation « à l’euro près ». Ce transfert devait se faire principalement via la redistribution de la part départementale de la taxe foncière et une fraction de la TVA. Pourtant, l’Association des maires de France (AMF) pointe du doigt un manque à gagner estimé à près d’un milliard d’euros, dû au fait que les nouveaux habitants ne sont pas pris en compte dans les calculs de compensation.
En parallèle, les collectivités locales sont confrontées à une situation budgétaire de plus en plus difficile. L’objectif de réduction du déficit public fixé par le gouvernement entraîne des coupes de 5 milliards d’euros dans les dotations aux collectivités, selon Catherine Vautrin. Cette situation met à mal la capacité des communes à maintenir et développer les services publics locaux. En conséquence, certains élus, tant de droite que de gauche, militent pour une réintroduction de la taxe d’habitation ou pour des dispositifs similaires.
À droite, Jean-François Copé, maire de Meaux, propose une nouvelle taxe qui pourrait remplacer à la fois la taxe foncière et la taxe d’habitation, tout en exemptant les ménages les plus modestes. À gauche, David Guiraud, député de La France insoumise (LFI), souhaite rétablir la taxe d’habitation pour les 20 % des ménages les plus aisés, arguant que ces citoyens ont une capacité contributive plus importante.
La piste d’une contribution citoyenne
Bien que le gouvernement écarte pour l’instant l’idée d’une taxe d’habitation version 2.0, Catherine Vautrin n’exclut pas une réflexion sur une nouvelle forme de contribution. La ministre propose ainsi une « participation citoyenne au service public » qui pourrait se concrétiser sous la forme d’une contribution territoriale universelle (CTU), inspirée des propositions de l’AMF.
Cette contribution citoyenne serait calculée en fonction des revenus des ménages, ce qui à ses yeux la rendrait plus équitable que l’ancienne taxe d’habitation basée sur la valeur locative des logements. Pour les foyers modestes, cette participation pourrait se limiter à quelques euros par mois, tout en renforçant le lien entre les habitants et les services publics locaux. L’AMF envisage même un système permettant de soustraire cette CTU de l’impôt sur le revenu, de manière à ne pas alourdir la fiscalité des ménages.
Cette vision, typique d’une certaine ligne idéologique, repose sur l’idée que ceux qui créent le plus de richesse pour le pays doivent encore accroître leur contribution. Pourtant, ces mêmes ménages constituent déjà une part essentielle des recettes fiscales et portent une large part du financement des services publics. À force de les cibler pour combler les déficits, on risque de démotiver les créateurs de valeur et d’encourager la fuite des talents et des capitaux, ce qui affaiblirait in fine l’économie française.
Quels avantages pour les collectivités locales ?
La mise en place d’une CTU permettrait aux collectivités de retrouver une certaine autonomie financière et de pallier les déficits engendrés par la suppression de la taxe d’habitation. D’après l’économiste Christian Saint-Etienne, cette contribution pourrait rapporter jusqu’à 15 milliards d’euros dès la première année, soit l’équivalent des recettes de l’ancienne taxe d’habitation. Un chiffre significatif qui, dans un contexte budgétaire tendu, permettrait aux communes de répondre aux exigences de leurs administrés en matière de services publics.
La mise en œuvre de cette contribution territoriale pourrait également constituer une réponse aux inégalités territoriales, en permettant aux communes de disposer de ressources adaptées à leurs besoins. Pour certaines localités rurales ou en déclin démographique, un financement supplémentaire serait bienvenu pour éviter la fermeture de services essentiels.
Vers une responsabilisation des citoyens
L’un des objectifs sous-jacents de cette nouvelle contribution serait de rappeler aux citoyens le coût des services publics.
Dans un contexte où la gratuité est parfois perçue comme un acquis, cette contribution pourrait instaurer un sentiment de responsabilité envers la collectivité. Selon Michel Fournier, président de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), une contribution universelle permettrait de sensibiliser les habitants aux dépenses engagées par les communes pour offrir des services gratuits ou à faible coût.
Le retour d’une participation symbolique aux finances locales pourrait également favoriser une prise de conscience collective, en rappelant que les services publics ne sont pas « gratuits » mais financés par l’ensemble des citoyens. Cette réflexion s’inscrit dans une tendance plus générale de responsabilisation des usagers des services publics, une approche qui gagne du terrain dans plusieurs pays européens.
Cependant, cette idée que les français n’aient pas conscience des coûts est complètement hors sol, rappelons ici les pays où les citoyens supportent la plus forte pression fiscale, en tenant compte de l’ensemble des impôts et taxes, sont généralement ceux où les recettes fiscales représentent une proportion élevée du produit intérieur brut (PIB). Et selon les données disponibles, la France est le deuxième pays au monde dans lequel ses habitants sont le plus taxés. Rappelons également que malgré la gabegie permanente, les services publics sont dans un état lamentable et que remplir une cruche percée n’a jamais permis de combler le manque. Chaque nouvelle taxe ou contribution ressemble davantage à une rustine temporaire qu’à une véritable solution pour redresser un système à bout de souffle.
De plus, cette contribution territoriale, bien que modeste pour les foyers les plus modestes, pourrait alourdir le fardeau fiscal des classes moyennes, déjà confrontées à une hausse de la taxe foncière dans de nombreuses communes. Pour être envisagée par les citoyens, une telle mesure devra s’accompagner d’un effort de transparence sur l’utilisation des fonds récoltés, et ça n’est pas gagné car la question sur toutes les lèvres de français reste la même depuis longtemps : où va l’argent ?
Un calendrier incertain mais une certaine idée de la finalité
Alors que le débat sur cette contribution citoyenne prend de l’ampleur, aucune décision définitive n’a encore été prise. La ministre a annoncé une concertation avec les élus locaux prévue pour début 2025, un processus de discussion qui pourrait aboutir à des ajustements de la fiscalité locale. Ce délai devrait permettre aux parties prenantes de discuter des modalités de mise en place d’une telle contribution, tout en évitant les écueils politiques et sociaux d’une réintroduction précipitée de la taxe d’habitation.
Le retour de la taxe d’habitation sur les résidences principales semble donc écarté, mais la question de la contribution financière des citoyens ou impôt local aux services publics locaux reste d’actualité. Et il ne faut pas se leurrer, nous y aurons droit d’une façon ou d’une autre car en France, l’imagination fiscale des élus semble sans limite. Face à chaque défi budgétaire, les représentants politiques se distinguent davantage par leur créativité à concevoir de nouvelles taxes et contributions que par leur capacité à optimiser l’existant. À chaque problème, une nouvelle contribution ou impôt surgit pour alléger les caisses de l’État, que ce soit sous forme de taxes spécifiques, de prélèvements « temporaires » qui perdurent ou de nouvelles contributions locales. Leur talent pour inventer de nouvelles taxes n’a d’égal que leur incapacité à réduire les dépenses.
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