Finance décentralisée : quels sont les risques du lancement des MNBC ?

Modifié le - Auteur Par Nantcy L -
Finance décentralisée : quels sont les risques du lancement des MNBC ?

INTERVIEW.

La finance décentralisée prend de plus en plus d’ampleur. Afin de s’y faire une place, les banques centrales se penchent sur le développement de monnaies numériques des banques centrales (MNBC). La Banque de France annonce d’ailleurs l’arrivée de l’euro numérique en 2027. Bonne ou mauvaise idée ? Décryptage de Philippe Herlin, chercheur en finance, auteur de livres notamment sur Bitcoin.

 

Proposer une alternative aux cryptomonnaies, incontrôlables et volatiles. Tel est l’objectif des banques centrales, qui travaillent à la création d’une forme numérique de leurs monnaies, les MNBC. Elles pensent ainsi faire face à la triple révolution numérique dans le secteur financier, en concurrençant les nouveaux actifs tokenisés, les nouveaux acteurs et les nouvelles infrastructures de marché « décentralisées » qui visent à remodeler intégralement le système financier. Que cela signifie-t-il précisément ?

MNBC : une alternative aux cryptomonnaies

Lors d’une conférence organisée par la Banque de France ce 27 septembre 2022 au musée du Louvre à Paris, le gouverneur, François Villeroy de Galhau est revenu sur les opportunités et les défis de la tokenisation de la finance.

MNBC : vers une meilleure régulation des cryptoactifs dans le monde ?

Pour rappel, la tokenisation est l’attribution d’un droit de propriété d’un actif à un jeton virtuel. L’engouement autour des cryptomonnaies et de la technologie blockchain a été tel, qu’il n’a cessé d’inquiéter les banques centrales. Les alertes sur les dangers des cryptomonnaies et les potentielles failles présentes au sein de leurs blockchains se sont multipliées. Afin de régulariser ce marché très volatil, l’instauration d’un cadre réglementaire est à l’étude. En Europe, la proposition de réglementation MiCA (Market in crypto assets) pourrait entrer en vigueur au plus tôt en mars 2023.

Selon Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, les MNBC sont essentielles à cette régulation : « Si [les banques centrales NDLR] ne sont pas de la partie et ne sont pas impliquées dans le développement et l’évolution [des paiements numériques NDLR], elles risquent de perdre leur rôle d’ancre qu’elles endossent depuis plusieurs décennies », a-t-elle déclaré. Ainsi, « une centaine de banques centrales élaborent une MNBC. Pour nous, c’est l’euro numérique qui, d’ici un an, devrait entrer dans une phase post-prototype », ajoute-t-elle.

MNBC : à quoi va servir l’euro numérique ?

Annoncé pour 2027, l’euro numérique devra répondre à divers défis. Pour cela, « nous sommes actuellement en train de nous essayer à 3 développements futurs pour l’euro numérique », note François Villeroy de Galhau. « Deux d’entre eux portent sur l’interopérabilité et la liquidité pour améliorer les paiements transfrontaliers. Le troisième est un approfondissement des deux premiers et porte sur l’utilisation des MNBC pour l’achat de titres financiers tokenisés. »

« Concrètement, cette MNBC va servir à faire circuler la monnaie numérique émise par la banque centrale via les nouvelles technologies. Ces transferts de fonds rapides de longue distance et moins coûteux se caractérisent par des virements instantanés de smartphone à smartphone par exemple, sans RIB. Cela afin de répondre à la forte demande », nous explique Philippe Herlin auteur, entre autres, du livre « Bitcoin, comprendre et investir » (Éd. Eyrolles). Or, au-delà des opportunités que peuvent offrir les MNBC de détail (destinées aux particuliers), elles posent d’ores-et-déjà divers questionnements.

MNBC : les risques pour les banques traditionnelles et le consommateur

Les MNBC pourraient-elles mettre en danger les banques traditionnelles ainsi que la liberté financière des consommateurs ?

MNBC : ce que craignent les banques

« Cette idée de MNBC, qui pourrait mettre à mal le système bancaire, est loin de ravir les banques. Aux États-Unis, elles ont d’ailleurs publié un communiqué pour exprimer leur mécontentement. Car, en cas de crise économique et financière (comme les subprimes par exemple), les clients bancaires pourraient vider leur compte en banque et transférer leurs fonds en Dollar numérique », détaille le chercheur en finances.

Et d’ajouter : « Jusqu’ici, les retraits aux distributeurs automatiques de billets (DAB) limitaient ce phénomène. Avec la création des MNBC, il pourrait être possible, si des limites ne sont pas posées, de tout transvaser. Les banques pourraient alors faire faillite. Pour empêcher cette situation, la banque centrale européenne, a déjà fait savoir que les transferts de fonds seraient limités à 3 000 euros par personne. Pourquoi cette somme ? Elle est bien trop basse pour les entreprises. Rien n’est encore bien clair. »

Qu’en est-il par ailleurs du droit à la vie privée ?

MNBC : vers une surveillance généralisée des consommateurs ?

« Dès lors qu’une MNBC est créée, elle devient une monnaie programmable. Des dérives, comme la surveillance généralisée des consommateurs pourraient alors survenir. Il serait par exemple possible d’interdire une personne de voyager, en bloquant d’office les transferts d’argent vers les compagnies aériennes par exemple, comme c’est le cas en Chine. Les personnes ayant un crédit social dégradé ne sont plus autorisées à partir à l’étranger », rapporte Philippe Herlin. Les droits humains pourraient ainsi être dégradés.

D’autre part, « derrière les MNBC, se cache aussi la disparition de l’argent liquide, qui permet encore d’avoir un peu de vie privée. Déjà, aujourd’hui, les paiements sans contact ont grandement réduit les paiements en espèces, mais avec l’arrivée des MNBC, les gens vont être dépendants de l’argent électronique », alerte l’expert.

Pour rassurer sur ces questions, Christine Lagarde a insisté sur le niveau d’anonymisation des transactions en euros numériques. « Pendant le développement de l’euro numérique, nous avons toujours gardé en tête que le droit à la vie privée est quelque chose d’important pour les Européens. L’euro numérique respectera l’anonymat de ses utilisateurs jusqu’à un certain degré, mais pas au niveau de la Banque centrale européenne. » Tout reste encore à élaborer, pour limiter les risques et les dérives.

Par Nantcy L

Journaliste plurimedia depuis 15 ans, je m'intéresse à différents univers : économie, lifestyle, société, culture, psycho & développement personnel... Pour Comparateurbanque.com je vous livre, à l'aide d'experts, des conseils pour mieux gérer votre argent.

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