L’hégémonie de Google sur le marché des moteurs de recherche a longtemps semblé inébranlable. Avec une part de marché estimée à 90 %, le géant de la Silicon Valley a dominé l’accès à l’information en ligne pendant des décennies. Cependant, l’ascension fulgurante de Perplexity AI, une start-up spécialisée dans la recherche alimentée par l’intelligence artificielle, pourrait changer la donne. En effet, Perplexity se définit comme une alternative crédible à Google capable de remodeler les pratiques de recherche en ligne.
Perplexity AI : croissance et modèle innovant
Depuis son lancement, Perplexity AI a enregistré une croissance impressionnante.
Les chiffres clés de son évolution
Selon des sources internes, la société a vu son revenu mensuel multiplié par sept depuis le début de l’année 2024. En juillet, la plateforme a répondu à environ 250 millions de requêtes, un chiffre qui témoigne de l’augmentation spectaculaire de son adoption par les utilisateurs. À titre de comparaison, elle avait traité un total de 500 millions de requêtes pour l’ensemble de l’année 2023. Cette expansion rapide est soutenue par des investissements substantiels, dont un financement récent de 250 millions de dollars qui a triplé la valorisation de l’entreprise, la portant à 3 milliards de dollars.
L’une des clés du succès de Perplexity réside dans sa capacité à fournir des réponses précises et en temps réel aux questions des utilisateurs, en s’appuyant sur une combinaison de systèmes d’IA sophistiqués. Contrairement à d’autres acteurs du secteur, Perplexity ne développe pas ses propres modèles d’IA, préférant licencier des technologies existantes de partenaires comme OpenAI. Cette stratégie lui permet de se concentrer sur l’optimisation de son moteur de recherche et sur la création d’une interface utilisateur intuitive.
Son modèle économique
Perplexity AI se distingue également par son approche innovante en matière de monétisation. Alors que l’entreprise générait initialement des revenus principalement via des abonnements pour les consommateurs et les entreprises, elle a récemment annoncé un pivot vers un modèle basé sur la publicité. Cette transition s’accompagne de la mise en place d’un programme de partage des revenus avec les éditeurs de contenu, baptisé « Publishers Program« . Des accords ont déjà été signés avec des publications renommées telles que Fortune, Time, et Der Spiegel, permettant à Perplexity de partager un pourcentage à deux chiffres des revenus générés par les articles sponsorisés.
Cette approche a pour but d’aligner les intérêts de la start-up avec ceux des médias, en assurant une rémunération équitable pour le contenu utilisé par le moteur de recherche. Ce modèle économique pourrait également renforcer la légitimité de Perplexity auprès des utilisateurs, dans un contexte où la méfiance envers les moteurs de recherche alimentés par la publicité est de plus en plus présente. Néanmoins, l’introduction de la publicité pourrait aussi constituer un double tranchant, certains craignant qu’elle n’érode la confiance des utilisateurs, comme cela a été le cas avec Google.
Perplexity AI : une alternative à Google ?
La montée en puissance de Perplexity AI s’accomplit alors que Google se bat contre une pression croissante des autorités de régulation, notamment aux États-Unis, où un tribunal a récemment statué que Google était un monopole illégal. Si des sanctions sont imposées, cela pourrait effectivement favoriser une redistribution du marché des moteurs de recherche, offrant à des alternatives comme Perplexity une opportunité sans précédent.
En outre, Perplexity pourrait bénéficier des limites actuelles de Google et d’autres grands acteurs du secteur en matière d’intégration de l’IA. Alors qu’Alphabet a récemment intensifié l’intégration de fonctionnalités d’IA avec Gemini (anciennement Google Bard) dans son produit phare, Perplexity se distingue par sa capacité à se concentrer exclusivement sur la fourniture de réponses précises et fiables aux requêtes des utilisateurs. Cette spécialisation lui confère un avantage compétitif, en particulier dans un contexte où la qualité des sources d’information est primordiale.
L’éthique au cœur des questions entourant Perplexity
Outre sa croissance et son modèle économique, Perplexity AI se dit préoccupé par l’éthique et de la fiabilité de l’information.
En juin, la start-up a été critiquée pour ses techniques de collecte de données, certains médias l’accusant de plagiat et de reproduction de contenus sans attribution claire. En réponse à ces critiques, Perplexity a pris des mesures pour améliorer la transparence de ses citations et pour s’assurer que ses réponses ne résument pas les contenus d’autres sites web sans les mentionner explicitement.
Cet engagement en faveur de la qualité et de la transparence se manifeste également dans l’initiative de Perplexity de soutenir la recherche sur l’IA et le journalisme. La société a récemment fait un don de 250 000 dollars à l’école de journalisme Medill de l’université Northwestern, aux États-Unis, pour financer des recherches sur l’interaction entre l’IA et la couverture médiatique. Ce partenariat souligne l’importance que Perplexity accorde à l’utilisation responsable de l’IA dans la diffusion de l’information.
Mais l’émergence de Perplexity sur la scène technologique a suscité beaucoup d’intérêt, notamment en raison des investissements substantiels de figures emblématiques telles que le fonds familial de Jeff Bezos et Nvidia. Présenté comme une « réponse intelligente » aux moteurs de recherche traditionnels, Perplexity prétend en effet offrir des réponses concises en temps réel en combinant les caractéristiques des moteurs de recherche classiques et des chatbots. Cependant, une récente enquête approfondie de WIRED soulève des questions sérieuses quant à la réalité de ces prétentions.
L’un des aspects les plus troublants de Perplexity réside dans ses méthodes d’acquisition de données. En dépit des déclarations de l’entreprise affirmant respecter les normes établies telles que le Robots Exclusion Protocol, l’enquête a découvert que Perplexity ignore parfois ces directives, accédant clandestinement à des zones de sites web explicitement restreintes. Ce comportement soulève bien sûr des questions éthiques mais également des préoccupations juridiques concernant le respect de la propriété intellectuelle et des droits des éditeurs.
Par ailleurs, Perplexity a été accusé de plagiat par Forbes, une accusation grave qui a été en partie confirmée par les réponses hésitantes et contradictoires du PDG, Aravind Srinivas. Bien que Srinivas ait reconnu certains défauts dans la citation des sources, il a catégoriquement nié toute activité illégale, une défense qui semble insuffisante au vu des preuves présentées par plusieurs analyses indépendantes.
Un autre point critique est la fiabilité des réponses fournies par le chatbot de Perplexity. L’enquête a démontré que le chatbot, loin de toujours consulter les articles originaux, produit parfois des résumés basés sur des extrapolations ou même des inventions pures et simples. Par exemple, le chatbot a inventé une histoire fictive en réponse à une requête, une situation qui met en lumière un problème fondamental : l’incapacité de l’IA à distinguer la vérité de la fiction lorsque les données sont inaccessibles ou inexistantes.
Ce comportement s’apparente à ce que certains philosophes décrivent comme du « bullshit » dans le sens défini par Harry Frankfurt, où l’objectif n’est pas de dire la vérité, mais de produire un texte qui en a l’apparence. Dans le cas de Perplexity, cela se traduit par des réponses qui semblent plausibles mais qui manquent souvent de précision ou de véracité, mettant en cause la crédibilité de l’outil.
Perplexity incarne au final les paradoxes de la technologie moderne, une ambition immense, soutenue par des intérêts et des investissements colossaux, mais ternie par des pratiques douteuses et une exécution qui laisse à désirer. Si l’entreprise souhaite véritablement révolutionner la recherche en ligne, elle devra non seulement améliorer la transparence et la fiabilité de ses services, mais aussi adopter des pratiques plus respectueuses des droits des créateurs de contenu.
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