Depuis plusieurs mois, le magazine Capital ouvre régulièrement une tribune au controversé Marc Touati, l’économiste et président du cabinet ACDEFI qui n’a pas l’habitude de mâcher ses mots et d’aller dans le sens du troupeau.
Dernièrement, il parle du retour sur terre du ministre des Finances qui décide de revoir la croissance française à la baisse. Quels sont les arguments qu’il avance pour justifier un tel revirement ?
France : La récession devient évidente
Dans son article, l’économiste se félicite de la décision du ministre de l’Économie de réviser ses prévisions de croissance pour l’année 2024 à la baisse.
En effet, après plusieurs mois de déni de réalité, Bruno Le Maire annonce une progression annuelle du PIB français de 1% au lieu de 1,4% comme annoncé l’été dernier. Mais cette prévision risque encore d’être erronée.
En effet, de son côté, Marc Touati estime une croissance d’environ 0,5% au vu des indicateurs de l’activité économique française. Pour leur part, le FMI et l’OCDE annoncent respectivement des estimations d’environ 0,9% et de 0,6%.
Pour l’économiste, ce changement de ton de Bercy s’explique en premier lieu par la récession qui tend à se confirmer :
- Les indicateurs montrent que l’activité économique va ralentir jusqu’à l’été prochain, dans les meilleurs des cas,
- Le taux de chômage qui a déjà connu une augmentation de 7,1 à 7,5% en 2023 va s’aggraver davantage,
- Les Français sont de plus en plus nombreux à tomber dans la précarité au point qu’il n’est plus possible de tenir un discours excessivement euphorique.
Une crise annoncée depuis longtemps par Marc Touati
Nous avions interviewé Marc Touati à la fin de l’été 2023, et ses prévisions pour la rentrée de septembre étaient en fait très réalistes.
Les médias proches du gouvernement diffusaient alors des messages allant à l’opposé du discours de l’économiste et les français pensaient de même. Ils restaient optimistes. Puisqu’au 20h00 on leur servait un tout autre discours.
Pourtant, il parlait déjà de l’arrivée de la récession depuis des mois.
Pourquoi n’a-t-il pas été entendu ? Ces mots froissaient-ils peut-être le gouvernement ? Plus on agit tôt dans une situation de crise, plus il est facile de la ralentir… Quel dommage que les médias aujourd’hui ne fassent pas leur vrai travail : Servir de contre-pouvoir pour alerter les citoyens et les dirigeants ! Il est où le fameux « quatrième pouvoir » ?
La France doit réduire ses dettes exorbitantes
Les pays de l’Union européenne, et notamment ceux de la zone euro, ont tous bataillé dur pour éviter un éventuel dérapage de leurs dettes et de leurs finances publiques.
C’est pourquoi ils ne supportent plus le comportement inverse adopté par la France. Mais si le pays doit diminuer ses dettes et ses déficits publics, c’est avant tout pour sa population et ses enfants, et certainement pas pour faire plaisir aux pays voisins. D’ailleurs, ce ne sont pas seulement les générations futures qui vont supporter le coût de la dette qui est d’ores déjà exorbitant aujourd’hui.
Les intérêts de la dette publique alourdissent le coût de la dette
Le changement de cap du locataire de Bercy s’explique également par le coût de la dette qui s’alourdit considérablement en raison de la forte augmentation des taux d’intérêt des obligations d’État depuis maintenant 3 ans.
D’ailleurs, les données dévoilées par l’économiste indiquent qu’ils restent très élevés :
- En se basant sur une croissance économique de 1,4% et des taux d’intérêt modérés, la loi de programmation des finances publiques indique que la charge d’intérêts de la dette publique de la France devrait avoisiner les 49 milliards d’euros en 2024, 57 milliards en 2025, 65,1 milliards en 2026 et 74,4 milliards en 2027.
- Les intérêts de la dette publique atteindraient les 295 milliards d’euros sur 5 ans selon les prévisions très optimistes du ministère chargé de l’Économie. Cette charge se chiffrait à 1 056,1 milliards d’euros entre 2000 et 2022 et devrait avoisiner les 1 350 milliards d’euros jusqu’en 2027, si tant est que les taux d’intérêt cessent d’augmenter.
La France risque de s’engager dans un cercle particulièrement dangereux
Pour Bruno Le Maire, il est devenu urgent de changer de discours puisque les agences de notations Moody’s, Fitch et Standard & Poor’s risquent d’abaisser la note de la France avec pour conséquences :
- Une hausse nette des taux d’intérêt de la dette publique,
- Un ralentissement de l’activité économique,
- Un accroissement du chômage, des déficits et de la dette.
Pour Marc Touati, les conséquences de telles évolutions peuvent être bien pires. Elles pourraient réactiver la crise de la dette publique en France et dans la zone euro, entraîner une grave crise politique et existentielle puis provoquer une véritable crise mondiale.