Monde : la liberté d’expression vit-elle ses dernières heures ?

Publié le - Auteur Par Tony L. -
Monde : la liberté d’expression vit-elle ses dernières heures ?

La liberté d’expression, pierre angulaire des sociétés démocratiques, est aujourd’hui sous pression à l’échelle mondiale. Des mesures restrictives et des pressions gouvernementales sur les plateformes numériques remettent en question la capacité des individus à s’exprimer librement. De nombreux exemples récents démontrent que ce droit fondamental est de plus en plus menacé, que ce soit par des actions directes des gouvernements ou par des décisions controversées prises par des entreprises technologiques en réponse à ces pressions. Quand on menace notre liberté, on menace aussi notre libre-arbitre et un jour notre argent et tout ce qui nous appartient.

Les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression

Aux États-Unis, la liberté d’expression, bien que protégée par le Premier Amendement, n’est pas à l’abri des influences politiques.

Elon Musk, PDG de X (anciennement Twitter), a récemment mis en garde contre les risques pour la liberté d’expression si Kamala Harris, candidate à l’élection présidentielle américaine, venait à occuper une position de pouvoir encore plus influente. Musk critique ouvertement Harris pour son soutien à la censure sur les réseaux sociaux, notamment à sa précédente demande de suppression du compte de Donald Trump sur Twitter.

Selon Musk, Harris souhaite renforcer la régulation des contenus en ligne, ce qui pourrait, selon lui, restreindre considérablement la liberté d’expression. Cette critique fait écho à une tendance plus large où des figures politiques cherchent à influencer les décisions de modération des plateformes technologiques, brouillant ainsi la frontière entre régulation parfois utile et censure politique.

Mais ce problème ne se limite pas aux États-Unis. Dans de nombreux pays, la censure en ligne s’intensifie, et les gouvernements imposent des lois de plus en plus strictes pour contrôler les discours sur Internet. Récemment, le Brésil a pris des mesures drastiques en interdisant l’utilisation de VPN pour accéder à certaines plateformes sociales comme X, imposant des amendes quotidiennes pouvant aller jusqu’à 8 874 dollars. Cette décision reflète une volonté de restreindre l’accès à l’information et de contrôler la manière dont les citoyens peuvent s’exprimer en ligne.

En Europe, des tensions similaires existent. En Allemagne, des créateurs de contenu sont menacés de mort pour avoir enfreint les normes culturelles ou sociales, et l’Union européenne renforce la pression sur les entreprises technologiques pour qu’elles se conforment à des régulations strictes sur le contenu. Les dernières tentatives de l’UE pour faire pression sur Elon Musk et son réseau X sont très révélatrices du climat ambiant, en effet, le commissaire européen français, Thierry Breton, avait dernièrement exigé publiquement la régulation du réseau aux fins de conformité avec le DSA.

En effet, le DSA, ou Digital Services Act, adopté le 19 octobre 2022 par l’Union européenne et entré en vigueur pour toutes les plateformes en ligne depuis le 17 février 2024, impose aux plateformes en ligne de nouvelles obligations de modération de contenu, allant de la suppression rapide des contenus illégaux à la lutte contre la désinformation. Les plateformes doivent mettre en place des mécanismes efficaces pour signaler, évaluer et retirer des contenus jugés illicites par les régulateurs nationaux ou par des utilisateurs. Le risque principal de ce genre de loi réside dans l’interprétation large et subjective de ce qui constitue un contenu « illégal » ou « nuisible ». Les gouvernements et les régulateurs nationaux, en s’appuyant sur le DSA, pourraient utiliser ces définitions pour justifier des actions de censure à des fins politiques, en ciblant des discours critiques ou en imposant des restrictions sur des opinions divergentes.

Le cas Pavel Durel, CEO de telegram

Concernant le cas Pavel Durov, le fondateur de Telegram, qui a été arrêté en France, il est accusé de ne pas avoir contrôlé suffisamment les activités criminelles sur sa plateforme. John Matze, fondateur de Parler, a qualifié cet événement de « menace existentielle pour la liberté d’expression« , soulevant le voile sur le conflit entre la protection de la vie privée et les attentes des gouvernements en matière de surveillance et de régulation.

« Le besoin de protéger la liberté d’expression n’a jamais été aussi urgent », a écrit Robert F. Kennedy Jr (RFK Jr). sur X, réagissant à la nouvelle, quelques jours seulement après avoir soutenu l’ancien président Trump.

Telegram, qui utilise un chiffrement fort pour protéger les communications de ses utilisateurs, est perçu comme une plateforme privilégiée pour les dissidents et les militants. Cependant, cette même protection qui préserve les droits des utilisateurs est également vue comme un obstacle par les gouvernements qui cherchent à lutter contre les activités illégaux. La répression de la liberté d’expression ne se limite pas aux frontières nationales. Les mesures prises en Europe, comme l’arrestation de Durov, ont des répercussions internationales, affectant la manière dont les entreprises technologiques gèrent la sécurité des données et la modération des contenus à l’échelle mondiale. Les gouvernements européens, par exemple, intensifient leurs efforts pour réguler les discours en ligne, imposant des lois contre les discours de haine et exigeant des plateformes qu’elles partagent des données privées avec les autorités.

Ces régulations suscitent des préoccupations quant à l’avenir de l’Internet en tant qu’espace de libre expression. Des lois comme le Online Safety Bill au Royaume-Uni obligent les plateformes à fournir un accès aux communications chiffrées si des solutions techniques sont jugées possibles, mettant potentiellement en péril la confidentialité des utilisateurs. Ce type de législation, qui impose des obligations lourdes aux entreprises technologiques, pourrait inciter d’autres nations à adopter des mesures similaires, amplifiant les risques pour la liberté d’expression.

Un combat à l’échelle mondiale

La lutte pour préserver la liberté d’expression et l’accès libre à l’information est plus que jamais d’actualité. Les exemples récents montrent que ce droit est constamment menacé par des forces politiques et réglementaires cherchant à contrôler les discours en ligne. Il est plus que jamais indispensable que les sociétés démocratiques continuent de défendre ces principes, non seulement à l’intérieur de leurs propres frontières, mais aussi face aux menaces venant d’autres nations.

Les plateformes numériques, en particulier celles qui offrent des services de communication chiffrée, jouent aujourd’hui un rôle central dans la protection de la liberté d’expression. Elles permettent aux individus de s’exprimer sans crainte de représailles, et ce, même dans des environnements où les libertés fondamentales sont restreintes. Pour protéger cet espace, il est nécessaire que les législateurs reconnaissent l’importance de la confidentialité et des droits numériques, tout en trouvant un équilibre avec les impératifs de sécurité publique.

Dans un récent article paru dans le Financial Times, Robert Shrimsley, commentateur politique en chef et rédacteur en chef du Royaume-Uni, souligne la nécessité pour les leaders politiques et civiques de défendre activement la liberté d’expression et de protéger ceux qui sont harcelés pour leurs opinions. Il plaide pour une utilisation mesurée des lois sur les crimes de haine et appelle les universités et les entreprises à soutenir leur personnel contre les attaques injustifiées. Il met en garde contre le risque de transformer le souci de ne pas offenser en un droit de ne pas être offensé, et contre l’utilisation abusive des concepts de « safe spaces » pour étouffer le débat.

Robert Shrimsley critique également l’incohérence des gouvernements qui, tout en se proclamant défenseurs de la liberté d’expression, cherchent à annuler des manifestations ou à les qualifier de « marches de haine » dans le cadre de guerres culturelles plus larges. Il souligne que défendre la liberté d’expression peut être inconfortable, mais que ne pas le faire permet aux débats modérés d’être éclipsés par des discours polarisants, déjà largement répandus en ligne.

L’auteur du Financial Times conclut en affirmant que l’inaction face au harcèlement risque de renforcer la polarisation et de faire perdre de vue l’importance de la liberté d’expression dans le débat public, rappelant que cette polarisation excessive a déjà montré ses limites ces dernières années. Nous vivons dans un climat global où la liberté d’expression est de plus en plus perçue comme une menace par les autorités.

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En écrivant cet article qui pose des questions, nous prenons aussi un risque.

Par Tony L.

Passionné de technologie, Tony vous propose des articles et des dossiers exclusifs dans lesquels il partage avec vous le fruit de ses réflexions et de ses investigations dans l'univers de la Blockchain, des Cryptos et de la Tech.

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