Dans un contexte particulièrement compliqué pour les Fintechs, Société Générale chercherait à se séparer de son compte pro Shine acquis à prix fort en 2020. La nouvelle qui a fait l’effet d’un petit coup de tonnerre soulève des interrogations.
Quelles sont les limites de l’innovation par acquisition des acteurs traditionnels ?
Pour replacer cette opération dans son contexte, il faut rappeler que de nouveaux pure-players se sont lancés sur le marché bancaire français il y de cela quelques années. Certains se sont rapidement frayés un chemin en s’octroyant une part du gâteau.
Le secteur des Fintechs a même profité de très forts investissements. Face à cette situation, les banques traditionnelles pas assez agiles ont préféré acheter et grossir par des acquisitions externes plutôt que de créer de nouvelles offres et structures qu’elles n’étaient pas capables de concevoir.
Mais voilà, cette stratégie a ses limites :
- La concurrence est rude. Les utilisateurs sont plutôt conventionnels et durs à séduire. Donc, les enseignes ne lésinent pas sur les méga primes, lancent des services gratuits et des offres freemium pour certains. Être rentable dans ce secteur est un véritable challenge complexe à réaliser. D’autant plus que les contraintes légales du secteur sont financièrement lourdes à porter. Les contrôles obligatoires des autorités sont très rigoureux. Et les sanctions souvent trop lourdes à supporter. Résultat, toutes ces startup ne peuvent pas survivre.
- D’un autre côté, les études relayées par le site Maddyness démontrent que deux acquisitions sur trois font face à des difficultés d’intégration notables, notamment en raison du choc des cultures, des prises de décisions à la fois lentes et compliquées ainsi que de l’absence de synergies suffisantes en ce qui concerne la distribution par le réseau traditionnel. Au final, les résultats sont bien loin des attentes initiales.
C’est pourquoi, la décision de Société Générale de mettre en vente son compte pro en ligne Shine n’a pas manqué de soulever de nombreuses questions dans le secteur.
Interrogé par Maddyness, le co-fondateur du corporate startup studio 321 Patrick Amiel affirme que cette séparation ne signe en rien la fin de cette stratégie d’acquisition des groupes bancaires. Ces derniers vont plutôt miser sur des cibles plus prometteuses et se détourner des pépites Fintechs dont le business model est fragile.
Quelles seraient les conséquences pour Shine ?
Toujours d’après Patrick Amiel, cette séparation n’est pas sans conséquence pour Shine :
- Comme l’AssurTech Luko, le compte pro peut avoir des difficultés pour trouver un repreneur,
- Les conditions financières proposées par les éventuels repreneurs peuvent être très défavorables pour le groupe,
- Pour parvenir à une taille critique et avoir un avenir pérenne, la Fintech devra trouver un financement. Ce qui n’est pas évident en ce moment.
Alors que la plupart des banques françaises se désengagent de leurs activités de néobanque, d’autres types de candidats pourraient se positionner pour récupérer Shine et ses 150 000 clients revendiqués. Un acteur étranger pourrait y trouver un intérêt pour accélérer son développement tandis qu’un pure-player pourrait vouloir conforter sa position de leader.
Quel avenir pour les Fintechs ?
Étant donné le contexte économique qui s’est fortement dégradé, les groupes bancaires rationalisent désormais les coûts.
Pour Patrick Amiel, l’année 2024 risque donc d’être particulièrement mouvementée pour les Fintechs qui subissent déjà de plein fouet la crise de financement. D’ailleurs, la mise en vente de ce compte pro des indépendants tend à confirmer l’hypothèse d’une vague de cessions durant les prochains mois.
Nous nottons, que cette décision est loin d’être isolée dans le secteur :
- De nombreuses Fintechs ont déjà disparu à l’instar des comptes pour ados Vybe et Xaalys, des comptes pro Paykrom et Ferratum devenu Multitude ainsi que des acteurs comme Pumpkin, Aumax pour moi, Boon, Morning, Ditto Bank, Yeeld, C-zam, Vaultia ou encore Soon.
- ING s’est aussi retiré du marché français de la banque en ligne,
- D’autres acteurs comme Ma French Bank, Orange Bank et Anytime sont actuellement à la vente.
Chez les banques en ligne, seules Fortuneo (Crédit Mutuel Arkéa) et BoursoBank (Société Générale) seraient aujourd’hui rentables. Alors que Monabanq (Crédit Mutuel) continue d’essuyer les pertes, Hello bank! (BNP Paribas) recule incessamment son horizon tandis que BforBank (Crédit Agricole) vient de revoir entièrement son positionnement. Du côté des néobanques, N26 tend tant bien que mal vers la rentabilité alors que Revolut et bunq le sont depuis 2021.
S’il est venu le temps du nettoyage du secteur qui arrive à maturité, qui seront donc les prochains ?