BCE : un pas de plus vers un futur numérique
La Banque Centrale Européenne (BCE) a récemment annoncé qu’elle entrait dans la « phase de préparation » d’un potentiel euro numérique, une étape cruciale qui vient après deux ans d’investigations. Bien que cette démarche ne garantisse pas l’émission d’une monnaie numérique de banque centrale (MNBC ou CBDC) par l’UE, elle marque néanmoins une évolution significative dans le projet.
La complexité de la préparation de cash plus
La BCE envisage une période de deux ans pour cette phase de préparation qui débutera en novembre de cette année.
L’objectif principal est de finaliser les règles régissant l’euro numérique et de sélectionner les partenaires du secteur privé pour le développement de la plateforme. La banque compte également sur cette période pour effectuer des tests et expérimentations afin d’évaluer les risques et avantages potentiels de cette initiative monétaire novatrice.
MNBC / CBDC : un paysage international concurrentiel
Dans un contexte mondial où plus d’une centaine de banques centrales, y compris celles de la Chine et du Japon, explorent ou se préparent à instaurer des monnaies numériques, la BCE se positionne de façon proactive. Toutefois, des institutions comme la Réserve fédérale américaine, la Banque d’Angleterre et la Banque du Canada restent plus prudentes sur ce sujet.
Les ambitions monétaires de la BCE et de sa présidente
Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a affirmé que « nous devons préparer notre monnaie pour le futur« .
L’euro numérique coexisterait avec les espèces, offrant une alternative numérique garantie par la banque centrale. Selon les responsables de la BCE, cela contribuerait à renforcer la souveraineté monétaire de la zone euro et à encourager la concurrence dans le secteur européen des paiements, actuellement dominé par les entreprises de cartes de crédit américaines.
Les risques en discussion
Cependant, les critiques et les experts ont exprimé de nombreuses réserves. Certains soutiennent que la BCE n’a pas clairement communiqué la valeur ajoutée de l’euro numérique et soulignent les risques potentiels, tels que des retraits massifs des banques commerciales en temps de crise. Markus Ferber, membre de la commission des affaires économiques du Parlement européen, s’est même demandé si la BCE n’avait pas pris une décision prématurée, compte tenu des délibérations législatives en cours au niveau européen.
Une phase de tests approfondis
Parallèlement à la préparation de l’euro numérique pour le grand public, la BCE a également lancé une série de sondages et d’expérimentations visant le secteur des transactions financières de gros. Trois solutions de règlement sont en cours de test, avec des collaborations entre différentes banques centrales européennes. La première vague de ces essais devrait avoir lieu au deuxième trimestre de 2024.
Des questions de confidentialité et de vie privée
La question de la vie privée et de la réglementation demeure un point crucial, surtout à l’approche des élections au Parlement européen en juin 2024. Christine Lagarde a été critiquée pour ses commentaires sur le potentiel de contrôle des paiements des utilisateurs, ce qui pourrait susciter de nouvelles préoccupations chez les régulateurs et les décideurs politiques.
Ces critiques soulèvent des points importants sur les implications potentielles de l’euro numérique. La confidentialité est une préoccupation majeure. L’euro numérique sera entièrement traçable, ce qui pourrait être utilisé pour surveiller les citoyens. La BCE a assuré que les données personnelles seraient protégées, mais il est difficile de croire qu’une institution gouvernementale ne tentera pas d’utiliser ces données à des fins de surveillance.
La liberté financière pourrait également être limitée. La BCE pourrait imposer des limites de détention et des restrictions sur les transactions. Cela pourrait limiter la capacité des citoyens à gérer leur propre argent. La souveraineté financière pourrait également être menacée. L’euro numérique sera contrôlé par la BCE, qui est une institution supranationale. Cela pourrait donner à la BCE un pouvoir excessif sur l’économie européenne.
L’euro numérique est un projet ambitieux qui pourrait avoir des implications profondes pour les citoyens européens. Il est important de débattre de ces implications avant que la BCE ne prenne une décision finale sur le lancement de l’euro numérique.
Améliorer la transparence et la responsabilité de l’euro numérique
La BCE devrait mener une consultation publique approfondie sur le projet. Cela permettrait aux citoyens de faire part de leurs préoccupations et de contribuer au développement de l’euro numérique. En parallèle, l’Union Européenne se doit de créer un cadre juridique solide spécifique afin de protéger la confidentialité et la liberté financière des citoyens européens.
La BCE devrait également imaginer rendre compte régulièrement de l’utilisation de l’euro numérique. Cela permettrait aux citoyens de s’assurer que l’euro numérique est utilisé de manière responsable.
Le temps nécessaire à la réflexion et à la consultation des citoyens européens
L’euro numérique n’est pas encore une réalité, cependant, l’annonce de la BCE ouvre une nouvelle étape dans l’éventuelle émission de celui-ci, et la banque centrale est loin de dissiper toutes les inquiétudes et les interrogations. Cette phase de préparation de deux ans sera cruciale pour aborder des questions aussi complexes que la protection de la confidentialité et de la vie privée, la réglementation, les risques financiers, et l’intégration dans le système financier mondial. Il est clair que la route vers un euro numérique est semée d’embûches, mais aussi d’opportunités pour refaçonner l’avenir monétaire de l’Europe.
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