Banques et clients âgés : gare aux produits financiers inadaptés

Publié le - Auteur Par Nantcy L -
Banques et clients âgés : gare aux produits financiers inadaptés

INTERVIEW. Les seniors et personnes vulnérables, généralement plus influençables, sont-ils victimes des banques ? De nombreuses dérives ont été dénoncées. Tristan Appolinaire, agent AXA Prévoyance & Patrimoine donne des pistes pour se protéger et limiter les risques.


Incitation à souscrire une assurance vie à 80 ans ou un contrat de prévoyance, adhésion à un fonds à terme clôt après 90 ans…

Les banques exercent-elles un abus de pouvoir sur les populations vulnérables, qui possèdent des niveaux de patrimoine importants ? Que dit la loi ? Si la part de la population âgée ne cesse d’augmenter (15 % de personnes de plus de 75 ans en France en 2040), leur détention de produits financiers est moins diversifiée, par rapport aux autres groupes d’âge. Dès lors, le démarchage et la commercialisation des produits financiers auprès des personnes âgées amène parfois à des ventes inadaptées, voire immodérées.

Face à ces pratiques douteuses, l’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution) et l’AMF (Autorité des marchés financiers) se sont penchés sur ce sujet sensible.

Les deux organismes ont en effet lancé une consultation publique, pour protéger les personnes âgées contre le système bancaire. L’étude sociologique « s’est intéressée aux relations entre les établissements financiers et leurs clients âgés », note l’ACPR sur son site.

Objectif : « Observer les pratiques commerciales sur le terrain, les interactions entre l’organisation des établissements bancaires et les professionnels en contact avec les clients, et mieux comprendre leurs impacts sur le processus de commercialisation auprès de ces populations vieillissantes. »

Banques et clients âgés : tout est une question de consentement éclairé

Au sein des banques, donner des conseils financiers aux personnes faisant de la « zone grise » est délicat. Elle concerne les personnes âgées qui ne se sont ni sous curatelle, ni sous tutelle. Peuvent-elles pour autant donner un consentement éclaire ?

Banques et clients âgés : doutes et risques jugés uniquement par les conseillers ?

D’après les organismes de régulation, « de nombreuses questions restent en suspens quant à la gestion de la clientèle se situant dans la zone grise ». Car le jugement de ces clients, souvent vulnérables, peut être altéré par des troubles cognitifs, graves ou légers. Or, jusqu’à présent, il n’existe pas de loi en vigueur couvrant ce type de situation. La prise de mesure adaptée se fonde ainsi sur le bon vouloir de chaque établissement financier.

Le rapport stipule d’ailleurs que certains conseillers peuvent rencontrer des difficultés vis-à-vis des clients âgés. « Le ressenti de la part du conseiller face à la perte d’autonomie du client peut générer un doute sur la capacité de celui-ci à former un consentement éclairé et le risque, entre autres, de ne pas fournir un conseil adapté ou la crainte de s’exposer à un risque de réputation, voire de contentieux », pointent l’ACPR et l’AMF. La prise en compte de la vulnérabilité (déclin des capacités physiques et cognitives), pouvant être difficile à mettre en œuvre dans certaines organisations, repose donc essentiellement :

  • Sur les établissements financiers (y compris au sein d’un même réseau)
  • Sur l’expérience du conseiller

Ils ne disposent pas d’outils de mesure ni de règles juridiques.

Banques et clients âgés : « Une attention toute particulière est nécessaire »

« Les clients dits vulnérables (sous tutelle, curatelle, en situation de handicap ou âgés), n’ont pas ou plus la même capacité d’analyse. Pour limiter les risques et protéger cette clientèle particulière, l’exhaustivité des compagnies met en place des mesures spécifiques », nous assure Tristan Appolinaire, agent AXA Prévoyance & Patrimoine. « Les préconisations de l’ACPR restent des consignes, qui ne sont pas appliquées par tous », regrette-t-il.

« Lorsque nous rencontrons des personnes âgées, de 85 ans et plus, nous pouvons avoir des doutes sur leur consentement libre et éclairé. C’est pourquoi cette clientèle nécessite une attention toute particulière. Il s’agit de constater le niveau de vulnérabilité et de remonter l’incertitude en interne », explique notre conseiller financier. Or, cela reste très subjectif.

Niveau de vulnérabilité : comment le constater ?

« Concernant les personnes vulnérables de 85 ans et plus, il existe des indices de vulnérabilité qui permettent de déterminer quel client n’est plus à même de prendre des décisions patrimoniales :

  • Indices neurologiques
  • Indices psychocomportementaux : la personne est par exemple négligée ou a du mal à tenir un stylo
  • Indices sociaux & isolement : si la bénéficiaire de l’assurance vie contractée est la femme de ménage ou un voisin, on se doit de faire remonter l’information afin d’écarter tous abus de confiance ou de faiblesse », nous détaille l’agent.

« Nous avons également un règlement adapté et une formation obligatoire spécifique à cette clientèle, menée par des organismes spécialisés. Cela aide au repérage de la perte d’autonomie et des besoins spécifiques des personnes âgées Mais, pour les moins de 85 ans, ça reste au jugement de chacun », concède-t-il.

« Au sein d’AXA, nous avons par exemple un référent dédié aux personnes âgées & vulnérables. Lorsque nous sommes perplexes sur un dossier, nous faisons appel à lui. La démarche doit néanmoins être initiée par les conseillers et certains font signe de n’avoir rien remarqué. Là est la problématique. Cela peut donc être paroles contre paroles. D’autant que, dans la mesure où les conseillers sont mieux rémunérés sur les fonds à risque, ils ne vont pas forcément aller dans le sens du client, et effectuer un défaut de conseil », se désole-t-il.

Banques et clients âgés : comment déjouer les pièges ?

D’après l’économiste André Masson, en 2015, 57 % de la richesse financière globale en France était détenue par les plus de 60 ans. Ils représentent ainsi un enjeu clé pour les banques, qui peuvent leur proposer des produits financiers inadaptés.

Banques et clients âgés : les mauvaises pratiques les plus courantes

Le patrimoine de cette clientèle est davantage financier et leurs besoins sont différents. Ils souhaitent en effet :

  • Avoir de la liquidité
  • Moins s’exposer aux risques, notamment dans la préparation de la transmission
  • Faire fructifier leur patrimoine

Pour les appâter, et « puisque les personnes âgées sont les plus gros épargnants, certains conseillers financiers usent des mauvaises pratiques suivantes :

  • Ruse : proposer de signer les conditions tarifaires alors qu’il s’agit en réalité du contrat
  • Cacher volontairement des informations : ne pas parler des frais associés au produit par exemple
  • Commercialiser un produit financier sans remonter le niveau de vulnérabilité de la personne », énumère le conseiller financier.

Banques et clients âgés : quelles solutions pour garantir un consentement éclairé ?

Fort heureusement, il existe des solutions pour garantir le consentement éclairé des seniors souscrivant une assurance ou choisissant des offres bancaires. Voici ce que préconise Tristan Appolinaire.

  • « Venir avec son enfant, ou membre de la famille proche : le conseiller doit réaliser une découverte de l’environnement familial et prendre contact avec les proches, pour que le client soit accompagné lors du rendez-vous.
  • Être attentif et identifier les points qui demandent plus de vigilance
  • Redoubler de vigilance en cas consentement non éclairé : s’assurer que l’accompagnateur ne fasse pas d’abus de faiblesse. Époux, enfants… Il est important de remonter l’info au référent. Les ayants droits font souvent remonter le litige. »

Les personnes vulnérables peuvent aussi faire appel à des conseillers indépendants : « Il y a généralement moins de problèmes d’abus, lorsque la pression managériale (quota de souscription et objectifs à atteindre) est inexistante », reconnaît l’expert.

Clients âgés : vers quels produits se tourner ?

Quels sont les produits vers lesquels peuvent se tourner les seniors ? La prise de risque doit-elle être diminuée au fil de l’âge ?

« Oui, évidemment, plus on vieillit, plus la prise de risque doit être modérée. Mais, avant toute chose, il est primordial que le client définisse son objectif : souhaite-t-il transmettre son patrimoine ou le placer ? Une étude patrimoniale globale doit être effectuée avec le conseiller, avant toute prise de décision. Les solutions les plus optimales sont étudiées (droits de succession, impôts, etc.) et se déterminent en fonction du profil et du patrimoine », assure-t-il.

Et d’ajouter : « Par exemple, si les unités de compte et les investissements en Bourse sont à éviter, l’assurance vie (et ses fonds euros au capital garanti) reste très intéressante pour un bénéficiaire, en ce qui concerne les fonds placés avant 70 ans. »

« Ceux souhaitant placer leur argent pour s’offrir un complément de revenus doivent adopter une position défensive, car ils peuvent décéder à tout moment. Il faut donc conserver a minima 70 % de son patrimoine. »

« Enfin, une personne vulnérable ou âgée, ayant une épargne maximale de 41 500 €, doit se tourner vers les livrets d’épargne réglementée, comportant zéro risque. Et en particulier vers le LDDS ou le Livret A. Cette somme correspond en effet aux plafonds du LDDS et du Livret A, qui rapporte actuellement 3 % par an, net d’impôt. Bien que ce taux soit inférieur à l’inflation, il n’y a pas plus sécuritaire aujourd’hui », pointe le conseiller financier.

Attention, ces informations sont données à titre indicatif, il est important de faire le point avec un conseiller patrimonial avant de souscrire un quelconque produit financier.

Par Nantcy L

Journaliste plurimedia depuis 15 ans, je m'intéresse à différents univers : économie, lifestyle, société, culture, psycho & développement personnel... Pour Comparateurbanque.com je vous livre, à l'aide d'experts, des conseils pour mieux gérer votre argent.

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