INTERVIEW.
L’indice moral économique des Français s’effondre et leur rapport à la richesse se veut pessimiste, selon une étude d’Odoxa publiée en juillet dernier. Émile Leclerc, directeur d’études au sein de l’entreprise de sondages, nous en révèle les causes.
« Triste juillet. Moral en berne, et rejet « du riche » sur fond de sentiment de paupérisation. » Voici l’enseignement clé tiré du baromètre de l’économie publié en juillet dernier par Odoxa, pour Abeille Assurances, Challenges et BFM. Selon l’enquête réalisée auprès d’un échantillon de 1005 Français représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, on assiste à un véritable effondrement du moral économique des ménages. 78 % (contre 70 % le mois précédent) concèdent être plus pessimistes sur l’avenir de la situation économique du pays ces dernières semaines, et seulement 21 % déclarent être « plus confiants », contre 29 % le mois dernier. Soit une chute de 16 points de l’indice moral économique. Un record en 10 ans ! Flambée des prix de l’alimentation, de l’énergie, des carburants… L’inflation et le conflit russo-ukrainien pèsent lourd sur ces chiffres, puisqu’en « neuf mois, notre indice de moral économique s’est effondré de 45 points », peut-on lire dans l’étude. Ce phénomène n’était pas arrivé depuis « deux contextes post-électoraux décevants. Après l’élection de François Hollande, l’indice était passé de « +9 » à «- 48 » entre juin et septembre 2012 et, réciproquement après l’élection de Nicolas Sarkozy, l’indice était passé de « +17 » en juin 2007 à « -52 »en septembre », rappelle le baromètre. Leur rapport à la richesse est-il de ce fait bouleversé ?
Argent : « Ressentiment et défiance accrus envers les riches »
L’image des Français envers les personnes riches ne s’est pas améliorée.
La grande majorité des Français n’aiment pas les riches
« Le moral économique en berne joue sur le ressentiment que peuvent avoir les ménages envers les riches », nous confie Émile Leclerc, directeur d’études au sein de l’entreprise de sondages Odoxa. Les trois quarts des Français (76 %) estiment que dans le pays, on n’aime pas les riches. Pis, 52 % affirment ne pas les apprécier eux-mêmes. « On observe que les riches sont plus facilement accusés dans un contexte économique difficile. Mais la méfiance ne sait pas aggravée pour autant, elle a toujours été présente au sein de la population française », tient à rappeler l’expert.
Les riches accusés d’égoïsme
« En 2020, nous avions posé la même question à nos sondés : « Pourquoi les Français ont une mauvaise image des riches ? » Les réponses justifiant ce désamour peuvent surprendre. Pour la grande majorité des Français (63 %), les riches sont considérés comme des égoïstes qui voudraient se soustraire à l’impôt, via l’exil qui est condamnable ou l’optimisation fiscale », révèle Émile Leclerc. C’est pourquoi les ¾ des Français étaient favorables à un impôt spécifique pour les plus riches.
« Selon eux, les riches sont des truqueurs et des égoïstes. Plus on est riche, plus on est malin, songent-ils. Ils estiment qu’ils ne contribuent pas assez à la vie de la collectivité. 27 % pensent qu’ils ne redistribuent pas assez à la société (dons aux associations ou fondations) ou encore que certains ne méritent pas vraiment leur fortune (14 %) », détaille-t-il.
Une perception exacerbée par un sentiment d’appauvrissement au fil des générations.
Notre analyse : Ne l’oublions pas, les médias font tout pour appuyer et mettre en avant cette idée : « les responsables/ coupables sont les riches ». Plus une théorie est mise en avant dans des médias qui inspirent encore confiance à une majorité plus elle a du poids dans les mentalités.
Argent : un seuil de richesse perçu en baisse
« L’inflation rebat les cartes sur le rapport global des Français à l’argent et à ce que c’est d’être riche », dévoile Odoxa.
Argent : un ascenseur social en panne
En raison du contexte économique difficile, les foyers français ont l’impression que l’ascenseur social est en panne et qu’on assiste à un appauvrissement de génération en génération. « À la question : « Ma situation est-elle meilleure que celle de mes parents ? » Il y a 20 ans, les ¾ des Français répondaient oui. Aujourd’hui, 57 % jugent qu’elle est moins bonne. Par principe, on doit avoir une meilleure situation financière que la génération précédente. Mais cette différence de point de vue vient du fait qu’en 2002, une grande partie des Français étaient issus du baby-boom. Ainsi, en dehors de la période des grandes glorieuses, ils ont la sensation que la situation se dégrade », explique le directeur d’études.
Par ailleurs, que signifie pour eux, être riche ?
Argent : on est riche à partir de 5 000 euros par mois
La notion de richesse est aujourd’hui plus restrictive. « La médiane se situe à 5 000 euros, ce qui est assez peu élevé. C’est d’ailleurs 1 000 euros de moins qu’il y a deux ans. Les réponses fluctuent en fonction des revenus des répondants. Plus le niveau de revenus est faible, plus la médiane l’est aussi. Les ménages ont pour idée qu’une personne riche gagne deux fois plus qu’eux. Ils doublent leurs propres revenus. Ils se disent que s’ils arrivent à survivre avec un salaire faible, celui qui gagne deux fois plus qu’eux, doit largement s’en sortir », analyse Émile Leclerc. Ils estiment également qu’une personne est riche, dès lors qu’elle possède 500 000 euros de patrimoine. « Des chiffres qui n’évoluent que très peu depuis 15 ans. D’autre part, si 69 % des personnes interrogées affirment que c’est une bonne chose de devoir gagner de l’argent et de devenir riche, seuls 27 % se sont donnés comme objectif d’être riche », conclut-il.