Un projet de loi visant à interdire la création d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC ou CBDC en anglais), communément appelée « dollar numérique », a été approuvé par la Chambre des représentants des États-Unis. Même si trois démocrates se sont rangés aux côtés des républicains pour soutenir le projet de loi, il est important de noter qu’il doit encore passer par le Sénat et potentiellement faire face à un veto présidentiel avant de pouvoir devenir une loi.
Le projet de loi anti-CBDC
Le projet de loi, intitulé « CBDC Anti-Surveillance State Act », a été introduit par le Whip de la majorité, Tom Emmer (R-Minn.), et vise à empêcher la Réserve fédérale de poursuivre le développement d’un dollar numérique sans l’autorisation explicite du Congrès. Les républicains craignent que l’introduction d’une CBDC puisse être utilisée pour surveiller et contrôler les transactions financières des Américains.
Emmer a exprimé ses inquiétudes en qualifiant les CBDC de « monnaie programmable contrôlée par le gouvernement » qui, si elle n’est pas conçue pour imiter l’argent liquide, pourrait permettre au gouvernement fédéral de surveiller les transactions des Américains et d’étouffer les activités politiquement impopulaires auprès du parti dominant. En conséquence, le projet de loi vise à protéger la vie privée financière des citoyens en interdisant explicitement à la Réserve fédérale de développer une CBDC sans une loi du Congrès.
Les débats au Congrès
Lors du débat précédant le vote, les démocrates ont soutenu que les préoccupations soulevées par les républicains étaient exagérées et que l’interdiction d’une CBDC empêcherait l’innovation et la recherche dans le secteur public. La représentante Maxine Waters (D-Calif.), haut responsable démocrate du Comité des services financiers de la Chambre, a critiqué le projet de loi en le qualifiant d’« anti-innovation ». Selon elle, cette interdiction freinerait la recherche et empêcherait les États-Unis de progresser dans un domaine crucial pour l’avenir de l’économie mondiale.
Les démocrates se sont montrés très pressés de suivre les doctrines socialistes du parti unique chinois, en effet, les résultats du vote ont montré une division nette : 213 républicains et trois démocrates ont voté pour le projet de loi, tandis que 192 démocrates ont voté contre. Ce résultat contraste fortement avec un vote précédent sur le « Financial Innovation and Technology for the 21st Century Act », un projet de loi sur la structure du marché des cryptomonnaies qui a vu 71 démocrates rejoindre 208 républicains pour le soutenir. Ce dernier vote a été salué comme un moment décisif pour l’industrie des cryptomonnaies aux États-Unis.
La position de la Réserve Fédérale
La Réserve Fédérale a insisté sur le fait qu’elle était loin de recommander ou d’adopter une CBDC. Le président de la Fed, Jerome Powell, a déclaré au Congrès que si la banque centrale devait adopter une CBDC, cela se ferait par l’intermédiaire du système bancaire. Il a réaffirmé que la Fed ne souhaitait pas ouvrir des comptes pour tous les Américains, une mesure qui serait nécessaire pour la mise en œuvre d’une CBDC.
Powell a également souligné que toute décision concernant une CBDC nécessiterait l’approbation du Congrès. L’année dernière, la Fed a publié un rapport examinant les avantages et les inconvénients d’une CBDC, mais les responsables de la banque centrale ont refroidi l’idée dans le passé. Cette prudence reflète les préoccupations relatives à la vie privée et à la surveillance financière, qui sont au cœur des débats actuels au sein de la société civile américaine.
Les implications relatives à ce projet de loi
Les critiques du projet de loi, notamment les participants de l’industrie et certaines institutions financières, ont exprimé des préoccupations quant aux implications plus larges d’une interdiction de la CBDC. La banque d’investissement TD Cowen a noté que cette interdiction pourrait être négative pour la domination mondiale des banques américaines et le rôle mondial du dollar américain. Ils ont souligné que l’interdiction s’appliquerait aussi bien à l’utilisation de gros que de détail, ce qui pourrait donner un avantage à l’euro ou à d’autres devises numérisées dans les échanges mondiaux.
Kristin Smith, directrice de la Blockchain Association, a salué le vote de la Chambre pour le « Financial Innovation and Technology for the 21st Century Act » comme un moment décisif pour l’industrie des cryptomonnaies. Nicole Valentine, directrice de la FinTech au Milken Institute, a également exprimé des inquiétudes quant au sort des deux projets de loi au Sénat, où ils risquent de ne pas progresser en raison de l’absence de soutien législatif correspondant.
Le rôle du Sénat
Le projet de loi anti-CBDC (Central Bank Digital Currency) a été introduit au Sénat par le sénateur Ted Cruz, soutenu par des organisations conservatrices telles que la Heritage Foundation et la Blockchain Association. Cependant, la probabilité que ce projet de loi soit adopté est faible en raison de la majorité démocrate au Sénat.
Actuellement, les démocrates détiennent la majorité au Sénat, ce qui rend difficile l’adoption de projets de loi proposés par les républicains, en particulier ceux qui rencontrent une opposition idéologique claire. Les démocrates, en général, sont plus ouverts à l’exploration des CBDC comme outil de modernisation financière et de politique monétaire, ce qui crée un conflit direct avec les objectifs du projet de loi (ICBA) (Majority Whip) (Senator Bill Hagerty).
La Heritage Foundation a exercé des pressions considérables sur les législateurs pour qu’ils soutiennent ce projet de loi. Cette pression souligne l’importance politique du débat autour des CBDC. Les partisans du projet de loi, comme le sénateur Cruz et d’autres républicains, affirment que les CBDC représentent une menace pour la vie privée des citoyens et pourraient être utilisées par le gouvernement pour surveiller et contrôler les transactions financières individuelles. Ils soutiennent que les CBDC pourraient conduire à une centralisation excessive du pouvoir financier et à une réduction des libertés économiques.
De l’autre côté, les partisans des CBDC au sein du gouvernement et parmi certains démocrates estiment que les CBDC peuvent offrir des avantages significatifs, tels que l’amélioration de l’inclusion financière, l’efficacité des paiements et le renforcement de la politique monétaire. Ils considèrent également que des mécanismes de protection de la vie privée peuvent être intégrés dans la conception des CBDC pour atténuer les risques.
En conclusion, bien que le projet de loi anti-CBDC ait reçu un certain soutien au sein de la communauté conservatrice et ait progressé à travers certaines étapes législatives, ses chances de succès au Sénat restent limitées en raison de la majorité démocrate et des perspectives divergentes sur les bénéfices et les risques des CBDC. L’issue dépendra en grande partie de l’équilibre des forces politiques et des débats continus sur les implications technologiques et économiques des CBDC
Alors que le projet de loi se dirige vers le Sénat, il est clair que le débat sur les CBDC ne fait que commencer. Les décisions prises dans les mois à venir pourraient façonner l’avenir de l’économie numérique aux États-Unis et au-delà, avec des ramifications potentielles pour la position du dollar américain et la domination des banques américaines sur la scène mondiale.
A ce stade, on déplore que le même débat n’existe pas en Europe où la Commission européenne semble imposer son agenda au détriment de la consultation des citoyens.