En juin 2022, peu de temps après sa nouvelle élection en tant que président de la République française, Emmanuel Macron annonçait vouloir sortir du TCE, ou du moins, le réformer. Dans un souci de montrer qu’il respecte ses engagement et écoute les Français touchés de plein fouet par l’inflation qui ronge leur pouvoir d’achat, il a pris une décision. Mais cela aura-t-il un impact sur la facture énergétique ?
Qu’est-ce que le TCE, ce fameux Traité sur la Charte de l’Energie ?
Commençons par un rappel sur ce traité, qui n’est plus adapté aux enjeux de notre époque.
Le TCE, traité sur la Charte de l’énergie, date de presque 30 ans !
Conçu en 1994 et signé en 1999, cet accord permet aux investisseurs étrangers de réclamer des compensations financières, si les lois du pays ont des impacts négatifs sur leurs investissements dans l’énergie. Il s’agit d’une forme d’assurance financière pour les énergéticiens, en cas de modification des lois nationales.
L’Union Européenne (hormis l’Italie, qui en est sorti en 2015) est signataire du TCE, aux côtés de nombreux autres pays (52 parties au total).
Macron a annoncé le 21 octobre 2022 que la France allait se retirer de cet accord, faute d’avoir pu le réformer suffisamment pour pouvoir décarboner rapidement l’économie française.
Un traité incompatible avec les Accords de Paris
De nombreux experts estiment en effet que cet accord protège trop les énergies fossiles, et n’est donc pas compatible avec les Accords de Paris, signés en 2015, qui – rappelons-le – ont pour objectif de réduire fortement les émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et limiter la hausse de la température mondiale à +1,5°C en 2050.
Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) avait déjà rendu publique récemment son opinion, pour lui la France devrait se retirer de cet accord, vieux de 30 ans, qui n’est plus adapté au contexte de dérèglement climatique aggravé. Le président Macron leur a donc donné satisfaction.
Le TCE est un véritable frein à la transition énergétique
Permettant aux investisseurs étrangers de “spolier” les finances publiques des États signataires, le TCE est une porte ouverte aux abus et aux milliards d’euros détournés de la véritable priorité : décarboner notre système énergétique.
L’État français donne donc ici un vrai signe encourageant de sa volonté d’atteindre ses objectifs en termes de réduction des GES.
Quid du pouvoir d’achat des Français ?
Tout ceci est très bien sur le plan du climat, mais ce que les Français souhaitent aussi, c’est que leurs factures d’énergie arrêtent de flamber.
Pourquoi l’Espagne et le Portugal ne paient pas plus cher leur gaz et électricité ?
Nous avons récemment eu l’occasion d’interviewer Philippe Herlin, expert reconnu de la transition énergétique, qui dénonce la marche forcée imposée de la décarbonation de notre système énergétique. Il nous rappelle que notre bouclier tarifaire ne fait que creuser fortement la dette publique, sans traiter le problème de fond.
Pourtant, la solution existe, le Portugal et l’Espagne l’ont fait : il faut sortir du marché européen de l’énergie, et permettre aux marchés nationaux de réduire les prix de l’énergie.
Bruxelles a en effet accordé une dérogation à ces deux pays, pour qu’ils puissent déconnecter leurs prix des marchés européens, avec pour conséquence que le consommateur espagnol ou portugais n’a pas vu les prix de l’énergie exploser comme dans notre pays.
La France pourrait-elle sortir du marché européen de l’énergie, elle aussi ?
Il faut en effet savoir que sur le marché européen de l’énergie, les prix du marché sont alignés sur le mode de production le plus coûteux, c’est-à-dire les centrales à gaz actuellement. Le gaz a en effet vu ses prix décuplés depuis le début de la crise ukrainienne, entraînant dans son sillon les prix des autres modes de production énergétique…
Malheureusement, ces deux pays ont fait valoir leur isolement géographique et leur éloignement des autres centres de production énergétique européens, pour obtenir cette dérogation.
Le cas de la France est très différent : nous importons massivement de l’électricité à partir de l’Allemagne, de l’Espagne et du Royaume-Uni. Il nous faudra donc justifier d’une autre raison valable auprès de la Commission européenne pour obtenir une telle dérogation !
Sortir de cette charte est donc une aberration pour certains puisqu’elle permettait de ne pas tomber dans un extrême. Celui de tout vouloir reformer, changer …